« Amoco Cadiz » : 40 ans après le naufrage, quelles leçons avons-nous tirées ?
C’était il y a 40 ans. Dans la nuit du 16 mars 1978, le supertanker Amoco Cadiz battant pavillon du Liberia, mais armé par la compagnie US Standard Oil, et transportant plus de 220 000 tonnes de pétrole brut s’échoue sur les côtes du Finistère. Après une soirée qui paraît interminable à l’équipage, où autorités maritimes, assureurs et armateurs se renvoient la balle sans trouver de solution, le pétrolier finit par heurter les récifs et termine sa course folle en face du petit port de Portsall. Il vient de provoquer l’une des plus grandes catastrophes écologiques de l’histoire. Plus de 300 kilomètres de côtes bretonnes souillées, des dizaines de milliers d’oiseaux mazoutés, 30 % de la faune et 5 % de la flore détruites sur une surface de 1 300 kilomètres carrés, la mort économique d’une partie de la région… C’est « la marée noire du siècle ».
Quelles leçons en avons-nous tirées ? C’est à cette question cruciale que tente de répondre le premier documentaire français réalisé pour la chaîne américaine National Géographic. Le navigateur Loïck Peyron (trois transats anglaises, deux transats Jacques-Vabre, une Route du rhum…), qui avait 18 ans à l’époque du drame, a accepté de servir de fil rouge à ce film édifiant de 50 minutes. Les pétroliers, il connaît bien. Son père était capitaine au long cours et, à l’époque, commandant de l’un des plus grands pétroliers du monde. « Il nous annonçait déjà depuis plusieurs années des catastrophes éventuelles », se souvient le skipper. « Lors de la première Mini-Transat en 1979, j’ai été bluffé de voir la coque de mon bateau maculée de traces de dégazage. À l’arrivée à Antigua, j’en avais parlé aux journalistes. On ne peut pas dire que cela ait fait la une. »
Vue aérienne de Portsall, mars 1978.
© JEAN-PIERRE PREVEL JEAN-PIERRE PREVEL / AFP
En 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans nos mers
Mais depuis, les choses ont changé. « Les modes de surveillance ont beaucoup évolué. Il y a un arsenal politique, technologique, technique et humain, qui fait que, théoriquement, un Amoco, ça n’arriverait plus. » Grâce à une reconstitution, notamment en images 3D, le film raconte, heure par heure, les différentes étapes et erreurs qui ont mené au naufrage. Puis on monte avec le navigateur à bord d’un avion de la marine nationale, qui surveille désormais les routes maritimes particulièrement fréquentées, ainsi que sur l’Abeille Bourbon, remorqueur d’intervention et de sauvetage.
Les équipes de nettoyage se relaient sur les plages du Finistère (mars 1978).
© JEAN-PIERRE PREVEL JEAN-PIERRE PREVEL / AFP
L’Amoco Cadiz, c’est aussi un procès de dix ans et une première dans l’histoire : les pollueurs sont jugés responsables. En 1984, un juge américain désigne la Standard Oil – devenue Amoco Corporation – comme seule responsable de l’accident, et en 1988, le juge fixe un montant d’indemnités. Considérant ces indemnités comme scandaleusement insuffisantes, les Bretons, comme l’État et la compagnie pétrolière, font appel du jugement. L’affaire ne sera définitivement close qu’en 1992. Amoco versera 225 millions de francs (34,3 millions d’euros) au syndicat mixte, tandis que l’État obtiendra 1,045 milliard de francs (159,3 millions d’euros).
Aujourd’hui, Loïck Peyron se veut à la fois rassuré et inquiet. Certes, une conscience écologique, qui n’existait pas encore il y a 40 ans, s’est fait jour. Certes, on a découvert depuis d’incroyables capacités de la nature à se régénérer. Mais que dire du trafic maritime qui explose ? Et des tonnes de plastique qui se répandent ? Si rien n’est fait d’ici là, rappelle le documentaire, en 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans nos mers.
Amoco Cadiz : la marée noire du siècle. Diffusé sur la chaîne National Geographic vendredi 23 mars à 18 h 05, samedi 24 mars à 4 h 40, mercredi 28 mars à 15 h 25. Ou à voir en replay sur la chaîne National Geographic.
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