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Vénus connaît-elle une tectonique des plaques ?

De nouvelles analyses des données du radar de Magellan suggèrent qu’une tectonique des plaques particulière existerait sur Vénus. Elle ressemblerait à celle que l’on peut observer sur une banquise chaotique.

La Terre est une planète vivante, c’est le message porté par le titre d’un merveilleux ouvrage sur le volcanisme de Maurice et Katia Krafft à la fin des années 1970, juste après le triomphe éblouissant de la théorie de la tectonique des plaques, l’avatar moderne de la théorie de la dérive des continents d’Alfred Wegener. C’est en effet grâce à cette tectonique des plaques que des océans et des mers se ferment et s’ouvrent et que des montagnes s’érigent alors qu’en réponse l’évolution change de route, parfois en raison d’un important volcanisme.

Nous ne savons pas très bien quand cette tectonique a démarré sur Terre mais nous pouvons raisonnablement penser qu’elle existe depuis des milliards d’années, bien que très probablement sous une forme différente au début de l’Archéen et peut-être déjà pendant l’Hadéen. La Terre était plus chaude, son manteau plus convectif et cela a conduit géologues et géophysiciens à avancer l’idée que sa surface était formée de plaques plus petites et plus nombreuses, avec des mouvements plus rapides.

Une présentation de la mission Magellan avant son lancement. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Retro Space HD

Magellan et la topographie de Vénus

On pouvait s’attendre à ce qu’une tectonique des plaques active, à l’instar de celle d’aujourd’hui sur Terre, existe également sur Vénus. Sa masse et sa taille sont similaires à celles de notre planète bleue, et avec une composition probablement semblable aussi, son stock et sa production de chaleur devaient être comparables à ceux de la Terre.

Pourtant, il est apparu qu’il n’en était rien grâce au radar équipant la sonde américaine Magellan, restée en orbite autour de la planète de 1990 à 1994. À l’aide de puissants ordinateurs, il a même été possible de simuler un survol de la planète car nous connaissons plutôt bien la topographie de Vénus grâce à cette sonde.

Ce survol montre une caractéristique étonnante de la surface de Vénus, son très faible taux de cratérisation, ce qui implique qu’elle est très jeune. En outre, d’impressionnantes formations d’origine volcanique, comme des volcans boucliers, des pancakes en forme de crêpes et d’autres structures nommées corona et nova, indiquent une forte activité volcanique ayant récemment remodelée la surface de Vénus.

Constituée de roches volcaniques à 85 %, la surface de Vénus semblait accuser un âge inférieur à un milliard d’années d’après les premières estimations. Mais la fraîcheur des structures géologiques, comme celles montrant des flots de lave, laissait supposer à beaucoup un âge inférieur à 100 millions d’années pour plusieurs régions. D’autres allaient plus loin et n’hésitaient pas à évoquer une activité volcanique se poursuivant de nos jours. Il n’y aucune trace d’une tectonique comparable à celle de la Terre cependant, ce qui demande bien sûr une explication.

Une visite de la surface de Vénus reconstituée sur ordinateur dans les années 1990. Ces images en fausses couleurs proviennent du traitement des observations effectuées par le radar embarqué à bord de la mission Magellan de la Nasa. © NASA STI Program

Une tectonique de banquise sur Vénus ?

Toujours est-il qu’une série de communications lors de la 49e Lunar and Planetary Science Conference (LPSC) en mars dernier au Texas (États-Unis) vient d’apporter des éléments qui tendent à relativiser cette conclusion. Annuelle, la LPSC est organisée conjointement par l’Institut lunaire et planétaire (LPI) et le Centre spatial Johnson (JSC) de la Nasa depuis la mission Apollo 11. Elle rassemble des spécialistes internationaux en pétrologie, géochimie, géophysique, géologie et astronomie du monde entier, ce qui leur donne l’occasion de présenter les derniers résultats de la recherche en science planétaire.

