Les espoirs de libération de Carlos Ghosn une nouvelle fois douchés

Ce vendredi matin, les caméras de télévision commençaient à tourner devant le centre de détention de Kosuge , au nord de Tokyo. Les camions de régie étaient prêts à retransmettre en direct la libération de Carlos Ghosn, le PDG de Renault, dont la sortie s’annonçait imminente . Ses avocats avaient déposé, très tôt, une demande de libération sous caution, suite à la décision surprise, hier, des juges de mettre fin à sa seconde phase de garde à vue.
Mais à quelques minutes de l’annonce probable de cette libération, le procureur a annoncé, dans un énième coup de théâtre, qu’il venait d’émettre un troisième mandat d’arrêt contre le patron franco-brésilien. Automatiquement, ses chances de sortie ont été anéanties.
Pertes sur investissements personnels
Le parquet, qui semble avoir décidé de « saucissonner » les accusations pour maintenir Carlos Ghosn en détention provisoire le plus longtemps possible, reproche cette fois à l’ex-président de Nissan d’avoir utilisé de l’argent de Nissan pour soutenir une position déficitaire qu’il avait prise avec son fonds d’investissement personnel basé au Liban. « Il est soupçonné d’avoir failli à sa fonction de PDG et d’avoir causé un préjudice à Nissan », a expliqué le bureau du procureur. Une accusation qui correspond à « un abus de confiance aggravé ».
Selon un proche du dossier, Carlos Ghosn aurait eu besoin en octobre 2008 de soutiens financiers non pas pour absorber une perte mais pour maintenir ouverte sa position sur une importante opération de Swap. Il aurait alors puisé, en plusieurs opérations, jusqu’à 15 millions de dollars dans le « Fonds de réserve du PDG » dont il gérait l’utilisation, et transféré ce montant, par le biais d’une filiale de Nissan, à un riche ami au Moyen-Orient. Objectif, que ce dernier demande à sa banque, en échange de collatéraux, d’émettre une lettre de crédit à la banque de Carlos Ghosn, qui s’inquiétait de l’état de sa position financière : celle-ci affichait alors une perte potentielle de 1,85 milliard de yens (14,5 millions d’euros). Rassurée, la banque aurait laissé l’homme d’affaires franco-brésilien poursuivre son opération. Selon nos informations, les 15 millions puisés dans le Fonds de réserve n’auraient jamais été remboursés.
Perquisition au domicile de Tokyo
Une source interne à Nissan assure que ce montage complexe n’a pas été dévoilé dans le cadre de l’enquête interne menée par le constructeur contre son président. Une large partie des documents ayant permis d’éclairer l’opération auraient été saisis par les agents du procureur, notamment lors de leurs perquisitions au domicile de Carlos Ghosn à Tokyo.
Nissan serait toutefois satisfait par ces nouvelles révélations, qui viendraient appuyer ce qu’ils cherchent à démontrer depuis des semaines. « Cela montre bien que Carlos Ghosn utilisait de manière frauduleuse l’argent de l’entreprise, et que Nissan a souffert de ces exactions », souffle un cadre qui espère même que ces nouveaux soupçons vont aider Renault à prendre conscience de la gravité des malversations commises par leur PDG. « Et d’autres révélations pourraient encore arriver », assure-t-on à Yokohama, au siège du constructeur.
Détention prolongée
Grâce à ce nouveau mandat d’arrêt – le troisième émis contre Carlos Ghosn depuis son arrestation le 19 novembre -, le procureur peut automatiquement maintenir en détention le PDG franco-brésilien pendant 48 heures. Il devra ensuite demander, dans le week-end, à un juge le droit de le maintenir en garde à vue 10 jours de plus dans le cadre de ce nouveau dossier. Ce magistrat approuvera ou refusera la prolongation de la détention du dirigeant. Si cette prolongation venait à être refusée, les avocats de Carlos Ghosn pourraient retenter de déposer une demande de libération sous caution.
Cette demande porterait sur la détention liée à la première inculpation formulée le 10 décembre dernier par le parquet contre Carlos Ghosn et son adjoint Greg Kelly . Dans ce premier volet de l’affaire, les deux hommes sont soupçonnés d’avoir minoré le montant total des rémunérations de Carlos Ghosn dans les rapports que Nissan a remis aux autorités boursières. Entre 2010 et 2015, le duo aurait sous-estimé à hauteur de 5 milliards de yens – 39 millions d’euros – les revenus japonais du dirigeant (qui jouissait aussi d’un salaire chez Renault).
Greg Kelly n’est toutefois pas mis en cause par les nouvelles charges formulées contre Carlos Ghosn. Aucun nouveau mandat d’arrêt n’a été lancé contre lui. Ses avocats ont donc déposé une demande de libération sous caution qui pourrait lui permettre de sortir mardi. Même s’il est déjà mis en examen et devrait théoriquement rester au Japon, il pourrait exceptionnellement obtenir le droit de se rendre aux Etats-Unis pour se faire opérer rapidement de son mal de dos, qui se serait détérioré au fil de sa détention.
Combatif
Pour l’instant, les deux hommes assurent qu’ils ont rempli correctement les documents financiers incriminés. Selon eux, les revenus évoqués n’avaient pas à y figurer car ils correspondaient à des paiements différés, dont le montant exact n’était pas arrêté. Ils n’avaient d’ailleurs pas été provisionnés par Nissan.
Selon les médias japonais, Carlos Ghosn aurait démenti les dernières accusations du parquet sur le transfert douteux de 2008. Selon la chaîne de télévision japonaise NHK, l’avocat du PDG de Renault a assuré que son client était combatif et qu’il comptait rétablir rapidement son honneur devant un tribunal.
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