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Acidification des océans : la vie marine risque d’être gravement touchée

Selon des chercheurs britanniques, l’acidification des océans pourrait rapidement atteindre des niveaux sans précédent. D’autres alertent sur les effets néfastes que cela aura sur la vie marine.

Si les émissions de dioxyde de carbone (CO2) se poursuivent « comme si de rien n’était », l’acidification des océans devrait atteindre des niveaux records. C’est ce qu’affirment des chercheurs de l’université de Cardiff (Royaume-Uni). Rappelons que l’acidification des océans se produit lorsque le CO2 atmosphérique est absorbé par l’eau. Depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a ainsi déjà absorbé quelque 525 milliards de tonnes de CO2.

Et si les émissions doivent se poursuivre au même rythme qu’aujourd’hui, la concentration en CO2 dans l’atmosphère atteindra les 930 parties par million (ppm) en l’an 2100, contre environ 400 ppm aujourd’hui. De quoi faire passer le pH des océans de 8,1 en 2018 à seulement 7,8 en 2100. Une augmentation de l’acidité considérable sur une échelle logarithmique comme celle du pH.

Selon les chercheurs, le pH actuel est probablement déjà inférieur à ce qu’il a pu être ces deux derniers millions d’années. Et les niveaux d’acidité prévus pour 2100 n’ont pas été observés depuis la période du Miocène moyen, il y a environ 14 millions d’années. La température sur Terre était alors d’environ 3 °C supérieure à celle d’aujourd’hui. Des résultats qui rendent encore plus alarmantes les conclusions de chercheurs qui tentent de comprendre les effets que peut avoir l’acidification des océans sur l’écosystème marin.

La biodiversité souffre de l’acidification galopante

Des chercheurs de l’université de Plymouth (Royaume-Uni), par exemple, se sont intéressés aux eaux qui bordent l’île de Shikine-jima, une île volcanique au large de Tokyo (Japon). « L’année dernière, les coraux du sud du Japon ont connu un épisode de mortalité massive. Nous pensions que ceux-ci seraient capables de se déplacer vers le nord pour survivre. Mais il semblerait que les coraux soient tellement sensibles à l’acidification des océans qu’ils en sont incapables », raconte Sylvain Agostini, professeur à l’université de Tsukuba (Japon) qui a également pris part à l’étude. De manière plus générale, les chercheurs assurent que des changements marqués et un déclin majeur de la biodiversité devraient être observés dès 2050 et plus encore d’ici 2100. Y compris parmi les espèces clés de l’écosystème.

Des poissons qui perdent leur odorat

Et c’est ce que confirment des chercheurs de l’université d’Exeter (Royaume-Uni). Selon une étude qu’ils ont réalisée, au contact d’une eau plus acide, les bars nagent moins. Ils semblent aussi perdre une partie de leur odorat. Particulièrement lorsqu’il s’agit d’odeurs émanant de potentiels prédateurs ou de potentielles proies. Peut-être parce que l’acidité de l’eau affecte la façon dont les molécules odorantes se fixent aux récepteurs olfactifs du poisson. Parce que l’expression des gènes impliqués dans la détection des odeurs et le traitement de l’information olfactive semble également altérée par cette acidité. Des résultats d’autant plus inquiétants que ces processus sont communs à de nombreuses espèces aquatiques.

Ce qu’il faut retenir

  • Absorbé par les eaux, le dioxyde de carbone atmosphérique provoque l’acidification des océans.
  • Considérant un scénario de statu quo en matière d’émissions de CO2, les chercheurs prédisent que le pH des océans sera de 7,8 en 2100.
  • En certains endroits du monde déjà, les effets de cette acidification des océans sur la vie marine se font ressentir.

Pour en savoir plus

Acidification de l’océan : des espèces en profiteront, d’autres mourront

Quel effet aura sur les organismes marins l’acidification des océans, autre conséquence de l’augmentation de la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique ? Une équipe américaine l’a mesuré expérimentalement sur une série d’espèces. Moralité : il y aura des vainqueurs et des vaincus.

Article de Jean-Luc Goudet paru le 08/12/2009

A mesure que l’atmosphère s’enrichit en gaz carbonique (CO2, ou dioxyde de carbone), le pH de l’eau de mer s’abaisse. Autrement dit, son acidité augmente. Le phénomène est connu et expliqué. Le gaz carbonique de l’air se dissout dans l’eau et une partie réagit pour donner des ions hydrogénocarbonates (HCO3) et carbonates (CO32-) et donc aussi des ions H+ (responsables de l’acidité).

