Ile-de-France

La métropole menacée d’asphyxie financière

C’est une logique implacable. Sauf rebond extraordinaire et soudain de l’économie francilienne, et donc du produit de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) perçu par la métropole du Grand Paris, celle-ci se retrouvera en déficit dès 2019.

« C’est un peu comme si l’Etat souhaitait nous utiliser pour réduire les dotations des communes », estime le président du Grand Paris. © Jgp

Son budget primitif pour 2018, adopté vendredi 13 avril 2018 à l’unanimité, n’a pu en effet être bouclé que grâce à l’excédent (82 millions d’euros) dégagé sur son budget 2017. En clair, ses recettes ont été l’an dernier supérieures à ses dépenses. Mais dès l’an prochain, la MGP se trouvera dans l’impasse. Car ses élus, qui sont des maires, ont adopté dès l’origine une règle : celle de la neutralité budgétaire. Elle prévoit que les communes ne perdent pas un seul euro du fait de la création de la métropole. La quasi totalité des recettes fiscales transférées des communes vers la métropole (98%) reviennent donc aux communes sous la forme d’une attribution de compensation (AC).

Principe de neutralité

Le problème, en l’espèce, provient du fait que les communes ont transféré lors de la création de la métropole des recettes liées à des dotations de l’Etat, en l’occurrence la Dotation de compensation de la part salaire, (DCPS), qui baissent constamment depuis plusieurs lois de finances. Autrement dit, la métropole verse chaque année à ses communes membres un montant fixe, correspondant au montant de cette recette en 2015, alors qu’elle reçoit une dotation qui diminue… creusant le trou budgétaire qui mettra en déséquilibre son budget dès l’an prochain compte tenu de recettes fiscales également annoncées en baisse.

« Chaque année, depuis sa création, la métropole perd 30 millions d’euros à cause de ce mécanisme », a déploré Denis Badré, ex-maire de Ville d’Avray et conseiller métropolitain délégué au Budget. Ainsi, en 2018, bien que les ressources brutes de la métropole atteignent 3,4 milliards d’euros, ses ressources nettes, avant même la couverture des dépenses de fonctionnement, pourraient être limitées à 33,6 millions d’euros (en chute de 34,2 M€ par rapport à 2017).

« Le budget 2018 montre que la MGP est en situation de déficit structurel, a déclaré Gilles Carrez. Personne ici n’imagine que nous baissions le niveau des attributions de compensation versées aux communes », a poursuivi le président de la commission finances de la Métropole.

Jean-Yves Le Bouillonnec avec Patrick Mennucci, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la loi Spam © Jgp

« Nous sommes dans une situation de pré-blocage au niveau financier », a ainsi résumé Jean-Yves Le Bouillonnec. Le vice-président délégué aux finances, ancien maire de Cachan, a souligné que les dernières prévisions annonçaient pour 2018 des recettes de CVAE en baisse (-0,7%), alors qu’elles avaient augmenté en 2017. La fiscalité métropolitaine devrait atteindre ainsi 1 219 M€ en 2018, en recul de 9,1 M€ par rapport au budget 2017, contre une hausse de 46,2 millions en 2017.

Mauvaise nouvelle pour les communes

Or seule la croissance cumulée depuis 2015 de CVAE permet à la MGP de dégager des marges de manœuvre et de créer au fur et à mesure un stock de recettes destiné à financer son action. Mauvaise nouvelle pour les communes donc, l’évolution de CVAE entre 2017 et 2018 étant négative, aucune Dotation de soutien à l’investissement territorial, (DSIT), enveloppe indexée sur la croissance de la CVAE, ne sera versée en 2018. Les communes de la métropole avaient bénéficié globalement de 13,9 millions d’euros à ce titre en 2017. « 2018 verra aussi une réduction nécessaire des engagements métropolitains dans le FIM (Fonds d’investissement métropolitain), qui soutient également les projets municipaux », a indiqué Jean-Yves Le Bouillonnec.

