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Des fusions de trous noirs catalysées dans les amas globulaires ?

Les amas globulaires seraient le lieu de véritables réactions en chaîne catalysant la formation de trous noirs binaires de plus en plus massifs, d’après de nouvelles simulations numériques décrivant l’évolution des amas, en tenant compte de la relativité générale. Ligo et Virgo devraient ainsi détecter des trous noirs dépassant les 50 masses solaires.

Ligo, puis Virgo ont détecté de spectaculaires fusions de trous noirs grâce aux ondes gravitationnelles émises par ces astres compacts formant des systèmes binaires, dans les derniers moments, avant et pendant leur collision. La première détection a été une surprise car les trous noirs étaient plus massifs que prévu. Surprenante également, a été la détermination des moments cinétiques des trous noirs dans les évènements observés. On peut déduire les valeurs de ces moments en analysant la forme des ondes gravitationnelles. Elles se sont avérées plus faibles que prévu, les trous noirs ne tournaient pas rapidement sur eux-mêmes.

Ces mesures prennent un autre relief suite à la publication des travaux d’une équipe internationale d’astrophysiciens ayant conduit des simulations sur le supercalculateur Quest de l’université Northwestern (États-Unis). Disponibles dans un article sur arXiv, ces travaux portent sur la formation et le destin des trous noirs dans les amas globulaires. Si les chercheurs ont raison, ces amas denses d’étoiles pouvant rassembler en moyenne quelques centaines de milliers d’étoiles dans une sphère, dont le diamètre n’est que de quelques dizaines à une centaine d’années-lumière tout au plus, seraient des environnements particulièrement favorables à la formation de trous noirs binaires. Mieux, les fusions de trous noirs qui en résultent en donneraient d’autres plus massifs et avec des moments cinétiques pouvant être particulièrement élevés.

Rappelons que les amas globulaires sont des assemblages d’anciennes étoiles particulièrement denses, avec des distances inter-étoiles de l’ordre de une année-lumière en moyenne, mais pouvant être de l’ordre de la taille du Système solaire dans leur cœur. Il y aurait un peu moins de 200 amas globulaires en orbite autour de la Voie lactée, mais ils sont d’autant plus nombreux que la masse des galaxies qu’ils accompagnent est élevée. Il y en a ainsi des dizaines de milliers autour de certaines galaxies elliptiques.

L’astrophysicien Carl Rodriguez nous parle de ses travaux sur les trous noirs dans les amas globulaires. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ».© © TEDx Talks, Northwestern Visualization/Carl Rodriguez

Des trous noirs qui « sédimentent » au cœur des amas globulaires

24 amas globulaires, contenant de 200.000 à deux millions d’étoiles couvrant une large gamme de densités et de compositions différentes, ont été simulés avec Quest sur une période équivalente à 12 milliards d’années de l’évolution réelle des amas globulaires. Mais, contrairement aux simulations précédentes, qui ne tenaient compte que des lois de la gravitation de Newton, des effets relativistes ont été pris en compte.

Les changements dans les résultats obtenus ont été spectaculaires. Du fait de la plus grande densité des amas, des passages rapprochés entre les trous noirs formés par l’évolution stellaire se produisent. Des émissions conséquentes d’ondes gravitationnelles vont alors entrer en jeu. Tout se passe un peu comme s’il y avait une force de frottement faisant perdre de l’énergie cinétique aux trous noirs de sorte qu’ils forment plus fréquemment des systèmes binaires qui vont, à leur tour, fusionner en émettant des ondes gravitationnelles.

Les données de Ligo et de Virgo suggèrent que les spins dans les trous noirs binaires pas trop massifs sont peu élevés, ce qui veut dire que lors de leur fusion, les émissions d’ondes n’étaient pas plus intenses dans une direction particulière. Dans le cas contraire, elles propulseraient le trou noir nouvellement formé en dehors des amas, un phénomène que l’on constate avec des trous noirs supermassifs nomades, semble-t-il, qui auraient été éjectés des galaxies par ce phénomène.

Au final, il se forme donc des trous noirs plus massifs qui vont avoir tendance à chuter vers le centre des amas globulaires, comme le font des particules qui « sédimentent » d’autant plus facilement qu’elles sont massives. De nouvelles paires se forment alors, si bien que les masses vont croître encore.

Il y aurait ainsi des centaines voire des milliers de trous noirs qui se seraient formés dans les amas globulaires et plusieurs auraient des masses comprises entre 50 et 130 masses solaires, des astres qui seraient très difficiles à se former directement par simple effondrement direct d’étoiles car elles sont très rarement aussi massives .

