EconomiePolitique - Société

« Libérer – protéger » : les doutes montent dans la majorité sur l’équilibre de la politique menée par Macron

La critique vient d’économistes très proches d’Emmanuel Macron. Elle est, sur le fond, un appel direct à un rééquilibrage de la politique menée depuis un an et, sur la forme, une attaque frontale de la méthode et de l’absence d’incarnation forte. Dans une note destinée à l’Elysée et révélée ce week-end par « Le Monde », Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry tirent la sonnette d’alarme.

S’ils ne nient pas la réalité des mesures prises pour mettre en oeuvre le « projet de transformation » d’Emmanuel Macron, ils s’inquiètent d’une perception déséquilibrée de la politique menée, tout en préconisant l’instauration de mesures qui ne figuraient pas dans le programme du candidat. « Le risque est que l’ambition transformatrice initiale soit rabattue sur un programme classique de réformes structurelles favorables aux plus aisés », écrivent-ils.

Les trois économistes appartiennent au cercle le plus restreint du chef de l’Etat, ce qui donne encore plus de poids à leurs propos. Philippe Aghion, professeur au Collège de France, a connu Emmanuel Macron à la Commission Attali il y a dix ans et a inspiré beaucoup de mesures de son programme. Philippe Martin, dirigeant du Conseil d’analyse économique, a été son conseiller à Bercy. Jean Pisani-Ferry a été le coordinateur de son programme présidentiel.

Critique de la méthode

La critique est sans ménagement sur le fonctionnement du macronisme un an après son arrivée au pouvoir et son incapacité à donner du sens à la politique menée. « Personne ne trace le fil qui relie ces réformes, et certaines demeurent quasi-invisibles. Le projet n’est pas porté », dénoncent les trois signataires de la note.

Occupé par un agenda international particulièrement dense, Emmanuel Macron est moins présent, aux yeux de l’opinion, sur les sujets hexagonaux. Quant au Premier ministre, Edouard Philippe, s’il multiplie les délocalisations de Matignon pour aller au contact des Français, comme la semaine dernière en Haute-Garonne, il peine aussi à justifier l’équilibre global de la politique menée.

Les ministres sont encore mal identifiés, et ceux qui le sont viennent de la droite. Ils n’arrivent pas à porter les débats comme le président le souhaiterait. Le gouvernement s’est ainsi empêtré dans le volet strictement budgétaire de la question des aides sociales, ce qui a obligé Agnès Buzyn à sortir à nouveau du bois dimanche dans les colonnes du « JDD » et à assurer qu’il « n’y aura pas de coupes budgétaires sur les plus pauvres ».

Critiques des députés

Les critiques des économistes rejoignent celles de plusieurs députés de la majorité qui, depuis plusieurs jours, souhaitent «  rappeler la méthode et le contrat social du macronisme  ». Venant du PS, ces élus s’inquiètent de la tournure d’une politique très identifiée à droite et qui peine de plus en plus à convaincre les sympathisants de gauche, ceux-là mêmes qui avaient constitué la plus forte base électorale d’Emmanuel Macron en 2017. Les sondages d’opinion le montrent : le chef de l’Etat décroche auprès de cette population et progresse à droite. Preuve que l’équilibre promis de sa politique, le fameux « libérer protéger » est de moins en moins perçu.

La note des trois économistes, rédigée, selon « Le Monde », à la demande de l’Elysée, intervient à un moment clef. A la veille des grands arbitrages sur le budget 2019, mais aussi avant les décisions devant suivre le rapport sur l’ avenir des politiques publiques , qui fait craindre un coup de rabot généralisé, et celle sur les mesures anti-pauvreté , en juillet. Sa divulgation permet à l’Elysée de montrer que le message a été entendu sur le déséquilibre de la politique menée. Les propositions des trois signataires peuvent aussi êtres vues comme autant de pistes pour la seconde partie du quinquennat.


Continuer à lire sur le site d’origine