Porte de la Villette : 1 000 policiers et gendarmes pour déloger une scène de consommation de crack à ciel ouvert
Quelque 1 000 policiers et gendarmes, accompagnés des services de nettoyage et de collecte des ordures ménagères de la ville de Paris, sont intervenus à 7h mercredi 5 octobre porte de la Villette. Objectif : déloger les 200 toxicomanes, majoritairement consommateurs de crack, qui ont bâti leur camp de fortune dans le parc Forceval, encore appelé square de la Porte de la Villette. Et dont une majorité semblait avoir quitté cet espace vert avant l’arrivée des forces de l’ordre.

Une majorité des résidents de ce camp de fortune semblait avoir quitté cet espace vert avant l’arrivée des forces de l’ordre. © Jgp
Si des interventions de police ont déjà eu lieu dans ces lieux, jamais elles n’avaient eu une telle ampleur. « Nous faisons en sorte, y compris en maintenant la présence des forces de l’ordre au-delà de leur simple intervention, de nous assurer que le camp démantelé ne se réinstallera pas », indiquait-on dans l’entourage du ministre de l’Intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin. De semblables opérations avaient été organisées, par le passé, pour chasser ces consommateurs d’une drogue aussi ravageuse que bon marché, qui transforme ses usagers en zombies, à la Chapelle, Stalingrad, puis au jardin d’Eole.
Une dizaine de lits d’hôpitaux
Les personnes ainsi délogées, dont le nombre varie de 150 à 250 selon les sources, avec des pics de présence estimés jusqu’à 700 personnes, seront diversement prises en charge selon des critères détaillés par les représentants du ministère de l’Intérieur. Ainsi, les personnes en situation irrégulière au regard des textes en vigueur régissant l’immigration seront conduites en centre de rétention administrative puis expulsées, assure-t-on. Les délinquants déjà recherchés par la police feront l’objet de poursuites judiciaires, tandis qu’une centaine de toxicomanes seront pris en charge dans le cadre du dispositif Assore, mis en place avec l’association Aurore, pour organiser leur accompagnement et leur hébergement en hôtel. Une dizaine de lits d’hôpitaux a été prévue par ailleurs pour accueillir les toxicomanes le nécessitant, en lien avec l’agence régionale de santé et l’AP-HP.
Du côté des associations, on affirmait que cette question relève d’abord et avant tout de l’Etat, et que ce dernier ne tient pas les engagements qu’il a pris sur cette question. « Il faut trouver des fonciers disponibles pour bâtir des centres de prise en charge adaptés, soulignait Marie Debrus, référente réduction des risques liés aux usages de drogue à Médecins du monde. Mais l’exemple récent de Lille montre que le gouvernement ne souhaite pas voir ces lieux exister. La maire de Lille avait trouvé une emprise pour créer une salle de consommation à moindre risque, mais le préfet de région, tout comme le Premier ministre de l’époque, ont estimé que ce terrain n’était pas adapté pour justifier leur refus ».
Manque de concertation
« Il s’agit d’un soulagement pour les riverains comme pour les professionnels travaillant sur le site dont les conditions de travail étaient particulièrement dangereuses, estime la Fédération Addiction (*). Toutefois, le choix de la préfecture de police de mener une opération policière, sans réelle concertation avec les associations intervenant sur le site et avec une prise en charge sociale et sanitaire minimale voire nulle, laisse craindre que cette évacuation ne soit qu’un épisode supplémentaire de la saga du crack à Paris ».
« Soignez-les, protégez-nous ! »
Karine Franclet confiait sa satisfaction en marge de cette intervention des forces de l’ordre, rappelant l’impact désastreux de la présence de ce camp sur les riverains, les commerçants. La maire (UDI) d’Aubervilliers rappelait que la décision de déplacer ces personnes du Jardin d’Eole à la Porte de la Villette avait été prise il y a un an sans concertation, les consommateurs de crack se concentrant aux portes de communes du nord de Paris, « souffrant déjà de tant de fragilités ».
« Nous nous sommes battus pied à pied pour que ces nuisances cessent, ajoutait l’édile. Nous savons qu’un traitement sécuritaire doit être accompagné d’une prise en charge médico-sociale, pour qu’il ne s’agisse pas d’un énième déplacement du problème. Il va falloir être inventif, créatif, pour inventer des solutions qui n’existent sans doute pas encore aujourd’hui. Je crois que le slogan des riverains résume bien la question : soignez-les, protégez-nous ! », poursuivait l’élue.
Karine Franclet souhaite que les élus locaux concernés soient pleinement associés au plan anti-crack annoncé par le gouvernement. A ce titre, la maire d’Aubervilliers sera reçue le 10 octobre prochain par le préfet de police de Paris Laurent Nunes. L’élue se félicitait, au passage, d’une amélioration sensible des relations avec la préfecture de police depuis l’arrivée de ce dernier, ainsi qu’une hausse des effectifs de police patrouillant sur place.
La Fédération Addiction et ses partenaires a présenté jeudi 22 septembre dernier un plan, issu du travail des professionnels sur le terrain et d’une démarche de recherche participative du centre d’études des mouvements sociaux (CEMS), en huit volets.
* Développer l’offre d’hébergement et de logement : places d’accueil d’urgences à Paris et en Ile-de-France, accueil intermédiaire, hébergement de plus long terme
* Proposer des lieux de repos
* Créer de nouveaux espaces de consommation sécurisée : au moins quatre haltes soins addictions supplémentaires à taille humaine dans un délai de trois ans
* Pouvoir mettre à distance la scène et les consommations, faciliter l’accès aux soins : créer des lieux d’accueil transitoire et faciliter les parcours de soins en limitant les délais d’attente, y compris en centres résidentiels, pour les consommateurs en demande de sevrage
* Travailler à l’insertion professionnelle car la précarité socio-économique est un facteur important dans la consommation
* Renforcer l’aller-vers et notamment les maraudes
* Mieux prendre en compte les comorbidités psychiatriques
* Concerter tous les acteurs et coordonner les dispositifs
(*) La Fédération Addiction a pour but de constituer un réseau au service des professionnels accompagnant les usagers dans une approche médico-psycho-sociale et transdisciplinaire des addictions. Pour former un réseau national représentatif de l’addictologie, l’association fédère des dispositifs et des professionnels du soin, de l’éducation, de la prévention, de l’accompagnement et de la réduction des risques.
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Author: Jacques Paquier