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Sécurité : quand les agents privés recourent à la haute technologie

Des agents de sécurité armés de fusils ou d’armes de poing, pilotant des drones, connectés en temps réel à des caméras intelligentes capables de détecter la moindre anomalie, intrusion ou départ de feu ? Fini le vigile et ses rondes piétonnes répétitives. Les futurs agents seront bardés de technologie. La montée en puissance du métier a franchi déjà un cap avec l’armement. Les arrêtés instituant les conditions d’armement de certaines catégories d’agents – 2 à 3.000 seraient concernés -, traduction de la loi sur la sécurité publique votée en 2017, sont attendus dans les prochains jours au « Journal officiel ».

Ces agents étaient jusqu’à présent chargés de la sécurité de personnalités ou sur les sites sensibles, nucléaires par exemple. « L’armement sous certaines conditions participe de cette logique d’avoir plus d’efficacité de nos agents, une montée en compétences du métier. Cela répond à des besoins nouveaux », se satisfait Pascal Pech, président du SNES (Syndicat national des entreprises de sécurité privée).

Missions élargies

Les agents privés, comme le souligne le rapport des députés Thourot et Fauvergue, remis au gouvernement le 11 septembre, et qui acte une collaboration plus grande entre sécurité privée et sécurité publique, sont appelés à élargir leurs missions : transfert de scellés et de détenus non dangereux, protection de personnalités, sécurité routière, intervention aux abords des sites qu’ils surveillent et même intervention sur des petits délits entraînant un préjudice maximum de 200 euros.

Plus rapides, plus réactifs, plus sécurisés, le recours à de plus en plus d’outils technologiques doit les aider sur le terrain à faire mieux. Caméras thermiques, drones, robots patrouilleurs, logiciels d’aide à la décision, équipements intelligents comme ces gants détecteurs de métal mis au point par la société Rostaing, qui rendent plus efficace la fouille des individus, autant d’innovations dont les agents privés ne pourront bientôt plus se passer.

Nuit et week-end

Les professionnels du secteur – qui emploie 160.000 personnes, en constante progression face aux besoins de sécurité – y voient l’occasion de revaloriser les prix tirés vers le bas. « Le recours aux technologies nous permet d’optimiser nos prestations, et de dégager des marges de manoeuvre pour investir sans que le coût soit plus élevé pour les donneurs d’ordre », décrit Pascal Pech. Au contraire ! « Ce sera toujours moins cher de faire tourner deux agents dotés d’outils innovants sur un site industriel que quinze personnes avec leur chien. » La technologie est ainsi, aujourd’hui, plus souvent utilisée la nuit ou le week-end, couplée à un agent, pour économiser le coût de main-d’oeuvre.

Cette association inéluctable humain-machine se fait lentement. Les freins ne sont pas tant réglementaires ou juridiques qu’organisationnels. « Les donneurs d’ordre continuent à avoir le réflexe de demander un nombre d’agents physiques, alors que les entreprises développent de plus en plus d’offres intégrées avec de la techno », déplore Dominique Legrand, président de l’Association nationale de la vidéoprotection (ANV2). Comme Securitas, un des leaders du gardiennage, qui a racheté Automatic Alarm en début d’année pour intégrer la technologie électronique à son offre.

A mesure que les tunneliers s’activent dans le sous-sol francilien, pour percer les centaines kilomètres de lignes du Grand Paris Express, le monde de la sécurité privée se prépare à des contrats alléchants. Le besoin en gardiennage sera énorme. La Société du Grand Paris a annoncé, fin septembre, que 100 chantiers étaient en cours, soit un tiers du projet global. Dix tunneliers seront en action fin 2019 sur la ligne 14 sud et 15 sud. Eléments anti-intrusion, caméras de vidéosurveillance, systèmes de contrôle d’accès, couplés à des rondes d’agents, ont été installés à l’entrée des tunnels. L’enjeu – financier – est de parer tout retard d’un calendrier hypercontraint. « Un vol de cathéter, la dégradation d’une machine, entraînerait un retard des travaux, et un surcoût énorme sur ce chantier sensible », raconte une des sociétés qui sécurise les tunnels, mais est tenue à l’anonymat. Les grands du BTP (Vinci, Eiffage, Bouygues) ont été priés de mettre le paquet sur la sécurité. En décembre 2017, la préfecture de police et la SGP ont signé une convention qui prévoit notamment des référents et correspondants sûreté sur les chantiers, le passage des patrouilles de police et le marquage électronique des matériels onéreux pour faciliter les recherches en cas de vol.

Détection

Cette évolution marque des enjeux pour la filière de la sécurité privée : elle suppose des salaires plus élevés et des recrutements d’agents plus qualifiés. Des agents capables de piloter un drone, de maîtriser une arme, d’interpréter les images et de comprendre l’univers des algorithmes. Une hausse de professionnalisation que poussent, justement, les pouvoirs publics à longueur de rapports.

« Renforcer la protection en temps réel, il n’y a que la technologie et l’IA qui peuvent faire ça. Seuls des caméras intelligentes et des drones sur de larges périmètres sont capables de faire remonter des informations de manière automatique », estime Dominique Legrand. Le potentiel de ces machines ira crescendo. A l’avenir, les caméras seront équipées de microphones capables de déceler le moindre bruit suspect. Les caméras intelligentes seront capables de faire la différence, dans une entreprise, entre l’intrusion d’un individu non dangereux et celle d’un individu suspect. A terme, la fin du gardiennage humain ? « Tous ces systèmes apportent de la valeur ajoutée mais l’agent restera la pièce centrale du dispositif. L’humain aura toujours un niveau de vigilance et d’esprit critique non remplaçables », balaie au contraire Servan Lépine, PDG d’Excelium, spécialisé dans les solutions technologiques en sécurité privée.


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