Arno, le chant du signe avec « Opex »
Le chanteur Arno en studio. © Danny Willems
Le chanteur, acteur et compositeur Arno est mort d’un cancer le 23 avril 2022. Il venait d’achever Opex, un opus original qui mêle rock, blues, reprises et collaborations sensibles. Peut-être le disque le plus personnel du Flamand à la voix rauque.
C’est un disque testamentaire, dont la dernière prise (La Paloma adieu) eût lieu le jour même de la mort d’Arno. Dix chansons sur lesquelles on retrouve son complice Mirko Banovic, mais aussi son frère (au saxophone sur le surréaliste I am not gonna Whistle/ Je ne sifflerai plus) et son fils.
Sans être funèbre, l’écoute d’Opex est forcément bouleversante. Le chanteur qui se savait condamné y revisite en quelque sorte sa vie. Tant dans le style musical (très rock et blues, ponctué de quelques chansons douces) que dans les paroles et le choix des reprises.
Tout commence par ce titre un peu étrange, Opex soigneusement choisi, du nom du quartier d’Ostende où le poète a grandi. Et par ce premier morceau si nostalgique, La Vérité. Arno y chante, la voix intacte, « Embrasse le passé, il n’existe plus ». Et s’y montre aussi lucide : « Je vais me marier avec le vent/ Je prends le soleil comme mon amant ». Jouant sur les mots, le chanteur évoque sa mort à venir avec élégance.
Il en va de même sur sa reprise émouvante, en piano-voix, de Court-circuit dans mon esprit, qu’il avait enregistré en 2021 avec le pianiste du nord de la France, Sofiane Pamart, à l’occasion de Vivre, leur album commun. Dans un autre registre, en anglais, Take me back est une balade entêtante. Un chant de déréliction qui évoque l’abandon d’un homme quitté pour un autre et une supplication « Take me back/Reprends moi ». La mer y est très présente, par les synthétiseurs, les arrangements qui évoquent le bruit des galets et cette mélodie qui revient sans cesse comme le ressac…
Mais, comme souvent chez Arno, l’humour et l’ironie ne sont jamais loin : « You were the Captain of my Ship. But You Left me for a Man with a Donald Duck haircut » (« Tu étais Capitaine de mon vaisseau, mais tu m’as quitté pour un mec qui a la coiffure de Donald le Canard »).
Poète mutin, Arno a toujours aimé disséminer des plaisanteries dans ses textes. Par pudeur, mais aussi pour provoquer. Une ironie sensible qu’on retrouve sur le grivois et très rock Boulettes aux paroles provocantes, qui lui permettent notamment de dire une dernière fois ce qu’il pense du racisme. Un autre morceau rock, c’est sa reprise de One night with you d’Elvis Presley. Une chanson hautement symbolique : c’est son écoute qui avait donné envie à Arno, alors Arnold Hinjens, de faire de la musique.
Enfin Opex, c’est aussi quelques chansons d’amour. Comme le très rock et syncopé Je suis honnête et Mon grand-père. Sur cette dernière, on retrouve Arno amoureux —et forcément exalté— pour parler d’une femme dont la beauté peut faire « des tremblements de terre partout dans le monde ».
Demeure aussi le plaisir d’étonner ses auditeurs, notamment par ce duo inattendu, La Paloma adieu, avec Mireille Mathieu. L’histoire d’un oiseau blanc qui apprend à une jeune fille que son mari est mort en mer. Cette habanera fut l’un des plus grands succès de cette icône de la chanson avec laquelle Arno rêvait de chanter. Là aussi, Arno parle indirectement de lui, lorsqu’il chante « Ma vie s’en va /, Mais n’aie pas trop de peine/ Ô mon amour adieu ». Opex s’achève sur I’m not gonna Whistle (Je ne sifflerai plus). Certes. Le passé n’existe peut-être plus, mais la musique reste.
Arno Opex (Pias) 2022
Continuer à lire sur le site France Info