À la tête de l’équipe ayant fait cette découverte, l’astrophysicien du MIT, Carl Rodriguez, a donc fait la déclaration suivante : « Mes coauteurs et moi avons parié contre quelques personnes qui étudient la formation d’étoiles binaires que dans les 100 premières détections de Ligo, on devrait trouver un évènement avec cet ordre de grandeur de masses. Je gagnerai une bonne bouteille de vin si cela s’avère vrai. »

Ce qu’il faut retenir

  • L’émission d’ondes gravitationnelles par des trous noirs en interaction dans les amas globulaires a été prise en compte pour la première fois dans des simulations du comportement et de l’évolution de ces amas.
  • Denses en étoiles, particulièrement vers leur cœur, ces amas faciliteraient la formation de trous noirs binaires par capture, donnant à leur tour par fusion des trous noirs plus massifs.
  • Chutant vers le cœur d’autant plus facilement qu’ils sont lourds, ces trous noirs formeraient à nouveau des paires. Les amas globulaires catalyseraient donc une sorte de réaction en chaîne les conduisant à contenir beaucoup de trous noirs plus massifs que ceux produits par la simple évolution stellaire.
  • Ligo et Virgo devraient permettre de tester cette hypothèse dans les années à venir.

Pour en savoir plus

Des trous noirs dans les amas globulaires de la Voie lactée ?

Article de Laurent Sacco, publié le 08/11/2013

Les étoiles des amas globulaires se sont formées il y a plus de 10 milliards d’années et certaines sont devenues des trous noirs. On pensait que ces astres compacts avaient dû finir par tous quitter leur lieu de naissance. Or, quelques-uns auraient peut-être été découverts dans deux amas globulaires de la Voie lactée.

Les amas globulaires sont des concentrations sphériques de quelques centaines de milliers à quelques millions d’étoiles âgées. On en connaît environ 150 en orbite autour du bulbe de la Voie lactée, mais il pourrait en exister 10 voire 20 fois plus encore non détectés. Comme ailleurs dans les galaxies, des étoiles massives ont dû s’y effondrer gravitationnellement en donnant des trous noirs, après avoir explosé en supernovae de type SN II.

Or, selon les calculs inspirés de la théorie cinétique des gaz et des liquides, ces trous noirs stellaires ont dû finir par être éjectés des amas globulaires depuis longtemps. On ne devrait donc pas trouver de traces de leur existence dans les amas, bien que l’on estime que plusieurs centaines d’entre eux s’y seraient formés.

Des amas globulaires qui s’évaporent

Les étoiles dans un amas globulaire se comportent un peu comme des atomes dans un liquide bouillant, par exemple une tasse de café. Du fait des interactions entre les atomes du liquide, certains possèdent une telle énergie cinétique qu’ils peuvent quitter la tasse sous forme de vapeur. Dit plus simplement, le café chaud s’évapore. Un phénomène similaire se passe dans les amas qui sont si denses que les interactions gravitationnelles entre les astres les composant conduisent certains à être expulsé des amas qui s’évaporent.

Or, en 2007, des émissions de rayons X particulières ont été découvertes dans un amas globulaire en orbite autour de la galaxie NGC 4472. L’astrophysicien Thomas Maccarone et ses collègues de l’époque en avaient déduit qu’il s’agissait du rayonnement émis par du gaz chaud accrété par un trou noir dans un système binaire. Contrairement à ce que l’on pensait, il était donc possible de trouver des trous noirs dans un amas globulaire.

Des trous noirs candidats dans deux amas globulaires

L’année dernière, les chercheurs ont annoncé qu’ils en avaient trouvé probablement deux dans un amas globulaire de la Voie lactée : M22. Aujourd’hui, ils avancent que le candidat le plus sérieux au titre de trou noir dans un amas globulaire de la Voie lactée se trouve dans l’amas M62.

Comme ils l’expliquent dans un article sur arxiv, ils ont observé cet amas avec le réseau de radiotélescopes bien connu du Very Large Array (VLA). Les caractéristiques de certaines émissions associées à un objet dans cet amas ne peuvent pour le moment pas s’expliquer autrement qu’en invoquant un trou noir avalant de la matière dans un système binaire. Une contrepartie en rayons X a d’ailleurs été trouvée dans les observations du même objet avec le télescope Chandra.

Les chercheurs ne peuvent pas encore éliminer l’hypothèse que le responsable ne soit pas un trou noir mais une étoile à neutrons. On sait d’ailleurs que de tels astres compacts existent dans les amas globulaires, sans qu’il y ait de conflit avec la théorie de l’évolution de ces amas. Pour Thomas Maccarone, les trous noirs stellaires doivent bien finir par quitter les amas globulaires mais probablement à un taux moins élevé qu’on ne le croyait, ce qui fait que certains seraient encore détectables.

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