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L’étoile de Bethléem, ciel mon messie !

Il faut s’y résoudre : l’étoile de Bethléem a autant sa place à Noël que le mauvais vin chaud que l’on trouve sur tous les marchés festifs à cette époque. Contrairement au breuvage, ce corps céleste figure dans la Bible. L’Évangile selon Matthieu raconte l’histoire de trois « astrologues » qui, voulant assister à la naissance de Jésus, n’ont pas été guidés vers le lieu de l’événement par GPS, mais par une étoile. Mais laquelle ?

« Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. » D’un point de vue astronomique, ces informations sont plutôt minces, surtout parce qu’il s’agit de l’unique mention de l’astre. Il semble que, nulle part ailleurs dans le monde, quelque autre personne n’ait été témoin de ce phénomène extraordinaire. Néanmoins, au cours des siècles, les humains se sont étonnamment donné beaucoup de mal pour percer la réalité scientifique de cette mention.

Très souvent, l’étoile n’est pas représentée comme telle, mais comme une comète dotée d’une longue queue. Cette image remonte à L’Adoration des mages de l’Italien Giotto di Bondone, qui a peint l’étoile exactement de cette manière dans l’une de ses œuvres au XIVe siècle. Il a probablement été inspiré par une vraie comète visible à l’œil nu, celle de Halley qui visite notre planète tous les 76 ans, et qui s’était manifestée dans le ciel quelques années plus tôt. Cependant, au moment de la naissance du Christ, elle n’était pas proche de la Terre et, d’après les connaissances actuelles, aucune autre comète n’est passée à proximité à cette époque.

Découvrez notre série Secrets d’étoiles, à partir d’extraits du livre Étoiles de l’astronome allemand Florian Freistetter (Flammarion). Une galerie de portraits d’astres qui raconte à la fois l’Univers et l’histoire de l’astronomie.
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L’étoile de Bethléem : symbole de statut pour un messie

Johannes Kepler, lui, pensait que l’étoile de Bethléem était une supernova, c’est-à-dire une étoile dont la vie s’est terminée par une colossale explosion après avoir manqué de combustible pour la fusion nucléaire en son sein. Si ce phénomène se produit suffisamment près de la Terre, on peut en effet observer une « nouvelle étoile » dans le ciel pendant un certain temps. Cette explication correspond en principe à la mention biblique. Mais une supernova laisse aussi des traces, observables aujourd’hui encore. Cependant, on n’a trouvé nulle part les restes d’une explosion stellaire qui correspondrait à une supernova.

Une théorie très populaire explique aussi l’étoile de Bethléem par une conjonction des planètes Jupiter et Saturne. En astronomie, c’est le terme employé pour décrire le phénomène dans lequel deux corps célestes semblent très proches l’un de l’autre, vus depuis un certain point d’observation. Cette hypothèse a été avancée par l’astronome viennois Konradin Ferrari d’Occhieppo, qui l’a étonnamment expliquée de manière astrologique : Jupiter et Saturne seraient les symboles astrologiques du peuple juif, tandis que la constellation des Poissons représenterait la Palestine. Ainsi, si Jupiter et Saturne se rencontrent dans les Poissons, ce qui était effectivement le cas à peu près au moment de la naissance du Christ, alors cela pourrait être interprété comme un signe de la naissance du roi des Juifs en Palestine.

L’astrologie convoquée

Ou pas. Car l’astrologie n’est pas une science et, selon ses codes, il est possible de lire toutes sortes de choses dans les corps célestes. De plus, même avec une conjonction très étroite, on distingue toujours clairement deux planètes, et non une étoile, comme le décrit la Bible. Les « astrologues », en particulier, auraient reconnu cette différence avec certitude.

Mais le vrai problème de toutes ces tentatives d’explication de la nature de l’étoile de Bethléem, c’est que l’on suppose qu’elle a réellement existé. La Bible n’est pas un rapport factuel et certainement pas une publication scientifique. Cependant, elle suit certaines structures narratives, certains motifs et thèmes qui étaient communs à l’époque de sa création. Et, selon la théorie probablement la plus plausible, qui se fonde également sur des études historiques et littéraires, l’étoile de Bethléem ne serait en réalité qu’une invention : elle était un « symbole de statut » cosmique grâce auquel Matthieu pouvait souligner l’importance de la naissance de Jésus.

De tels motifs et méthodes narratives n’étaient pas rares dans l’historiographie romaine de l’époque. Même le célèbre Jules César, qui est mort quelques décennies seulement avant la naissance du Christ, aurait eu « sa propre étoile », selon l’historien romain Suétone : un corps céleste brillant se tenait dans le ciel après sa mort, ce qui était généralement interprété comme un signe de son apothéose et de sa nature désormais divine. Et, si César avait sa propre étoile, aurait pensé Matthieu, alors Jésus devait absolument en avoir une aussi.

Cet article est issu d’ Étoiles. Une histoire de l’Univers en cent astres » de Florian Freistetter, éditions Flammarion, novembre 2020, 463 pages, 25 euros
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