De nouvelles analyses des données fournies par le radar de Magellan auraient ainsi permis aux planétologues de considérer sous un nouvel angle des réseaux complexes de crêtes et de failles dans les plaines basses de Vénus. Leurs caractéristiques suggèrent que la croûte de la planète est divisée en morceaux qui se redistribuent, se bousculent et pivotent. À leurs frontières se forment des structures ressemblant à celles des limites des plaques sur Terre. Ces blocs rocheux ne seraient pas animés de mouvements comparables et une bonne analogie serait plutôt celle des mouvements d’une banquise.

Selon le géologue planétaire Paul Byrne de l’Université d’état de Caroline du Nord (États-Unis), ce ne serait pas seulement la convection du manteau de Vénus qui serait à l’origine de ces blocs et de leurs mouvements. En effet, la surface de la planète est portée à des températures élevées, à quelque 750 kelvins (soit environ 480 °C) pour les régions les plus chaudes, du fait de l’effet de serre de l’atmosphère de gaz carbonique de Vénus dont la pression au sol est estimée à 90 atmosphères (90 fois celle de la Terre). La croûte serait donc ramollie comme du métal chauffé au rouge et pourrait se déformer même avec des mouvements de convections plus faibles que sur Terre sous cette croûte.

Vénus serait donc en fait dans un régime tectonique intermédiaire entre celui connu sur Terre et l’absence de tectonique constatée sur la Lune ou Mars.

On peut à cet égard se poser une question fascinante.

Vénus, la Terre du futur dans un milliard d’années ?

En 1971, le planétologue James Pollack était arrivé à la conclusion que Vénus pouvait avoir eu un océan il y a des milliards d’années. Sur Terre, les carbonates, sous forme de sédiments, ont pu se former à partir d’une quantité de gaz carbonique équivalente à celle contenue dans l’atmosphère de Vénus. La sœur de la Terre aurait été victime d’un effet de serre qui se serait emballé, causant l’évaporation de son eau, rendant impossible par exemple la formation de calcaire marin, piégeant le CO2.

Or, on suspecte que la disparition de cette eau a paralysé une possible tectonique des plaques dont le fonctionnement dépend de la subduction de plaques contenant des sédiments hydratés, qui en injectant de l’eau dans le manteau, faciliterait ses mouvements. Comme le cycle des roches associé à cette tectonique influe également sur le cycle du carbone en jouant le rôle d’un thermostat contre un emballement de cet effet de serre sur de grandes échelles de temps. L’évaporation des océans de Vénus aurait donc conduit à un cercle vicieux, bloquant une tectonique des plaques similaire à celle de la Terre.

Dans un milliard d’années, les océans de notre planète devraient bouillir et s’évaporer du fait de l’augmentation lente mais inexorable du rayonnement solaire. La Vénus d’aujourd’hui avec sa tectonique particulière pourrait-elle nous présenter le visage de la Terre du futur ?

Ce qu’il faut retenir

  • Vénus est une planète rocheuse comme la Terre mais légèrement plus petite et moins massive. On s’attendait donc à ce qu’elle possède une tectonique des plaques proche de celle observée sur Terre de nos jours.
  • La carte topographique de sa surface dressée à l’aide du radar de la mission Magellan n’avait rien montré de tel mais de nouvelles analyses de cette carte suggèrent l’existence d’une tectonique partielle ressemblant à celle d’une banquise fragmentée.
  • Cette tectonique ressemble peut-être à celle qui existera sur Terre quand ses océans auront disparu dans un milliard d’années.

Pour en savoir plus

Vénus a-t-elle connu la tectonique des plaques ?

Article de Laurent Sacco, publié le le 19/07/2009

D’après les observations conduites en infrarouge par la sonde européenne Venus Express, la planète du Berger pourrait vraiment avoir été la planète sœur de la Terre dans un passé ancien. Certains plateaux possèdent en effet des caractéristiques que l’on expliquerait sur Terre par la présence d’océans et d’une tectonique des plaques, une mécanique dont on croyait jusque-là que notre planète avait l’exclusivité dans le système solaire.

