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Vénus pourrait abriter la vie

Vénus, planète jumelle de la Terre à la beauté éclatante, pourrait accueillir de la vie dans son atmosphère, selon une nouvelle étude. Elle est peut-être sous nos yeux depuis depuis des décennies.

À quelques dizaines de millions de kilomètres de nous, Vénus, sœur jumelle de la Terre, a mal tourné sans que l’on sache vraiment quand et pourquoi. À sa surface, si belle au crépuscule ou à l’aube, c’est en effet l’enfer… Plus proche du Soleil et soumise à un puissant effet de serre, la planète subit une température moyenne au sol de 450 °C. La pression atmosphérique y est énorme (92 fois celle de la Terre) et il y pleut de l’acide sulfurique. Dans ces conditions, donc, difficile d’imaginer que de la vie puisse exister au sol.

Et pourtant, « certains modèles suggèrent que Vénus avait autrefois un climat habitable avec de l’eau liquide sur sa surface pendant 2 milliards d’années. C’est beaucoup plus long que [la durée estimée] sur Mars », souligne Sanjay Limaye, spécialiste des atmosphères planétaires et l’auteur principal d’une étude qui vient de paraître dans Astrobiology. Toutefois, si de la vie a émergé durant ce laps de temps, elle a disparu depuis longtemps avec les océans, et ses traces ont été recouvertes par des coulées de lave récentes à l’échelle géologique. Selon le chercheur de l’université de Wisconsin-Madison et ses collègues, ce n’est donc pas là qu’il faudrait chercher de la vie qui aurait survécu mais dans son atmosphère. C’est là qu’elle aurait trouvé refuge. Et se trouverait sous nos yeux depuis des décennies qu’on observe notre voisine dans l’ultraviolet.

L’idée d’une vie dans les nuages de Vénus n’est pas nouvelle. Elle a été émise en 1967 par les célèbres Harold Morowitz et Carl Sagan. Un peu plus tard, les sondes spatiales qui ont approché notre ardente voisine ont montré qu’entre 40 et 60 kilomètres d’altitude, les températures (entre 0 et 60 °C) et les pressions (entre 0,4 et 2 atmosphères) sont plus favorables. En outre, les nuages sont riches en souffre et en dioxyde de carbone.

Présentation du Vamp, un engin qui pourrait voler comme un avion et flotter dans les nuages de Vénus comme un dirigeable. Doté d’un instrument capable d’identifier les micro-organismes, il pourrait être lancé vers Vénus en 2021. © Northrop Grumman

Efflorescence de bactéries dans les nuages de Vénus ?

Ce qui a donné envie à Sanjay Limaye de creuser cette question, ce sont les mystérieuses taches sombres observées depuis près d’un siècle déjà dans les basses couches de l’atmosphère de Vénus. « Vénus montre quelques taches épisodiques riches en soufre, avec des contrastes allant jusqu’à 30-40 % dans l’ultraviolet, et une absorption des longueurs d’onde plus longues. Ces taches persistent pendant des jours, changeant constamment de forme et de contraste et semblent dépendre de l’échelle », explique le chercheur. Son collègue Grzegorz Słowik, de l’université de Zielona Góra (Pologne), qui s’est associé à ces recherches, lui avait parlé quelque temps auparavant de bactéries terrestres dont les propriétés d’absorption de la lumière sont comparables à ces particules sombres de nature inconnue. Et elles ont presque les mêmes dimensions.

Il serait possible qu’après la disparition de ses océans, des bactéries se soient réfugiées en altitude dans ce milieu plus hospitalier. Après tout, des bactéries vivantes ont bien été retrouvées dans l’atmosphère terrestre, jusqu’à 41 kilomètres au-dessus du sol. Alors, pourquoi pas sur Vénus ? Sans oublier que des bactéries s’épanouissent aussi dans des environnements très acides comme les sources chaudes à Yellowstone ou tout aussi hostiles (pour nous) que les sources hydrothermales dans les profondeurs des océans. « Sur Terre, nous savons que la vie peut prospérer dans des conditions très acides, se nourrir de dioxyde de carbone et produire de l’acide sulfurique. » Alors, comme il y a du dioxyde de carbone et de l’acide sulfurique avec des gouttelettes d’eau dans les nuages de Vénus… On peut imaginer que certaines formes de vie puissent y survivre.

