Entrepreneurs en transition #10 : Le théâtre des entreprises à « impact »
En cette première semaine de novembre, j’assistais au Websummit à Lisbonne : la plus grande conférence du secteur technologique et start-up se retrouvait, après une pause due au Covid. On retrouve le gigantisme de cette conférence superlative : 40 000 participants, 1 200 start-up, 700 orateurs… ; tout y est démesuré.
On sent que le secteur s’interroge sur les effets secondaires de la croissance technologique à tout prix. Par exemple, la lanceuse d’alerte de Facebook, Frances Haugen, était là, pour y donner un talk remarqué.
Également, à côté des centaines de stands de start-up, regroupés selon le stade (Alpha, Beta, Growth, etc.), il y avait un showcase de start-up « impact« .
Car c’est une tendance de fond dans le monde de l’investissement : certains investisseurs ne souhaitent plus uniquement un retour financier, mais également un effet bénéfique sur la planète, en CO2 économisé, en sobriété de ressources, en qualité de vie humaine, etc.
Bien entendu, comme cette notion n’a guère de définition précise et reconnue par tous (et se mesure moins facilement qu’un EBITDA), elle se retrouve mise à toutes les sauces.
Dans certains cas, il s’agit d’un authentique progrès, qui utilise le meilleur de l’économie start-up (diffusion large voire virale, « scalabilité », etc.) pour résoudre des problèmes humains à plus grande échelle.
Parfois aussi, on retrouve des applications atteintes de myopie (on résout un problème en en créant un autre), voire de dystopie (un projet nuisible, entouré d’un mince vernis de greenwashing).
Ces start-up à « impact » reçoivent beaucoup de visibilité, y compris de la part des grands partenaires de ce genre d’événements (cabinets de conseil, etc.). Elles jouent quasi un rôle expiatoire, permettant au secteur de s’acheter à bon compte une vertu, en se positionnant du côté des solutions plutôt que des problèmes.
Sans tomber dans le cynisme, on veillera à rester vigilants, pour que cette branche prometteuse de l’industrie des start-up ne tombe pas dans ce que l’on pourrait appeler le « théâtre » de l’impact : une construction en carton-pâte, où l’on joue une pièce pour les apparences, sans véritablement changer la vie dans le monde réel.