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Banlieues : les pistes retenues par Emmanuel Macron

Non, Emmanuel Macron n’annonce pas « un plan ville, un plan banlieue », car, en 2018, cette stratégie est « aussi âgée que [lui] ». Le chef de l’État entend donc changer de méthode pour aider les quartiers défavorisés. La méthode des plans dédiés « a apporté des choses », a reconnu le président de la République, mais, à l’heure actuelle, « on est au bout » du dispositif. « Aujourd’hui, poursuivre dans cette logique est poursuivre dans l’assignation à résidence, la politique spécialisée […], je n’y crois pas », a-t-il insisté. Vendredi, le chef de l’État a rejeté le rapport de Jean-Louis Borloo sur les banlieues, et aujourd’hui il présentait donc les pistes qui ont retenu son attention.

  • Lutte contre le trafic de drogue

Emmanuel Macron a notamment annoncé qu’il finaliserait « d’ici juillet un plan de lutte contre le trafic de drogue », car, pour l’instant, « on a perdu la bataille du trafic dans de nombreuses cités ». Dénonçant un « embrasement des trafics », il s’est prononcé pour « un plan de mobilisation générale » contre ces « trafics internationaux » qui « conduisent aux pires des crimes », a déclaré le chef de l’État, réaffirmant au passage son opposition à la légalisation du cannabis. Il a également déploré la « grande violence » qui gangrène certains quartiers, au lendemain d’un face-à-face entre des hommes armés de kalachnikovs et des policiers dans une cité de Marseille.

  • Cohésion de territoires

Il a également évoqué une « agence nationale de cohésion des territoires », assurant souhaiter « qu’on garde l’Anru ». Mais « nombre de nos territoires ont un problème d’équipements » et, « dans le cadre de cette agence nationale de cohésion des territoires », il faut « qu’on réfléchisse à avoir cet opérateur de rattrapage qui permette, dans les quartiers comme dans les zones rurales » de « mobiliser les financements publics » et « tous les acteurs ». « Arrêtons d’opposer les territoires entre eux », a-t-il martelé, appelant à une « société de la mobilisation ». Sur les copropriétés dégradées, il a souhaité « qu’on puisse accompagner les établissements fonciers » et « définir d’ici juillet une dizaine d’opérations d’intérêt national qui permettent d’accélérer le travail de requalification ».

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Emmanuel Macron s’est dit mardi favorable à la création en juillet d’une « instance de recours pour les habitants, comme pour les élus » et à un « débat d’évaluation sur l’équité territoriale au Parlement ». « Il y a des territoires en grande difficulté, et ils peuvent être très urbains, très ruraux, les raisons sont profondément différentes et […] il faut une politique de droit réel, d’effectivité des droits dans ces endroits de la République », a jugé le chef de l’État lors de la présentation à l’Élysée d’initiatives pour améliorer la vie dans les quartiers défavorisés. « Je souhaite que, pour le mois de juillet, on puisse réfléchir à une organisation collective […] où l’on puisse avoir une instance de recours pour les habitants, comme pour les élus », sur l’équité territoriale, a-t-il annoncé.

Le rapport de Jean-Louis Borloo sur l’action à mener dans les quartiers prioritaires préconise notamment la création d’une nouvelle juridiction administrative, la « Cour d’équité territoriale ». « Je ne suis pas sûr de vouloir recréer une Cour, mais je trouve que l’idée d’une équité territoriale et d’avoir une instance de recours et de la transparence sur ce sujet est une bonne idée », a souligné Emmanuel Macron. Le président de la République s’est également dit favorable à « un débat d’évaluation de l’équité territoriale au Parlement » pour que les parlementaires « puissent étudier chaque année ces recours et débattre démocratiquement en disant : Vous voyez bien que sur tel ou tel quartier on n’est pas au rendez-vous », a-t-il expliqué.

  • Lutte contre le chômage et aides à l’emploi

Emmanuel Macron a demandé mardi aux 120 plus grandes entreprises françaises de « prendre leur part » dans la lutte contre le chômage qui sévit dans les quartiers et a annoncé qu’elles seraient soumises à des tests anti-discrimination d’ici trois ans. « Je veux que vous preniez votre part », a dit le président de la République à l’adresse des entreprises du SBF120, qui compose l’indice boursier regroupant les 120 principales valeurs françaises, indiquant qu’il les réunirait « en juillet ». « Vous allez m’aider et montrer à tous les esprits chagrins que, quand on aide les entrepreneurs à réussir, ça peut être efficace et juste », a-t-il lancé, les appelant à une « mobilisation citoyenne ».

Devant un parterre d’élus, de responsables associatifs et d’entrepreneurs, Emmanuel Macron a également annoncé que ces entreprises seraient en trois ans soumises à des « testing » (tests anonymes) pour détecter les cas de discrimination à l’embauche, au rythme de 40 par an. « Nous allons généraliser le testing, vérifier les comportements et s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination à l’embauche. Les entreprises du SBF120 commenceront le testing avec 40 entreprises par an et 120 seront testées en 3 ans », a-t-il déclaré en présentant ses mesures pour les banlieues. Dans les 1 300 quartiers prioritaires en métropole, le chômage touche un quart de la population en 2016, contre moins de 10 % ailleurs. Parmi les moins de 30 ans, le taux de chômage atteint 35 %.

