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Les baleines boréales, ces incroyables chanteuses

Les oiseaux chantent quand arrive le printemps. Les cigales chantent tout au long de l’été. Et les baleines boréales, quant à elles, chantent en plein hiver. Mais le plus surprenant nous est révélé par une récente étude : leur répertoire est étonnamment diversifié et change chaque année.

La baleine boréale est un animal hors du commun à plus d’un titre. Elle peut vivre jusqu’à 200 ans. Et elle présente les fanons les plus longs. Elle est même capable de briser la glace. Mais ce n’est pas tout. Des enregistrements réalisés par des chercheurs de l’université de Washington (États-Unis) nous révèlent aujourd’hui qu’elle s’impose aussi comme l’un des compositeurs-interprètes les plus prolifiques du monde animal.

Pas moins de 184 mélodies différentes enregistrées en quatre ans

« Lorsque nous avons immergé nos hydrophones — à l’est du Groenland, dans le détroit de Fram —, nous espérions percevoir quelques sons, raconte Kate Stafford, une océanographe de l’université de Washington. Finalement, nous avons enregistré des baleines boréales qui chantaient puissamment, 24 heures sur 24, de novembre à avril. Et elles chantaient non seulement beaucoup, mais aussi beaucoup de chansons différentes. » En quatre ans, pas moins de 184 mélodies ont ainsi été répertoriées.

Rappelons que pour les mammifères marins, les sons revêtent une importance capitale. Ils les aident à s’orienter, à trouver leur nourriture ou encore à communiquer. Mais les seules autres baleines capables de chanter des mélodies complexes sont les baleines à bosse« Les baleines boréales préfèrent les sons plus libres du jazz », précise Kate Stafford.

De nombreuses questions restent en suspens

Les chercheurs imaginent ainsi que les chants des baleines boréales trahissent une manière qui leur est propre de séduire. Mais de nombreuses questions restent en suspens. Les mâles sont-ils les seuls à chanter ainsi comme c’est le cas chez les baleines à bosse ? Et surtout, pourquoi tant de diversité dans le répertoire ?

Selon les chercheurs, les baleines boréales pourraient, comme certains oiseaux — les vachers ou les sturnelles —, passer d’une chanson à l’autre, car cette variété leur offrirait simplement un avantage évolutif. « Il y a nécessairement une raison », remarque Kate Stafford.

Malheureusement, les baleines boréales ont choisi de chanter au cœur de l’hiver polaire, lorsque le soleil ne se lève jamais et que la glace recouvre la quasi-totalité de la mer. Des conditions qui rendent les études difficiles. D’autant que l’espèce vivant dans l’Atlantique nord se trouve en danger critique d’extinction. Il n’en subsisterait aujourd’hui pas beaucoup plus de 200 individus.

Ce qu’il faut retenir

  • Les baleines boréales de l’Atlantique Nord sont en danger critique d’extinction.
  • Des enregistrements révèlent que ces mêmes baleines chantent tout au long de l’hiver.
  • Et à l’image des baleines à bosse, elles sont capables d’inventer des mélodies complexes.
  • Mais les chercheurs ignorent encore pourquoi les baleines boréales font évoluer leur répertoire tous les ans.

Pour en savoir plus

Avant de chanter, les baleines doivent apprendre la grammaire !

Pendant la période d’accouplement, les sérénades des baleines à bosse mâles sonnent majestueusement, et semblent parfaitement improvisées à l’oreille du profane. En réalité, leurs chant est beaucoup plus structuré qu’on le pensait jusque-là, et, pour accroître leur popularité auprès des femelles, les mâles vont jusqu’à copier la partition du Dom Juan qu’ils côtoient !

Article de Christophe Olry paru le 24/03/2006

Pour écrire leurs chansons, les baleines à bosse alternent des phrasés courts et longs, qu’elles répètent inlassablement. Ainsi, la sérénade la plus longue jamais enregistrée durait près de vingt heures… Mais alors, les baleines à bosse sont-elles des improvisatrices inégalées, ou respectent-elles des codes grammaticaux pour composer ?

En se basant sur la théorie de l’information – une discipline mathématique étudiant le codage et la transmission de données – et en concevant un programme informatique leur permettant de scinder le chant des baleines en différents motifs, des chercheurs ont établi que ces mammifères marins obéissent à un ensemble de règles de grammaire et de syntaxe élaborées.

Pour aboutir à cet édifiant résultat, les chercheurs ont enregistré à Hawaï les chants de baleines à bosse, les ont coupés en séquences, et ont attribué à chaque motif un symbole. En analysant la complexité et la redondance des motifs, ils se sont efforcés de les décrypter.

Il ressort de leur étude que les baleines utilisent une syntaxe précise et forment des phrases par combinaison de plusieurs sons, avant de les répéter des heures durant. Evidemment, le chant des baleines n’adopte pas la rigueur linguistique nécessaire à l’idée que l’on se fait d’un vrai langage, mais ce résultat a le mérite de montrer que ces animaux marins utilisent un outil de communication très structuré.

L’étude parue en ligne dans l’édition de mars 2006 du Journal of the Acoustical Society of America.

Copier Dom Juan pour mieux séduire…

Pendant la période d’accouplement, qui s’étend sur près de six mois, toutes les baleines à bosse y vont de leur petit refrain pour attirer les femelles. Dans cette compétition, tous les moyens sont bons, y compris voler la partition de son voisin !

En effet, les chercheurs se demandaient depuis longtemps pourquoi les chansons des baleines à bosse se déplaçant en groupes devenaient de plus en plus complexes au cours d’une même saison. L’hypothèse avancée par Ryuji Suzuki, de l’Institut médical Howard Hughes, est la suivante : lorsqu’un mâle parvient à trouver une partenaire, ses congénères imitent le style de sa chanson pour accroître leur chance de succès.

Chez les baleines à bosse, les Dom Juan sont donc de vrais petits chefs d’orchestre, et les groupes de mammifères de vraies petites chorales !

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