Denis Badré a enjoint le gouvernement « à remettre l’ouvrage sur la métier », constatant que le modèle financier qui prévaut depuis la création de la métropole, d’une complexité inextricable, ne fonctionne déjà plus. Patrick Ollier a lancé un appel solennel aux parlementaires franciliens afin qu’ils se saisissent de la question lors de la prochaine loi de finances. « C’est un peu comme si l’Etat souhaitait nous utiliser pour réduire les dotations des communes », estimait le président du Grand Paris en marge du conseil, fustigeant de nouveau la loi NOTRe, qui a conçu ce meccano financier invalide.

Vœux adopté le 13 avril 2018

« Permettre à la métropole d’être à la hauteur de ses ambitions »

Le Conseil de la Métropole du Grand Paris a très largement adopté un vœu portant sur l’avenir budgétaire et financier de la Métropole du Grand Paris afin d’alerter le gouvernement sur la faiblesse des moyens financiers qui lui sont donnés par la loi. 
Au moment de se prononcer sur le budget primitif pour 2018 et au moment où les discussions ont lieu en commission des Finances des deux assemblées dans le cadre de la préparation budgétaire pour 2019, le conseil de la MGP :

  • demande à son président et au bureau de la métropole de prendre toutes les initiatives nécessaires pour sensibiliser le gouvernement aux difficultés budgétaires rencontrées par la métropole, les EPT et les communes des 2018 ;
  • souhaite que le gouvernement introduise dès les prochaines lois de finances les dispositions relatives aux ressources de la métropole permettant à celle-ci d’être à la hauteur des ambitions qui ont été mises en elle, sans porter préjudice aux moyens financiers des collectivités constituant la Métropole.

Egalement à l’ordre du jour

Fonds de soutien au commerce et à l’artisanat

Les conseillers métropolitains ont adopté la création d’un Fonds d’intervention métropolitain de soutien au commerce et à l’artisanat d’un montant de 5 millions d’euros. Catherine Baratti-Elbaz, maire (PS) du XII° arrondissement de Paris et président du groupe socialiste s’est félicitée, à cette occasion, du fait que ce fonds tienne compte des particularités y compris financières dans lesquelles se trouvent certains territoires.

Les conseillers métropolitains ont adopté la création d’un Fonds d’intervention métropolitain de soutien au commerce et à l’artisanat d’un montant de 5 millions d’euros.© Jgp

Yves Contassot, a exprimé sa crainte de voir ce fonds procéder essentiellement à des actions de saupoudrage compte tenu de la faiblesse de son montant. Le président du groupe écologiste a vanté les avantages d’une association accrue de la métropole avec la Semaest, opérateur public local de la ville de Paris qui s’est spécialisée dans des opérations de portage foncier de commerces. « La MGP pourrait entrer dans son capital », a suggéré l’élu parisien. Des discussions sont en cours à ce sujet entre Patrick Ollier et Anne Hidalgo.

Protocole stratégique de programmation et de coopération avec les grands syndicats urbains

Sur le rapport de Patrice Calmejane, conseiller délégué aux relations avec les services publics urbains du Grand Paris, le conseil a adopté le Protocole stratégique de programmation et de coopération entre la métropole du Grand Paris et les services publics urbains du Grand Paris :

  • Le Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP), présidé par Belaïde Beddredine,
  • Le Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF), présidé par André Santini,
  • Le Syndicat Intercommunal pour le Gaz et l’Electricité en le de France (SIGEIF), présidé par Jean 
Jacques Guillet,
  • Le Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Electricité et les Réseaux de 
Communication (SIPPEREC), présidé par Jacques JP Martin,
  • Le Syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne (SIFUREP), présidé par Jacques 
Kossowski,
  •  Le Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères (SYCTOM présidé par Jacques Gautier,
  •  L’Etablissement Public Territorial de Bassin Seine Grands Lacs (EPTB Seine Grands Lacs), présidé par Frédéric Molossi.

Ce protocole met en place une instance partenariale de dialogue, la conférence des présidents, qui associe également un représentant de la ville de Paris en tant qu’autorité organisatrice, pour la production et la distribution d’eau potable, la distribution d’électricité et de gaz ainsi que les affaires funéraires.

 

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