Economie

Prolonger Jerome Powell ou oser le changement : Joe Biden confronté au choix délicat du futur président de la banque centrale

L’actuel président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, rempilera-t-il en février pour un second mandat de quatre ans? Ou sera-t-il remplacé par Lael Brainard, seule gouverneure démocrate de l’institution?

Joe Biden « ne voudra pas s’engager dans un combat qu’il pourrait perdre« , souligne l’économiste Steve Pressman dans un entretien à l’AFP.

Si le président américain vient de remporter ce lundi une victoire avec la promulgation de son plan d’investissements dans les infrastructures, il reste engagé dans des négociations compliquées avec le Sénat quant à son autre plan qui concerne des réformes sociales et environnementales.

Or, une fois le nom de l’heureux élu annoncé par la Maison Blanche, c’est cette même chambre haute du Congrès qui devra ou non approuver ce choix.

« Si, aujourd’hui, Biden publie le nom de Powell, la plupart des sénateurs républicains soutiendront sa nomination. Powell serait facilement approuvé au Sénat. Pour Brainard, c’est différent« , note Jay Bryson, chef économiste pour Wells Fargo. « Le président Biden veut-il prendre le risque d’une grande bataille sur sa confirmation » alors que les sujets de tension sont déjà nombreux ?

Un choix surtout politique

Jerome Powell et Lael Brainard ont tous deux été reçus le 4 novembre par Joe Biden, selon les médias américains. Pour l’heure, Jerome Powell « est considéré comme le favori« , assure Jay Bryson.

L’actuel président de la Fed bénéficie en effet d’un confortable soutien à gauche comme à droite. Il avait, d’ailleurs, été nommé gouverneur de la Fed par le démocrate Barack Obama en 2012 et ensuite promu président de l’institution grâce au républicain Donald Trump en 2017.

Lael Brainard, pressentie l’an passé pour devenir secrétaire au Trésor de Joe Biden, semble cependant avoir « mieux réussi qu’attendu » son entretien, selon le Wall Street Journal, citant des personnes proches du dossier. Mais son profil est beaucoup moins consensuel et le Sénat pourrait refuser sa nomination. Fervente défenseure d’une régulation bancaire plus stricte, elle est notamment soutenue par l’aile gauche du parti, qui souhaite une action de la Fed plus tournée vers les risques climatiques et la justice sociale et économique.

« La difficulté réside dans l’aspect politique, pas économique« , note Steve Pressman. En matière économique, « ils sont quasiment sur la même longueur d’ondes« . Il rappelle que les décisions ne sont pas prises par le seul président de la Fed mais par l’ensemble du comité de politique monétaire, « c’est vraiment le vote d’un groupe de personnes« .

Lot de consolation

Partisane de taux bas et d’un soutien à l’économie, Lael Brainard figure parmi les « colombes » monétaires. Depuis le début de la crise liée au Covid-19, Jerome Powell s’est également montré favorable à une politique accommodante.

Mme Brainard pourrait donc repartir avec comme lot de consolation la vice-présidence chargée de la supervision bancaire.

« Ce qui est important, c’est que le président Biden choisisse quelqu’un d’expérimenté et de crédible« , avait assuré dimanche la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, sur la chaîne CBS. « Et il y a un éventail de candidats« . Jusqu’alors, elle a semblé soutenir le président sortant, saluant son « très bon travail à la tête de la Fed« , en particulier pendant la pandémie.

Janet Yellen avait été elle-même la première femme à diriger la Fed mais comme le veut la tradition, elle n’avait pas été reconduite pour un second mandat. Par ailleurs, les désaccords étaient profonds avec le républicain Donald Trump, alors président. Celui-ci l’avait donc écartée de l’institution, la remplaçant par Jerome Powell.

Outre Jerome Powell et Lael Brainard, quatre autres gouverneurs sont actuellement en poste.

Joe Biden devra aussi nommer trois nouveaux gouverneurs à la Fed : un qui viendra remplir un siège vacant, un autre pour remplacer Randal Quarles, nommé par Donald Trump et qui quittera la Fed fin décembre suite à sa démission, et un dernier pour remplacer Richard Clarida, également nommé par l’ancien président républicain, et dont le mandat expire fin janvier 2022.

Le président démocrate a ainsi l’occasion de retoucher la couleur politique de la puissante Réserve fédérale, mais devra là aussi mener de rudes négociations.