Parmi les annonces attendues, il a indiqué que 30 000 stages de troisième allaient être proposés par les entreprises et l’État. Environ 15 000 autres seront proposés par l’État pour en faire profiter les jeunes des quartiers en difficulté qui ont beaucoup de mal à en trouver. « Il faut que tous les jeunes puissent trouver un stage », a déclaré le président en présentant ses mesures pour les banlieues, en annonçant qu’une « bourse des stages » serait mise en place d’ici septembre. Le chef de l’État a aussi annoncé le lancement de diverses initiatives d’ici juillet, notamment sur la rénovation urbaine, avec une opération « cœur de quartiers » sur des « premières cibles » avec pour objectif « de les faire sortir en six mois » de leur situation dégradée.

  • Radicalisation et sécurité

Emmanuel Macron a souhaité mardi que les préfets « échangent » avec les maires sur la présence dans leurs communes des personnes fichées pour radicalisation islamiste identifiées comme les plus à risque, recensées dans le fichier FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste). Revenant sur le déploiement de la police de sécurité et du quotidien, il a souligné que « des maires sont prêts à faire plus ». « Je souhaite, sur ce sujet, qu’on puisse, dans cet esprit-là, améliorer et systématiser le partenariat avec les maires : comment on les aide à faire davantage quand ils sont candidats, comment on permet d’aller plus vite dans les quartiers où les maires sont prêts à jouer le jeu », a-t-il énuméré.

« Et dans ce cadre-là, pour lever parfois des demandes parfois légitimes et des polémiques, je souhaite aussi qu’on puisse avoir un protocole très clair du rôle et du partenariat des maires avec les préfets dans le cadre des GED [groupes d’évaluation départementaux, NDLR], dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », a poursuivi le président de la République. Indiquant que « beaucoup de maires disent : J’ai de l’insécurité chez moi, j’ai des fichés S, je ne le sais pas, je voudrais le savoir », il a noté qu’un fiché S « n’est pas un terroriste ou en passe de l’être », mais que ce fichier est « un instrument de renseignement pour les services ».

« Les personnes identifiées comme les plus à risque qui sont dans un fichier FSPRT et qui sont revues par les préfets de manière régulière avec un compte rendu au ministre, ces personnes-là, pour les plus sensibles, il est normal que le préfet ait maintenant de manière systématique, et dans une charte qu’on va rendre transparente, un dialogue avec les maires pour pouvoir échanger », a-t-il estimé. « D’ici au mois de juillet le ministre de l’Intérieur fera des propositions concrètes pour qu’on puisse s’engager à l’égard des maires en la matière », a-t-il indiqué. Près de 20 000 personnes sont recensées dans le FSPRT. L’accès des maires à ce fichier est une revendication, notamment de Bruno Beschizza, maire LR d’Aulnay-sous-Bois, où Mohammed Belhoucine, l’un des complices présumés d’Amedy Coulibaly, auteur de la prise d’otages de l’Hyper Cacher en janvier 2015, avait été employé en 2010 par la mairie, alors qu’il était déjà connu des services antiterroristes.

  • Éradiquer la violence et le racisme dans les quartiers

« Il y a à la fois des sources d’extrême inquiétude et des sources d’optimisme profond. L’extrême inquiétude, c’est encore ce qu’on a vu à Marseille hier [lundi] », a déclaré le chef de l’État à l’Élysée. Des policiers ont été « mis en joue » par des hommes armés de kalachnikovs après une fusillade dans une cité sensible de Marseille lundi en plein après-midi, selon la préfecture de police. « Aucun blessé par balle n’est à déplorer, mais une personne, qui s’est présentée spontanément à la police, a été blessée à la tête par un coup de crosse porté par un malfaiteur », a ajouté la même source.

« Il y a de la grande violence, il y a du banditisme, il y a du trafic, il y a de la profonde insécurité, donc ne nous voilons pas la face en disant : C’est formidable et tout va bien », a fait valoir Emmanuel Macron. « Oui, nos quartiers ont du talent, mais, oui, dans nos quartiers, il y a aussi de la violence, il y a des choses qui ne vont pas, et c’est explosif », a-t-il poursuivi, évoquant « des raisons inadmissibles » de cette tension « qu’on a laissé s’enkyster », et aussi « une forme d’éloignement avec la République ».

Emmanuel Macron a également déploré mardi une augmentation des discours racistes et antisémites, qui sont « en train d’empirer » dans les quartiers, et appelé à la « lutte » contre ce phénomène. « Il faut regarder les choses en face : c’est en train d’empirer », a assuré le chef de l’État, assurant que les pouvoirs publics allaient « faire appliquer la loi sur les discours racistes », tout en appelant à éviter la « stigmatisation ».


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