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Des lacs sous-glaciaires pourraient nous aider à chercher la vie extraterrestre

Par sérendipité, une équipe internationale de chercheurs vient de découvrir le premier lac sous-glaciaire arctique canadien. Grande nouveauté, il est hyper-salé, ce qui en fait un environnement sur Terre similaire à l’océan sous la banquise d’Europe. De quoi exciter les exobiologistes voulant explorer la lune de Jupiter.

Lorsqu’il s’agit de rechercher de la vie sur Mars, les exobiologistes et les planétologues testent leurs théories et leurs stratégies dans des environnements terrestres, au moins depuis les années 1970. Carl Sagan a ainsi largement relayé dans le grand public les travaux du microbiologiste Wolf Vladimir Vishniac, mort en 1973 alors qu’il effectuait ses recherches en Antarctique, qu’il considérait comme un environnement similaire à celui de certaines régions de Mars. Les idées de base sont bien sûr de vérifier si des micro-organismes peuvent survivre et prospérer dans des conditions similaires, et enfin de découvrir où l’on peut le plus facilement les mettre en évidence et avec quelles techniques.

L’île Devon, un environnement martien au Canada

Les exobiologistes ont continué à explorer la voie ouverte par Vishniac en Antarctique mais aussi dans le désert de l’Atacama et même en Arctique sur l’île Devon qui est située dans une partie isolée du territoire du Nunavut au Canada. Elle est généralement considérée comme la plus grande île inhabitée du monde. Ainsi, chaque été depuis 1999, des chercheurs du projet Haughton-Mars de la Nasa et de la Mars Society résident dans cet endroit pour étudier les caractéristiques géologiques et environnementales d’un site considéré comme un excellent analogue de Mars, notamment parce qu’il se trouve à proximité d’un cratère d’impact, le cratère Haughton.

On se croirait sur Mars, mais on est en fait sur l’île canadienne de Devon avec le projet Haughton-Mars. © FYBR

Toutefois, la découverte qui vient d’être annoncée par une équipe de chercheurs dans un article de Science Advances, et qui concerne les exobiologistes en quête de vie ailleurs dans le Système solaire, n’a pas été faite dans le cadre du projet Haughton-Mars, même si elle concerne également l’île Devon.

Elle prend racine dans le travail de thèse de la géophysicienne Anja Rutishauser qui s’occupait de sondages radar de la couverture glaciaire du Canada pour des études de glaciologie à l’université de l’Alberta. Il s’agissait en l’occurrence de regarder de plus près les données radar collectées depuis un avion par la Nasa et l’Institut de géophysique de l’université du Texas (UTIG) pour décrire les conditions du substratum rocheux sous la calotte glaciaire du Devon.

Des analogues des lacs d’Europe sous la banquise de l’île Devon

La chercheuse a alors mis en évidence ce qu’elle ne cherchait pas à prouver au départ, l’existence de deux lacs situés sous la calotte glaciaire de l’île entre 550 et 750 mètres de profondeur. Des lacs sous-glaciaires ont déjà été découverts en Antarctique, comme le célèbre lac Vostok, et même quelques-uns sous l’Inlandsis du Groenland, mais c’est la première fois que l’on en découvre dans l’Arctique canadien. Le résultat le plus étonnant, c’est qu’à ces profondeurs, les eaux des deux lacs doivent être à -10° C environ et même en tenant compte de la pression, pour rester liquide à cette température, elles doivent également être hyper-salées (ces lacs doivent contenir des concentrations importantes de chlorure de sodium ou d’autres sels, avec des concentrations salines supérieures à celles de l’eau de mer, soit 35 grammes par litre), ce qui ne s’était encore jamais vu avec les environ 400 autres lacs sous-glaciaires connus.

L’océan d’Europe, la lune de Jupiter, intéresse les exobiologistes comme l’explique cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Jet Propulsion Laboratory

Les deux lacs hypersalins révélés par les ondes électromagnétiques ont des surfaces d’environ huit et cinq kilomètres carrés respectivement et ils ne semblent pas reliés à des sources d’eau marine ou à des eaux de surface. Ils doivent donc leur salinité à des affleurements géologiques salifères sous la glace. On peut raisonnablement avancer que ces lacs sont isolés depuis au moins 120.000 ans d’après les chercheurs.

Voilà qui est très intéressant pour l’exobiologie car une telle éventualité ouvre une fascinante possibilité. Si des formes de vie ont été piégées dans ces lacs et ont évolué en survivant jusqu’à nos jours, leur étude serait riche d’enseignements pour mieux évaluer la possibilité d’une vie dans les océans d’Europe, sous la banquise de la lune de Jupiter.

Exobiologistes membres de la collaboration Joint Europa Mission, prenez note…

Ce qu’il faut retenir

  • Nous connaissons environ 400 lacs sous-glaciaires sur Terre mais nous venons de découvrir les tout premiers sous la glace de l’Arctique canadien, par hasard, lors de travaux de glaciologie avec des sondages radar.
  • Les deux lacs découverts sont hypersalins et ils pourraient être isolés depuis 120.000 ans sur l’île Devon, un environnement qui sert déjà d’analogue à Mars pour les planétologues et les exobiologistes.
  • Ils pourraient contenir des formes de vie microbienne qui seraient adaptées à ces lacs, ce qui en ferait, peut-être, des équivalents de l’océan d’Europe, la lune de Jupiter.

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Quels phénomènes sont à l’origine de la vie ?  Dès 1871, Charles Darwin avait imaginé que la vie terrestre aurait pu naître « dans une petite mare », à partir de composés chimiques divers qui se seraient combinés pour former des molécules complexes. Un autre courant de pensée — la panspermie — a fait venir la vie de l’espace. Aujourd’hui, la question n’est pas résolue mais les scientifiques penchent du côté de Darwin avec une chimie prébiotique. 

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