Ile-de-France

Disparition : Roland Castro, un humaniste pionnier du Grand Paris

« J’ai toujours préféré faire confiance, au risque de me faire parfois avoir, que d’essayer de fliquer mes collaborateurs », m’avait confié un jour Roland Castro, à la fin d’un déjeuner au Petit Célestin, où il avait pris ses habitudes face à la Seine. Il venait de cesser de fumer, lui que l’on ne voyait jamais un quart d’heure sans une clope au bec.

Sa voix, rocailleuse, était reconnaissable entre toutes : celle d’un intellectuel, d’un artiste, d’un visionnaire, d’un politique aussi, amateur de formules. Un séducteur, qui cherchait à faire rire son auditoire, mais un poète et un humaniste surtout, convaincu depuis toujours de l’importance du contexte et de la nécessité d’offrir à tous, et d’abord aux plus modestes, un cadre de vie esthétique. « Il aimait les gens, le peuple, les autres. Ce que je retiens de lui, c’est une immense générosité », se souvient Pierre Mansat. L’ancien président de l’Atelier international du Grand Paris cite ses dernières œuvres, la tour « Habiter le ciel » et ses jardins aériens, entre Saint-Denis et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ou le Mama Shelter, rue de Bagnolet à Paris, où l’élu du 20e et l’architecte aimaient se retrouver.

Roland Castro, Patrick Braouezec et Jean-Philippe Ruggieri, lors de l’inauguration d’Emblematik, le 11 février 2019. © Jgp

Avec Patrick Ollier et Anne Hidalgo, lors de la présentation de son rapport « Paris en Grand ». © Jgp

Avec Sophie Denissof, à Louvres-Puiseux. © Jgp

Pierre Mansat évoque aussi le rôle de Roland Castro autour de Maurice Leroy, dans les négociations entre l’Etat, la Région, la RATP et la SNCF, qui aboutirent à la création du Grand Paris express, grâce à une intelligence collective et un art de vivre à la française auxquels l’architecte et le ministre de la Ville étaient également attachés.

Un homme de cœur

« Il avait le cœur obèse », résume son compagnon de route, l’architecte Michel Cantal-Dupart, qui inventa avec lui Banlieue 89 (voir ci-dessous). « Le Grand Paris express découle du tramway reliant les forts que nous avions proposé à François Mitterrand », ajoute l’architecte. « Nous n’étions pas, en 1968, du même côté des barricades, soulignait Patrick Ollier en 2019, lors de la présentation de son livre du Grand Paris à Paris en Grand. Mais nous avons cheminé ensemble, appris à nous connaître et à nous apprécier », poursuivait le président de la métropole du Grand Paris.

A Oullins, à Vénissieux, aux Minguettes, il démontra que l’on pouvait transformer des cités grâce à des interventions minimalistes, en palissant de la végétalisation sur les façades, en requalifiant le rapport au sol et la manière d’entrer dans les immeubles. « Nous cherchions à chaque fois à nous appuyer sur ce qui est déjà là, à déceler ce qui constitue l’identité du lieu, ses qualités spatiales, géographiques, paysagères, architecturales pour reconstruire la ville sur la ville, et à réintroduire des codes urbains classiques pour retrouver urbanité, hospitalité et fierté, et transformer l’imaginaire du grand ensemble », se souvient Sophie Denissof, qui fut son associée et sa compagne.

« C’était un être précieux, un être vivant, qui savait que la ville est aussi un organe vivant, ajoute Dominique Alba. Il a toujours su se renouveler, de Banlieue 89 jusqu’à son rapport sur Paris en Grand, sur lequel nous l’avions accompagné, en passant par Habiter le ciel », poursuit la directrice de l’Atelier Jean Nouvel, qui évoque sa volonté plus récente de travailler sur l’A86 ou l’A104 et salue son infatigable énergie.


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Author: Jacques Paquier