Il n’y a cependant pas de relation simple entre teneur atmosphérique en CO2 et acidité de l’eau de mer car d’autres facteurs physiques interviennent, notamment la température, et les émissions de soufre et l’azote des engrais finissant dans l’océan conduisent aussi à réduire le pH.

On pense que depuis l’ère préindustrielle, le pH est descendu d’environ un dixième, de 8,2 à 8,1. Avec l’échelle logarithmique du pH, cette légère réduction correspond tout de même à une augmentation de la concentration réelle en ions H+ de 30%. Selon les estimations, le pH pourrait descendre à 7,9, voire 7,8 à la fin du siècle.

Cette acidification des océans ne sera pas sans conséquence sur un certain nombre d’espèces qui utilisent les carbonates pour se fabriquer une coquille en carbonate de calcium. C’est le cas des crustacés, des mollusques bivalves (moules, huîtres, palourdes, etc.), des coraux, de beaucoup de gastéropodes (comme les patelles) ainsi que de certaines algues.

Plusieurs études ont montré que l’acidité de l’eau entrave la calcification, c’est-à-dire la formation de la coquille, qui devient plus fragile chez l’adulte. Des travaux précis ont mesuré cet effet du pH chez l’huître et la moule.
Une équipe de la Woods Hole Oceanographic Institution, menée par Justin Ries (University of North Carolina, Chapel Hill), a été plus loin en testant l’effet de différentes concentrations de CO2 dissous dans l’eau sur 18 espèces marines vivant au fond (on les dit benthiques), animales et végétales. L’idée de l’expérience vient de la supposition que tous les organismes ne devraient pas être affectés de la même manière par une acidification car tous n’utilisent pas de la même manière le carbonate de calcium.

Crabes, homards et crevettes savent en profiter…

L’équipe a réalisé quatre milieux différant par leur acidité. Le premier, le témoin, a celle des mers d’aujourd’hui. Les trois autres correspondent à ce que l’on obtiendrait avec des teneurs atmosphériques en gaz carbonique deux fois, trois fois et même dix fois celle de l’ère pré-industrielle (établie à 285 parties par million, ou ppm). Très élevée, cette dernière valeur ne sera pas atteinte durant ce siècle mais, explique Justin Ries, elle pourrait devenir réalité dans 500 ou 700 ans et elle a déjà été atteinte dans le passé, durant le Crétacé.

L’idée originelle était bonne. Les espèces soumises aux tests ont réagi de manières très diverses. Les crustacés s’en sortent bien. Crabes bleus et homards profitent même largement d’une augmentation de la teneur de l’eau en carbonate et fabriquent leurs carapaces plus facilement, ce qui leur permet d’atteindre des tailles plus grandes et même impressionnantes. Les algues vertes calcifiées s’adaptent à la diminution de pH et continuent à fabriquer leurs structures calcifiées.

En revanche, les huîtres, les coquilles Saint-Jacques, le corail et les annélides à tube calcaire (les serpules) construisent des coquilles plus fines et plus fragiles. L’acidification ne leur convient pas du tout. Les plus touchées lors de l’expérience étaient la palourde, la conque et l’oursin crayon (dont les piquants sont épais et peu nombreux). Chez ces animaux, les plus hautes acidités dissolvent leurs coquilles…

La différence, explique l’équipe, vient du type de carbonate de calcium utilisé par l’organisme ainsi que l’efficacité du contrôle de l’acidité là où se fait la calcification. Même pour les espèces qui s’adaptent, les chercheurs se posent la question de l’effort que l’organisme doit réaliser pour surmonter l’acidité ambiante. Si le surcroît de dépense énergétique est élevé, l’organisme peut se fabriquer une belle coquille mais au détriment d’autres fonctions, par exemple la défense immunitaire. Par ailleurs, explique Justin Ries, « nous savons que la qualité de la nourriture joue un rôle important. Le corail, par exemple, est moins sensible au CO2 s’il est bien nourri » Ce facteur n’a pas été testé dans l’expérience, tous les animaux disposaient d’une bonne nourriture….

En tout cas, l’expérience montre la complexité de la réponse des organismes marins à coquille à une variation de pH. Tous ne seront pas logés à la même enseigne…

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