Science décalée : l’étonnante histoire des contes, multimillénaire, retracée par la phylogénie
La Belle et la Bête aurait environ 4.000 ans, Jacques et le Haricot magique, 5.000 et la légende de Faust 6.000 ans : les contes célèbres, toujours populaires et stars des dessins animés, auraient traversé les millénaires et les cultures, d’après une étude phylogénétique, parue en 2016.
Il était une fois, il y a très très très longtemps… C’est peut-être ainsi que devraient commencer certains contes populaires. Au 19e siècle, Wilhelm Grimm pensait déjà que beaucoup d’histoires qu’il avait popularisées étaient plus anciennes que les langues indo-européennes. D’autres les voyaient plus récentes, car il leur semblait improbable que ces histoires se soient transmises sur autant de générations sans support écrit. Mais une recherche suggère qu’un certain nombre de contes existaient dans les traditions orales indo-européennes bien avant qu’ils soient écrits, donnant ainsi raison à Grimm.
En utilisant des méthodes de phylogénétique habituellement employées par les biologistes de l’évolution, pour décrire les liens entre les espèces, Jamshid Tehrani, un anthropologue de l’université de Durham, et Sara Graca Da Silva de la nouvelle université de Lisbonne, ont étudié les liens entre des histoires du monde entier. Leur étude est paru dans Royal Society Open Science. L’objectif était de trouver les origines des contes.
Les contes se sont transmis à la fois verticalement dans les populations ancestrales, des parents aux enfants, mais aussi horizontalement, entre sociétés contemporaines. Dans leur article, les chercheurs montrent que les traditions orales des contes trouvent probablement leur origine bien avant l’émergence de la littérature, comme l’explique Sara Graca Da Silva. « Certaines de ces histoires remontent beaucoup plus loin que les premiers enregistrements littéraires, et bien plus loin que la mythologie classique – certaines versions de ces histoires apparaissent dans des textes latins et grecs -, mais nos résultats suggèrent qu’ils sont beaucoup plus vieux que cela. »
Des histoires racontées dans une langue indo-européenne disparue
Par exemple, des contes comme La Belle et la Bête ou Le nain Tracassin, populaire en Allemagne, remonteraient à plusieurs milliers d’années, même avant l’apparition des langues comme l’anglais ou le français. Ces deux contes ont été écrits aux 17e et 18e siècles et ont des équivalents dans la mythologie grecque et romaine. Mais la reconstruction de l’arbre des contes montre qu’ils sont encore plus anciens.
Le nain Tracassin est un des contes de Grimm et possède de nombreuses variantes. Au Royaume-Uni, il s’appelle Tom Tit Tot et, en France, il est aussi connu sous le nom d’Outroupistache. Tracassin apparaît dans Shrek 4 où il est l’un des principaux personnages. La Belle et la Bête a été écrit pour la première fois par l’auteure française Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve et sa version a ensuite été reprise par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Ces contes auraient en réalité environ 4.000 ans.
Jacques et le Haricot magique, quant à lui, trouve ses racines dans un groupe d’histoires regroupées autour du thème d’un garçon qui vole le trésor d’un ogre. Cette histoire aurait environ 5.000 ans. Plus vieux encore : Le Forgeron et le diable, qui raconte l’histoire d’un forgeron qui vend son âme en faisant un pacte avec le diable pour acquérir des pouvoirs surnaturels. Ce thème faustien remonterait à 6.000 ans, c’est-à-dire l’âge de bronze.
Pour Jamshid Tehrani, « nous estimons qu’il est assez remarquable que ces histoires aient survécu sans être écrites. Elles étaient racontées même avant que l’anglais, le français et l’italien existent. Elles ont probablement été dites dans une langue indo-européenne éteinte ».
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