Alors, à l’image des résidus poudreux de bactéries fixant le soufre concentré dans l’herbe en décomposition qu’il a observés au bord du lac salé de Tso Car — en altitude, dans le nord de l’Inde — et flottant dans l’atmosphère, Sanjay Limaye n’exclut donc pas que des colonies de bactéries fleurissent dans les nuages de Vénus.

Ce sont bien sûr des hypothèses. Personne ne possède encore de preuves d’une vie sur Vénus pour l’instant. Mais on pourrait aller le vérifier et pour cela l’équipe propose de dépêcher sur place une sonde dotée d’instruments qui permettraient de trancher la question. L’engin pourrait ressembler au projet Vamp (Venus Atmospheric Maneuverable Platform), capable de flotter comme un dirigeable et de collecter des échantillons. « Pour vraiment savoir, nous devons y aller et goûter les nuages, lance Rakesh Mogul, qui a cosigné l’étude. Vénus pourrait être un nouveau chapitre passionnant dans l’exploration de l’astrobiologie. »

Ce qu’il faut retenir

  • La possibilité que de la vie puisse survivre dans les nuages de Vénus a été émise dés 1967.
  • Entre 40 et 60 km d’altitude, les sondes ont montré que les conditions sont compatibles avec la vie.
  • Des chercheurs émettent l’hypothèse que les taches sombres remarquées dans l’ultraviolet dans les nuages de Vénus pourraient être des efflorescences de bactéries.

Pour en savoir plus

L’hypothèse de la vie dans les nuages de Vénus

Article du CIRS publié le 8 octobre 2002

Les nuages acides et chauds présents à la surface de Vénus, loin de proscrire la possibilité de vie sur cette planète, pourraient la cacher. C’est ce qu’avance Dirk Schulze-Makuch, de l’Université du Texas (El Paso, Etats-Unis).

Selon lui, à une altitude d’environ 50 kilomètres, les conditions seraient relativement hospitalières. La température y serait de 70 degrés, la pression d’une atmosphère, et il s’agit de la région de l’atmosphère de Vénus contenant la plus grande concentration en gouttelettes d’eau. En outre, la présence de microorganismes permettrait d’expliquer certains aspects de la composition chimique de l’atmosphère de cette planète. Schulze-Makuch et son collègue Louis Irwin ont utilisé les données existantes sur cette composition chimique.

Le rayonnement solaire devrait produire de grandes quantités de monoxyde de carbone dans l’atmosphère de Vénus. Or le monoxyde de carbone y apparaît rare, ce qui signifierait que quelque chose le ferait disparaître. Par ailleurs, les chercheurs ont relevé la présence de sulfite carbonyle, que les scientifiques considèrent quelquefois comme un indicateur indubitable d’activité biologique, car il est très difficile à produire de manière inorganique. Ils ont aussi trouvé du sulfite d’hydrogène et du dioxyde de sulfure.

« Il est peut-être possible que la production de sulfite d’hydrogène et de sulfite carbonyle emprunte des voies non-biologiques, pour l’heure inconnues », tempère Schulze-Makuch. Mais les deux réactions nécessitent des catalyseurs. Sur Terre, les plus efficaces catalyseurs sont les microbes. D’éventuels microbes vénusiens combineraient dioxyde de sulfure et monoxyde de carbone pour produire le sulfite d’hydrogène et l’oxysulfure de carbone (OCS).

Une réponse ferme sur la question de la vie sur Vénus devra attendre encore plusieurs années.

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