Sciences

Aberkane – Stephen Hawking : au-delà du prix Nobel

« N’attends d’applaudissements que de toi-même, il vit le plus noble et meurt le plus noble, celui qui suit les lois qu’il a faites lui-même », cette phrase pleine de panache du polymathe soufi Richard Francis Burton décrit bien l’héritage intellectuel de Steven Hawking. Le vulgarisateur, physicien et penseur de génie, nous a quittés le « jour pi » de 2018, c’est-à-dire un 14 mars (3/14 en datation anglaise). S’il a contribué de façon décisive à la physique des trous noirs et vendu des millions d’ouvrages à travers le monde, il savait aussi quand il devait ignorer ses pairs, que l’originalité de ses théories a maintes fois laissés sceptiques.

Le professeur Daksh Lohiya, qui fut un de ses élèves à Cambridge, et enseigne aujourd’hui à New Delhi, en livre d’abord un portrait très humain. « Steven Hawking est tombé malade alors qu’il commençait à superviser mes travaux ; j’avais moi-même des difficultés, mais en le voyant combattre sa maladie de Charcot, je n’avais plus aucune excuse, il a été pour moi une source immense d’inspiration. Jusqu’à aujourd’hui : je devais écrire un chapitre de mon prochain ouvrage avec lui, sur lequel il avait déjà anticipé beaucoup de mes questions. »

De toutes ses contributions, Hawking tiendra à ce que sa formule sur l’entropie des trous noirs soit portée sur sa tombe. Cette quantité, que l’on associe au degré de désordre d’un système, donne aussi l’information maximale qu’il peut enregistrer selon nos théories actuelles, d’où son importance aussi bien physique qu’informatique. Le lien des deux, et l’idée que la quantité d’information d’un trou noir soit proportionnelle à sa surface plutôt qu’à sa masse ou à son rayon, ont provoqué en leur temps une saine controverse dans l’astrophysique.

Hawking n’avait pas peur d’avoir tort

« À un congrès à Dublin en 2005, poursuit le professeur Lohiya, Steven a voulu présenter une preuve qui démontrait, selon lui, une faute dans ses théories. Un de ses élèves prouva plus tard que c’est sa preuve qui était fausse. Il faut un grand courage pour présenter cela à ses pairs, qui ont cru à l’époque qu’il abandonnait son travail sur le paradoxe de l’information. » Hawking, en effet, n’avait pas peur d’avoir tort, car il savait très bien que la science n’est qu’une accumulation d’erreurs, et que le nom même de « Big Bang » était la moquerie académique d’une théorie restée incroyable pour ses premiers contemporains, mais qui est resté depuis. Comme le pensait Max Planck : une théorie ne triomphe jamais, ce sont ses détracteurs qui finissent par mourir.

Certainement, Hawking s’était fait, aussi, quelques ennemis tenaces, en choisissant une voie dans la physique qui n’était que très peu expérimentale, à une époque où le monde universitaire, dopé par le triomphe de l’informatique, s’entiche plus que jamais des seules données, reléguant les idées et l’imagination à des rangs secondaires, voire antiscientifiques. Mais il savait, comme l’avait assuré Einstein, que l’imagination est plus importante que la connaissance. C’est pour avoir délaissé le mesurable au profil du démontrable qu’il échappera au prix Nobel en 2011. « Qu’importe, insiste le professeur Lohiya, d’une part ses travaux ont eu plus d’impact et d’originalité que beaucoup de prix Nobel. D’autre part, la reconnaissance qu’il a reçue, en occupant notamment la même chaire qu’Isaac Newton, y est très supérieure. »

L’excentrique, qui avait organisé chez lui une fête pour les voyageurs dans le temps, ne prévenant personne pour que d’éventuels visiteurs du futur répondent à son invitation, avait aussi des préoccupations très concrètes pour le XXIe siècle, comme limiter l’usage de l’Intelligence artificielle armée. À une époque où le désarmement électronique est plus décisif que le désarmement nucléaire, c’est peut-être aussi un prix Nobel de la paix qui s’est perdu dans les limbes de l’aventure intellectuelle.

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