Economie

Patrick Martin : « L’orientation des jeunes est la mère des batailles »

La difficulté de recruter concerne quasiment tous les secteurs d’activité. Une situation paradoxale qui freine la croissance dans un contexte de sous-emploi. A l’occasion de l’Odyssée des entrepreneurs, qui s’est tenue à Lyon le 23 septembre, Patrick Martin, président délégué du Medef, nous a accordé un entretien.

Bref Eco : Les entreprises ont du mal à recruter… vous confirmez ?

Patrick Martin : C’est une réalité. Dans mon propre groupe de négoce, qui emploie 2.600 salariés, nous avons cent postes durablement vacants. Et ce n’est qu’un exemple. Le problème existait avant mars 2020 mais la crise du Covid-19 l’a exacerbé. Cette longue période a poussé les gens à questionner l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée, à s’interroger sur le sens de leur vie. Et certains ne veulent pas rejoindre le poste qu’ils occupaient auparavant.

Quelles sont les solutions ?

Patrick Martin : D’abord, que la réforme de l’assurance chômage se mette bien en place, le 1er octobre, comme annoncé. En limitant les comportements opportunistes, cela devrait régler une partie du problème.

De leur côté, les entreprises peuvent-elles augmenter les salaires ?

Patrick Martin : Des négociations salariales sont déjà engagées dans plusieurs branches, qui devraient déboucher, effectivement, sur des augmentations de salaires. Mais j’aimerais rappeler que beaucoup d’entreprises ont des marges très faibles et qu’il leur est donc difficile d’accroître les rémunérations.

Les collectivités ont, elles aussi, un rôle à jouer dans la revalorisation de certains métiers.

Et puis, des métiers comme la sécurité, la propreté, la restauration ou les aides à la personne dépendent pour une bonne partie de la commande publique. Or, dans ces domaines, ce sont souvent les entreprises moins-disantes qui remportent les marchés. Les collectivités ont, elles aussi, un rôle à jouer dans la revalorisation de certains métiers.

D’une façon plus générale, où se trouvent les points de blocage ?

Patrick Martin : D’abord, rappelons que ce problème d’inadéquation entre offre et demande d’emploi n’est pas propre à la France. Mais chez nous, contrairement à d’autres pays, le taux de chômage reste important.

Le blocage concerne d’abord l’orientation qui doit être la mère de toutes les batailles. Cela se traduit, par exemple, par l’incapacité de certains secteurs à attirer des femmes. Les entreprises doivent aussi faire l’effort d’accueillir des jeunes en stage, par exemple, afin de leur ouvrir des portes dans l’avenir.

En France, le niveau de formation général baisse régulièrement.

Avec l’orientation, la formation a bien sûr un rôle central. Et là, le contexte n’est pas bon : en France, le niveau de formation général baisse régulièrement. En revanche, des choses positives ont été faites en matière de formation en alternance, à travers la loi Penicaud. Nous avons aujourd’hui 520.000 alternants. Le Medef, qui avait demandé, avec la CFDT, une prime de 5.000 euros par alternant, espère qu’elle soit pérennisée au moins jusqu’en juin 2022.

Et la formation continue ?

Patrick Martin : Il faut bien constater que le compte personnel de formation, ça ne marche pas ! Il va vers des formations peu utiles pour l’employabilité. Il faut revisiter la loi sur la formation professionnelle, la recentrer sur les besoins des entreprises.

Organisations professionnelles
Patrick Martin, Président délégué du Medef.
MEDEF AUVERGNE-RHÔNE-ALPES