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Un « scénario de rupture » pour le système de santé

C’est un rapport qui devrait faire des vagues. La « contribution à la transformation du système de santé » du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM), que se sont procuré « Les Echos », est en phase de relecture. Elle devrait être rendue publique cette semaine. A point nommé, puisque le chef de l’Etat doit  dévoiler ce mois-ci  une réforme d’ensemble du système de santé, qu’il a promis ambitieuse.

Halte à l’hospitalo-centrisme

La soixantaine de membres du HCAAM (partenaires sociaux, gestionnaires des établissements de santé, élus, hauts fonctionnaires, complémentaires santé, etc.) se sont entendus pour refuser deux scénarios. D’abord, l’inertie : conserver un système de soins cloisonné entre la ville, l’hôpital, le médico-social. « De plus en plus coûteux et de moins en moins efficient », ce modèle ne pourra pas prendre en charge le vieillissement de population et les maladies chroniques.

Ils rejettent aussi le scénario d’une restructuration de l’offre pilotée par les grands centres hospitaliers. « La primauté donnée aux prises en charge lourdes et spécialisées conduit à des difficultés pour maintenir un accès universel et solidaire pour tous à l’ensemble des soins et accentue les inégalités », critique le HCAAM. Ce type de transformation « hospitalo-centrée », qui s’illustre à travers la création en 2016 des groupements hospitaliers de territoire, accusés de « gigantisme », dénote une « incapacité à sortir du modèle historique ».

Eviter la « sur-administration »

Le HCAAM appelle donc à choisir « un scénario de rupture ». Dans ce schéma, « les établissements cessent d’être le centre de gravité du système. Ils sont ouverts sur un extérieur structuré qui n’est plus conçu comme un « amont » ou un « aval » de séquences hospitalières ». Les malades chroniques ou âgés devraient être essentiellement traités hors les murs de l’hôpital. Il s’agit d’un renversement de perspective, puisque l’on part du territoire pour définir les services dont a besoin une population donnée.

Une telle réforme peut durer quinze ans, correspondant à peu près à l’arrivée d’une nouvelle génération de soignants, après la nécessaire refonte des études médicales. Même s’il faut à tout prix éviter la « sur-administration », elle nécessite une politique volontariste et un plan d’ensemble.

La pratique isolée non-pertinente

« A terme, le Haut Conseil considère que l’ensemble des professionnels devrait exercer dans des structures collectives : la pratique isolée correspond à une organisation qui n’est plus pertinente ». Suite à la loi Santé de Marisol Touraine, les acteurs de la santé à l’échelle du bassin de vie (30.000 à 100.000 habitants) ont commencé à se structurer. Dans le scénario du Haut Conseil, ils devraient assumer collectivement des responsabilités sur leur territoire : garantir à chacun un médecin traitant et une orientation pertinente dans le système de soins. La mission sociale historiquement dévolue à l’hôpital devrait également leur revenir – facilités pour l’ouverture de droits sociaux, accès à des assistantes sociales. C’est un investissement financier prioritaire.

Quant aux hôpitaux, ils devraient se recentrer plutôt que de viser l’exhaustivité, et passer contrat avec les communautés locales de professionnels pour coordonner les retours à domicile, les systèmes d’information, la formation… Selon le HCAAM, les 60 à 70 plateaux techniques à faible activité devraient être regroupés. Des « établissements de santé communautaires » pourraient ouvrir, au service des médecins de ville, avec des lits de premier recours, de l’imagerie de proximité, du suivi de grossesse et de la biologie de routine. La Fédération hospitalière de France est d’ailleurs inquiète car ces établissements ne seraient pas nécessairement intégrés aux groupements hospitaliers de territoire (sous la férule des CHU).

Les agences régionales de santé n’auraient plus de droit de regard sur l’offre de soins – et notamment la gestion des hôpitaux – mais réguleraient les services rendus à la population. Le HCAAM préconise d’augmenter les fonds à leur disposition, en soutien à la réorganisation et à la coordination des soins. Par ailleurs, les budgets de la médecine de ville et des hôpitaux devraient être fondus dans une seule enveloppe (hors fonds régionaux voire hors médicaments), avec une harmonisation des tarifs des soins à prestations identiques. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.


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