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Pourquoi le satellite Swot est une révolution ?

Changement d’ère dans l’altimétrie spatiale avec le satellite Swot qui sera lancé en décembre. Construit par Thales Alenia pour le Cnes et la Nasa, Swot embarque une technologique de rupture qui va révolutionner la connaissance du cycle de l’eau à l’échelle de la planète. Lacs, rivières, fleuves, réservoirs et océans, 90 % des eaux de surface de la Terre seront sondés. Les explications de Christophe Duplay, responsable du programme Swot pour TAS, et de Charlotte Emery, ingénieur d’étude à CS Group France, en prestation pour le Cnes sur la mission Swot.

Trente ans après le lancement du satellite Topex-Poseidon, qui marquait alors le tout début de l’altimétrie de précision, Thales Alenia Space livre au Cnes et à la Nasa le satellite Swot. Cette mission s’inscrit dans la continuité des missions Jason et poursuivra la « mesure très précise du niveau des océans sur un temps long qui est un très bon indicateur du changement climatique », nous explique Christophe Duplay, responsable du programme Swot pour Thales Alenia Space.

Elle ouvre une nouvelle ère dans « l’observation des eaux de surface continentales, lacs et cours d’eau avec des perspectives révolutionnaires dans le domaine de lhydrologie continentale et locéanographie ». Cette mission altimétrique à large fauchée de la topographie des eaux de surface océaniques et continentales « devrait révolutionner la discipline dans un même ordre de grandeur que Topex-Poseidon », à qui l’on doit les premières mesures précises de l’élévation du niveau des mers « qui nous ont permis de prendre conscience qu’un changement climatique était en cours ».

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Son lancement est prévu vers le début décembre à bord d’un lanceur Falcon 9 de SpaceX. Le satellite sera installé sur une orbite inclinée à 77,6° à 890 kilomètres d’altitude, et ayant une répétitivité de 20,86 jours, pendant au moins trois ans. Depuis cette altitude, Swot réalisera une carte complète, « inédite aujourd’hui » de la topographie des surfaces d’eau océaniques et continentales à l’échelle de la Terre, tous les 10 jours !

Après Topex-Poseidon, les séries de satellites Jason 1, 2 et 3 et Sentinel 3 et 6, qui sont considérés comme des missions de la première génération, Swot donne le coup d’envoi aux « satellites altimétriques de deuxième génération ». Ces derniers se « caractériseront par des altimètres de très grande fauchée, qui deviendront la norme pour tous les autres satellites qui suivront Swot, alors que les radars altimétriques actuels sont limités à une bande de quelques kilomètres à la verticale du satellite ».

120 kilomètres pour Swot !

Pour réaliser sa mission, Swot embarque plusieurs instruments dont le radar KaRIn pour Ka-band Radar Interferometer. Il est basé sur l’héritage technologique des interféromètres SAR de la mission SRTM et de l’instrument WSOA et « permet une large fauchée de 120 kilomètres, un gap technologique significatif par rapport aux missions précédentes ». Swot embarque également l’altimètre Poseidon (3C) nadir, fonctionnant sur deux fréquences (Bandes Ku et C), similaire à celui embarqué sur Jason-3.

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KaRIn se compose de deux antennes SAR en bande Ka (fréquence à 35, 75 GHz pour une longueur d’onde à 8,6 mm) séparées par un mât de 10 mètres observant les surfaces sous des angles d’incidence proche-nadir entre 0,6° et 3,9°. Pour atteindre une fauchée de 120 kilomètres, KaRIn observe les surfaces au sol sur deux fauchées de 50 kilomètres, chacune distante de 20 kilomètres.

Des objectifs scientifiques inédits

Swot a pour objectif « lobservation globale de leau douce sur les continents et des océans avec des capacités de résolutions 10 fois supérieures à celles actuelles ». Cette mission est née de la nécessité de développer de nouveaux outils pour observer avec précision les eaux de surface continentales, « ce que ne permettent pas les satellites et instruments actuels ». Pour l’hydrologie, Swot constituera un premier instrument de mesure dédié à l’observation des surfaces continentales.

