Economie

Revenus d’immeubles à l’étranger : comment définir une parcelle cadastrale ?

C’est un sujet que nous avons déjà abordé à deux reprises. Sachant que les propriétaires concernés doivent remplir pour la fin de l’année la déclaration qui doit permettre de déterminer leur revenu cadastral étranger, nous y revenons car certains d’entre eux sont face à des situations qui laissent perplexes.

Rappelons en deux mots que, suite à une décision de la Cour de justice de Luxembourg et à une astreinte à laquelle il a été condamné, l’État belge a dû trouver une solution à la discrimination que la Cour lui reprochait, à savoir que les secondes résidences et les immeubles loués et occupés à titre privé par le locataire, étaient jusqu’à présent taxés sur le revenu cadastral revalorisé pour les immeubles situés en Belgique et sur la valeur locative nette pour les immeubles situés à l’étranger. Ladite valeur locative étant généralement d’un montant supérieur au revenu cadastral même revalorisé, la Cour de justice a estimé que la Belgique avait manqué à ses obligations européennes en provoquant une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux.

D’où le nouveau régime consistant à attribuer un « revenu cadastral » (RC) aux immeubles concernés situés à l’étranger, comme c’est le cas pour les immeubles belges. Pour déterminer le RC des immeubles bâtis, le code prévoyait déjà plusieurs méthodes de détermination des revenus cadastraux des biens bâtis : valeur locative nette en 1975, comparaison avec des immeubles similaires de référence, valeur vénale de 1975 avec application d’un taux de capitalisation de 5,3 %.

La loi introduit une 4e méthode qui s’appuie sur la valeur vénale actuelle sur laquelle sera appliqué un « facteur de correction » censé reconstituer une valeur fictive au 1er janvier 1975. Le RC est égal à 5,3 % de cette dernière valeur.

Petites maisons de pêcheurs

Le code prévoit donc aujourd’hui quatre méthodes de fixation du RC, mais il est évident que la 4e est pratiquement la seule qui pourra être appliquée aux immeubles étrangers. Le Conseil d’État n’a pas manqué de froncer les sourcils face à ce constat car on peut craindre que les biens immobiliers situés à l’étranger soient ainsi systématiquement soumis de manière indirecte à un taux d’imposition supérieur à celui appliqué aux biens immobiliers situés en Belgique, ce qui ne résoudrait pas le problème au regard de la jurisprudence de la Cour européenne de justice et du principe constitutionnel d’égalité.

À l’inverse, le RC des terrains non bâtis situés à l’étranger se calculera toujours à raison de 2 euros par hectare, soit le minimum utilisé pour les terres et terrains situés en Belgique, et ce, peu importe leur situation à l’étranger. On pense alors à ces propriétaires de petites maisons de pêcheurs implantées sur des terrains magnifiquement situés en bord de mer. C’est le terrain qui a la valeur la plus élevée, mais comme il porte une construction, ce n’est pas la valeur de 2 euros par hectare qui s’appliquera mais le RC d’un immeuble bâti calculé sur base de la valeur vénale de l’ensemble. En effet, si en Belgique, c’est la « parcelle cadastrale » qui sert de base à l’impôt, pour les immeubles étrangers, la parcelle cadastrale (concept généralement inexistant) équivaut au « bien immobilier » ou « au groupe de biens immobiliers constitués d’une seule unité d’habitation ou d’exploitation », dit le texte légal. D’après l’exposé des motifs, « le contribuable belge devra donc déterminer lui-même quels groupes de biens immobiliers constituent une unité résidentielle ou d’exploitation. Dans la pratique, les terrains non bâtis seront toujours regroupés avec l’unité résidentielle ou d’exploitation à laquelle ils appartiennent et ne seront considérés séparément qu’en l’absence d’un bien bâti ».

Cette règle peut entraîner des situations incohérentes et, à notre avis, contestables : dans notre exemple, même si la maison de pêcheur n’est utilisable que quelques mois par an parce qu’elle est par exemple dénuée de chauffage, elle devrait a priori être incluse dans l’unité résidentielle formée avec le terrain. On n’a pas pensé à introduire la règle qui vaut pour les reventes de terrains avec plus-value : sont assimilés à des terrains, ceux sur lesquels sont érigés des bâtiments dont la valeur vénale est inférieure à 30 % du prix de réalisation de l’ensemble (art. 91, CIR). Aucun espoir non plus d’obtenir une réduction du RC pour inoccupation ou improductivité si la maison est meublée.

La loi parle de « droit réel »

De nombreuses autres questions peuvent se poser : notamment quant au type de droit que le propriétaire peut avoir sur l’immeuble étranger. La loi parle de « droit réel » (art. 471, CIR), à savoir « tout type de droit étranger sur un bien immobilier qui, par le fait que son titulaire en perçoit les fruits, s’apparente aux droits de propriété, d’emphytéose, de superficie ou d’usufruit ». Si la plupart des législations étrangères utilisent des concepts qui y sont similaires ou qui s’y apparentent, il n’est pas sûr que ce soit toujours le cas. Certains attributs que notre droit civil reconnaît aux droits réels (usus, fructus, abusus : perception des fruits, exclusivité de l’usage, etc.) peuvent ne pas se rencontrer dans certaines figures juridiques étrangères. Ajoutons que les fondateurs de trusts, fondations et autres fiducies soumis à la taxe Caïman sont aussi visés par la loi.

Encore un mot : de nombreux pays, dont la France et le grand-duché de Luxembourg, ne taxent tout simplement pas les secondes résidences non données en location (sinon aux impôts locaux), qu’elles soient situées sur leur territoire ou à l’étranger. Cette option ne semble pas avoir effleuré notre législateur. Et, comme on l’a déjà montré, l’exonération « sous réserve de progressivité » n’est souvent qu’un emplâtre sur une jambe de bois, en particulier pour les retraités qui n’ont qu’une pension modeste.