Economie

Les livreurs, indépendants ou salariés ? « Deliveroo exerce un contrôle total sur ses coursiers »

Outre le fond de la question, la recevabilité de la procédure a également occupé les débats. Nouvelle étape dans la saga Deliveroo devant la justice bruxelloise, ce jeudi après-midi devant la cour du travail. Cette dernière a deux questions à trancher.

Premièrement, l’entreprise agit-elle comme un employeur vis-à-vis de ses coursiers ou ceux-ci doivent-ils être considérés comme des prestataires de services indépendants?

Pour Me Remouchamps, avocate de l’un des deux ex-livreurs ayant saisi la Commission administrative de règlement de la relation de travail (CRT) à l’origine de l’affaire, cela ne fait guère de doute.

« Deliveroo exerce une autorité totale, fixe le montant des rémunérations, les étapes qui doivent être suivies par les coursiers comme dans un travail à la chaîne, établit des classements qui permettent d’avoir plus ou moins facilement accès à l’application… », a-t-elle martelé.

« Il n’y a aucune information sur le contenu de l’algorithme qui distribue les courses », a embrayé sa consœur Me Lorgeoux. « Les livreurs n’ont aucune marge de manœuvre, aucune liberté. Ils n’ont pas d’information sur le lieu de livraison tant qu’ils n’ont pas accepté la course, ils sont complètement à la merci de l’entreprise. »

Me Chomé, qui représente l’Etat belge, a encore fustigé le jargon de Deliveroo, « une novlangue (matching, partenaire rider?) dont l’objectif est de détourner le droit ». La société n’est pas « une simple plate-forme comme AirBNB, voire Immoweb, qui ne fixent pas, elles, les prix des biens qu’elles proposent ».

La flexibilité vantée par Deliveroo

Face à ces attaques, Me Berg, conseil de Deliveroo, a plaidé que l’entreprise n’était qu’un « service d’intermédiation entre acteurs du marché de la restauration ». « La proposition commerciale consiste en la livraison d’un repas généralement chaud, ce qui entraîne des contraintes de rapidité et d’hygiène », a-t-elle justifié.

Aux critiques de la partie adverse concernant l’immense « contrôle » exercé par Deliveroo sur ses livreurs, l’avocate a opposé la grande « flexibilité » qui leur serait offerte. « Ils sont comme des entrepreneurs dont la plate-forme est le maître d’oeuvre, ils ont la possibilité de se faire remplacer, d’annuler une disponibilité jusqu’à 24 heures à l’avance, voire de travailler pour un concurrent », a assuré Me Berg.

La cour devra également établir si la CRT pouvait, en mars 2019, se prononcer sur la relation de travail entre Deliveroo et ses coursiers. La décision, à savoir que le lien entre la société et les livreurs s’apparentait davantage à un travail salarié, avait été invalidée quelques mois plus tard en raison de l’existence d’une enquête de l’auditorat.

Cet argument a été repris par le conseil de Deliveroo. « Les décisions de la CRT sont donc illégales et la cour ne peut s’y substituer », a ajouté Me Berg.

Pour l’Etat belge également, Me Pertry a elle pointé que « si la demande à la CRT n’était pas recevable, le tribunal du travail aurait dû se déclarer incompétent et non invalider la décision ». Sur le fond, « Deliveroo n’a jamais pu prouver que la Commission s’était trompée », a tranché l’avocate.

L’avis de l’auditeur est attendu le 10 novembre. L’arrêt sera rendu le 9 décembre.