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L’Autorité de la concurrence boucle une année record avec 1,8 milliard d’euros d’amendes

Publié le 8 juil. 2021 à 16:54Mis à jour le 8 juil. 2021 à 18:34

Pas de confinement à la concurrence. L’autorité chargée de la faire respecter boucle une année record avec 1,8 milliard d’euros d’amendes infligées en 2020, malgré un nombre de décisions en baisse de 28 %, à 195.

Le bilan a été dopé par l’amende de plus de 1,2 milliard d’euros imposée en mars 2020 à Apple et à ses distributeurs. Le géant à la pomme faisait pression sur ses grossistes chargés de fournir les revendeurs en matériel informatique pour empêcher les écarts de prix de ventes, en leur imposant notamment la répartition des stocks. Apple incitait même les revendeurs à pratiquer les mêmes prix que ceux affichés sur son Apple Store.

Laboratoires, habillement…

Autre sanction rondelette : 444 millions d’euros, cette fois du côté d’un consortium de laboratoires. Dans le traitement de la maladie optique très répandue dite « DMLA », Novartis, Roche et Genetech décourageaient les médecins de prescrire de l’Avastin, pour favoriser les ventes du Lucentis, vendu au moins 30 fois plus cher malgré une efficacité similaire.

Pour 2021, Isabelle de Silva s’attend à une année mouvementée dans le secteur de l’habillement, « en difficulté persistante », dont les restructurations à venir obligent à la vigilance en matière de concentration.

Isabelle de Silva, présidente de l'Autorité de la concurrence, annonce un montant record d'amendes infligées depuis un an malgré un nombre de décisions en baisse.

Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, annonce un montant record d’amendes infligées depuis un an malgré un nombre de décisions en baisse.Kenzo TRIBOUILLARD/AFP

L’autorité entend surtout étendre les contrôles du secteur numérique notamment via le filtre européen. Jusqu’ici, les autorités nationales ne pouvaient renvoyer des affaires sensibles à la Commission européenne que si les seuils nationaux de notification étaient franchis : par exemple si la société cible dépassait 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Conséquence : des entreprises du secteur numérique ou des sociétés innovantes, comme des biotechs, pouvaient réaliser des opérations structurantes sur des marchés hors de tout contrôle car elles ne dégageaient pas de chiffres d’affaires conséquents. La Commission accepte désormais d’être saisie pour ces opérations après signalement des autorités nationales.

Liberté de la preuve

Cette année sera aussi l’occasion de tester la panoplie de compétences héritées de la directive ECN +, transposée en droit français fin mai. L’autorité s’aligne désormais sur le standard du droit pénal en matière de liberté de la preuve : des enregistrements volés, recueillis par exemple par des concurrents, seront recevables dans les dossiers.

L’Autorité de la concurrence se voit confier la possibilité de se saisir d’office pour prononcer des mesures conservatoires sans plus attendre le signalement d’une entreprise, ou encore de prononcer des injonctions structurelles, pouvant conduire à des cessions d’activité, dans le cadre d’un contentieux.

La possible reprise en main par Bruxelles

L’autorité poursuit la tendance à l’augmentation de ses compétences, mais garde un oeil attentif du côté de Bruxelles, où le Digital Market Act, en cours d’élaboration, pourrait rebattre les cartes en matière de contrôle des « gatekeepers », ces entreprises du numérique qui gèrent de facto l’accès à de nombreux marchés. Ce projet de règlement, qui vise à s’assurer que ces pratiques n’échappent pas au droit de la concurrence, pourrait dépouiller les autorités nationales en faveur de la Commission.

Isabelle de Silva a rappelé que l’association des autorités locales au dispositif permettrait d’éviter « l’engorgement » à Bruxelles tout en contribuant à une « différence de points de vue. »

L’Autorité de la concurrence mesure son impact positif pour l’économie française à 17,6 milliards d’euros depuis 2011, un montant qui agrège les amendes infligées et les surcoûts économiques évités par le démantèlement des pratiques anticoncurrentielles.


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