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Canal+ au pied du mur, après la perte des droits du foot

L’inquiétude et même la consternation dominaient mercredi chez les acteurs de l’audiovisuel français, au lendemain de  la perte par Canal+ des droits télé de la Ligue 1 de foot , raflés en majeure partie par l’espagnol Mediapro. Quel avenir pour Canal+ amputée du championnat français, ces droits vitaux pour la chaîne, après avoir successivement perdu la Ligue des champions et le championnat anglais ? Et comment Canal+ a-t-elle pu en arriver là ?

« Nous sommes dans une logique de pérennité du groupe et c’est pour cela que nous avons décidé de ne pas surenchérir », ne cesse de répéter Maxime Saada, le patron de Canal+, tentant de minimiser l’échec. La vérité, c’est que lors des enchères, Canal+ n’a pas misé suffisamment sur le premier lot, et qu’une fois qu’elle l’a perdu, la chaîne a tout fait pour torpiller l’appel d’offres sur les lots suivants.

Elle a misé des tarifs exceptionnellement bas (10 millions) car si les prix de réserve n’étaient pas atteints, elle savait que l’appel serait déclaré infructueux. Elle n’a surtout pas anticipé l’arrivée de Mediapro dans la bataille. «  Mediapro a raflé les meilleurs lots du championnat en mettant 780 millions d’euros sur la table. Il aurait suffi que Canal+, qui paye aujourd’hui 550 millions, mette 250 millions de plus et c’était gagné pour eux ! », relève un bon connaisseur du dossier. Difficile de refaire l’histoire…

Equation compliquée

Reflet des inquiétudes dans le secteur : le titre Vivendi, maison mère de Canal+, perdait plus de 3,64 % à la clôture mercredi . L’équation s’annonce très compliquée pour la chaîne cryptée.

Beaucoup anticipent une hémorragie d’abonnés à venir : les analystes de Mainfirst prédisent carrément le départ de « la moitié des abonnés en France en 2020 et 2021. » Le revenu mensuel moyen par abonné, actuellement de 45,7 euros par mois, pourrait reculer d’au moins 20 %, ajoutent-ils et Canal+ perdrait un milliard de chiffre d’affaires par an. De fait, le groupe serait en perte opérationnelle en 2021 de 130 millions, contre un bénéfice prévu à l’origine de 320 millions…

S’il existe des hypothèses de sortie de crise pour Canal+, aucune n’est idéale. La chaîne pourrait, par exemple, négocier avec Mediapro pour tenter de lui racheter une partie au moins des droits télé de la Ligue 1. C’est probablement la première chose à faire si tant est que Mediapro, qui veut faire une chaîne 100 % sport en France, soit vendeur.

Selon les analystes de Berenberg, « Canal+ n’est plus en position de décider de son destin et Mediapro est en position de faiseur de roi. » Dans une telle configuration, « le prix à payer pour Canal+ sera plus élevé que son offre initiale et le prix proposé par Mediapro. »

Transformation en HBO ?

L’autre solution pour Canal+ serait de distribuer la chaîne sport de Mediapro, via son bouquet satellitaire CanalSat, ce qui lui permettrait de limiter la perte d’abonnés du groupe Canal+. Même si Mediapro pourrait alors lui réclamer d’onéreux minimums garantis.

Cependant, aujourd’hui, à ce petit jeu du distributeur de chaînes sportives c’est SFR qui est le mieux placé  : l’opérateur est le seul acteur qui possède tout le foot : il distribue Canal+ (Ligue1), a sa propre chaîne SFR Sport (Ligue des champions et Premier League) et compte bien à l’avenir signer un accord de distribution de la future chaîne sportive de Mediapro…

Autre plan pour Canal+ : se transformer en une chaîne cinéma et séries, suivant le modèle de l’américaine HBO, et donc se passer totalement du sport. Canal+ a lancé cette réflexion depuis plusieurs mois dans l’hypothèse où elle perdrait la Ligue 1. Après tout, la chaîne cryptée est l’un des tout premiers pourvoyeurs de fonds du cinéma français.

Mais là encore, c’est un projet risqué dans la mesure où elle devrait alors frontalement lutter avec des géants comme Netflix et autre Amazon Prime. Pour Maxime Saada, l’heure n’est cependant pas encore venue d’enclencher ce « plan B ». Tant que la partie n’est pas complètement perdue dans le foot…


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