Le 28 novembre 2007, lors de conférences à Paris, l’ESA avait rendu public un premier bilan scientifique de la mission Venus Express. On peut aujourd’hui lire sur le site de l’ESA une interprétation des données prises en infrarouge par le Visible and Infrared Thermal Imaging Spectrometer (Virtis).

Alors que la mission Magellan n’avait essentiellement fourni qu’une carte altimétrique assez précise de la surface de Vénus, en perçant la couverture nuageuse de la planète avec un radar, Virtis, avec son pénétrant regard infrarouge, est capable de dresser des cartes de la température de surface des roches affleurant sur Vénus. Il peut donc donner des informations sur la composition chimique des roches.

En effet, lorsqu’elles sont chauffées, les roches n’émettent pas la même quantité de rayonnement infrarouge selon leur composition minéralogique. Ce phénomène a permis à Venus Express d’obtenir des indications sur le type de roches au niveau de l’hémisphère sud. C’est ainsi que la première carte de température de surface de cette région a pu être dressée à partir de milliers d’images prises à une altitude de 60.000 km par la sonde entre mai 2006 et décembre 2007.

Le résultat est particulièrement intriguant car il suggère que les hauts plateaux de Vénus sont bel et bien d’anciens continents composés en partie de granites, vestiges d’une tectonique des plaques.

Vénus elle-même est une planète au relief peu accidenté. Environ 80% de sa surface ne dépasse pas les 500 mètres par rapport à son altitude moyenne. Un dixième de la surface est pourtant constitué de montagnes et de hauts plateaux dont deux sont particulièrement importants. Il s’agit de Ishtar Terra, dans l’hémisphère nord, dont la dimension est en gros celle de l’Australie, et Aphrodite Terra, dans l’hémisphère sud, dont la taille est quant à elle environ celle de l’Amérique du Sud.

Du granite, pas du basalte

Selon les analyses de chercheurs comme Nils Müller du Joint Planetary Interior Physics Research Group de l’université de Münster (Allemagne), les faibles différences de températures de surface observées dans l’hémisphère sud et indiquées sur la carte, centrée sur le pôle, visible en bas de cet article, montrent que la composition minéralogique des hauts plateaux de cette partie de la planète diffère de celle connue ailleurs. Dans d’autres régions, en effet, les missions russes Venera ont permis d’identifier des roches directement grâce à des atterrisages d’engins en divers endroits. À chaque fois, il s’agissait de plaines basses et les roches étaient de type basaltique.

Or, en particulier dans le cas des plateaux de Phoebe et Alpha Regio, la couleur et l’aspect des roches inférées par les données de Virtis sont parfaitement compatibles avec ce qui sur Terre correspond à de vieux continents faits de granites, par opposition au fond de jeunes océans, constitués de basaltes. Or, sur notre planète, ces roches granitiques des continents sont associées à la présence d’eau et de tectonique des plaques. On mesure donc toute l’importance des observations de Venus Express.

De la même manière que sur Terre, la tectonique des plaques a probablement démarré il y a plus de 4 milliards d’années, la jeune Vénus pourrait avoir été la sœur jumelle de la Terre, avant que l’effet de serre ne s’emballe et n’empêche le piégeage du gaz carbonique dans des carbonates comme cela s’est produit sur Terre. L’élévation de température ayant fait disparaître rapidement les océans, la tectonique se serait arrêtée malgré le fait que Vénus possède très probablement autant de chaleur pouvant soutenir des mouvements de convection interne que la Terre.

Gardons à l’esprit tout de même qu’il ne s’agit pour le moment que de conjectures probables. Un véritable test serait d’avoir une analyse minéralogique des roches présentes sur les hauts plateaux de Vénus.

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