Dans le domaine de l’océanographie, Swot devrait améliorer la « couverture spatio-temporelle des données par rapport à celles des altimètres utilisés actuellement en pouvant notamment observer la variabilité océanique à méso-échelle et une meilleure vue de la circulation océanique », explique Charlotte Emery dans sa thèse, actuellement ingénieur d’étude à CS Group France, en prestation pour le Cnes sur la mission Swot.

Bien comprendre la circulation océanique est important car elle est à l’origine du transfert de la moitié de la chaleur et du carbone de la couche supérieure des océans jusque dans les grands fonds, un processus déterminant des changements climatiques mondiaux. L’amélioration de la précision des mesures pourrait nous « amener à découvrir de nouveaux phénomènes qui nécessiteront d’aller plus loin en résolution, selon la granulite des phénomènes en question », souligne Christophe Duplay !

Avec des modèles de circulation océanique améliorés et, notamment grâce à une meilleure compréhension des phénomènes à petite échelle, notamment les vagues, les tourbillons, les courants et les fronts océaniques, les données Swot seront utiles à « la navigation, la pêche et les activités commerciales extra-côtières ». Elles permettront également de « tracer de nouvelles routes commerciales plus économes sur les océans ».

Swot recueillera des données sur les eaux de surface, douces et salées de la Terre. Cela aidera à mesurer les effets du changement climatique. © Nasa/JPL-Caltech, Cnes, Thales Alenia Space

Mieux connaître le cycle de l’eau à l’échelle mondiale

Dans le domaine de l’hydrologie, il y aura un avant et un après Swot dans une « proportion que l’on ne peut pas mesurer tant le retour scientifique s’annonce « énorme » ! »

“Il y aura un avant et un après Swot dans une « proportion que l’on ne peut pas mesurer tant le retour scientifique s’annonce « énorme » !”

Charlotte Emery qui a travaillé sur l’apport des données Swot pour améliorer la modélisation hydrologique à grande échelle, précise que Swot produira les « premières images cohérentes des variations de stock deau de surface et de débits des rivières et qu’il va apporter une quantité considérable de nouvelles données pour lhydrologie de surface, les lacs, les étendues deau, les fleuves et les rivières, de sorte qu’il permettra d’améliorer l’estimation de la disponibilité des eaux de surface ».

Avec Swot, des données inédites seront disponibles « pour étudier les rivières, notamment celles peu suivies au sol, peu équipées en stations de mesures in situ ou dont les informations ne sont pas partagées avec la communauté internationale pour des raisons géopolitiques ». De plus, Swot fournira des informations « cruciales sur limpact des débits et de leurs variations sur les sociétés humaines ». Ces informations incluent les caractéristiques des « inondations et des sécheresses dans les bassins peu surveillés et aussi les variations des débits des fleuves transfrontaliers », conclut la scientifique.

Les données Swot permettront une « meilleure gestion des ressources en eau et la mise en service de nouveaux modèles de prévention pour les catastrophes naturelles liées à l’eau comme les inondations, les tempêtes, l’érosion du trait de côte mais aussi des modèles prédictifs des risques d’inondation, de sécheresse par exemple », tient à mettre en avant Christophe Duplay.

Swot n’est pas un seulement un satellite scientifique. Ses données seront au « cœur des enjeux du développement durable et de l’adaptation de l’humanité au changement climatique », et utiles à une très grande variété d’applications « dont beaucoup restent à inventer ». En effet, « on estime que l’on connaît qu’une partie des applications qui utiliseront les données Swot » !

Swot sera le premier satellite capable d’assurer une « rentrée contrôlée dans latmosphère en fin de vie, conformément à la Loi sur les opérations spatiales (LOS) qui est entrée définitivement en vigueur en 2020 pour faire face à la problématique des débris spatiaux ». Il faut aussi savoir que compte tenu de la masse du satellite, « plus de 2 tonnes, dont 850 kg représentant la masse des instruments », certains de ses éléments sont susceptibles de ne pas se détruire dans l’atmosphère. La rentrée contrôlée mise en place sur Swot permet d’assurer une désorbitation du satellite en 10 jours et de garantir l’atterrissage de débris potentiels dans une zone inhabitée. Mais, cela a un coût. « Une fiabilité du système propulsif et avionique en fin de vie sans faille et 80 % des réserves en carburant qu’emporte le satellite (366 kg) seront dévolus à cette tâche. »


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