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Verdi et Mozart : comment une entreprise réécrit les œuvres pour faire vivre l’opéra malgré la crise

Si les salles peuvent désormais accueillir du public, la distanciation imposée aux musiciens réduit le nombre d’instrumentistes, ce qui limite le nombre d’œuvres pouvant être jouées.

Les mélomanes sont ravis. Les salles de concert et les théâtres lyriques peuvent enfin rouvrir leurs portes. Mais en appliquant certaines mesures sanitaires comme une jauge pour le public, mais surtout une distanciation entre les musiciens.

Cette distanciation réduit mécaniquement le nombre d’instrumentistes pouvant jouer dans la fosse orchestre. Conséquence, de nombreuses œuvres ne peuvent tout simplement pas être données, faute de musiciens suffisants.

Mais une entreprise française, Lacroch’ (spécialisée dans l’écriture musicale), a trouvé la solution: réécrire une œuvre pour être jouée par moins de musiciens sans la dénaturer.

Cette PME, créée par trois musiciens, a ainsi été sollicitée en mars dernier par le Théâtre du Capitole de Toulouse pour écrire une version « sanitaire » de l’opéra de Verdi La Forza del destino (La Force du Destin).

Un tiers de musiciens en moins, mais la même œuvre

Objectif: permettre de jouer cette pièce avec 40 musiciens au lieu de 60 « tout en conservant l’ADN de l’œuvre de Verdi (plénitude des accords, richesse des timbres de l’orchestration…) » et faire en sorte que le public ne se rende pas compte que l’orchestre était réduit.

Une gageure, un crime contre l’intégrité de la création du musicien italien? « Il est toujours à la fois impressionnant et inspirant de réécrire les partitions des chefs d’œuvres lyriques. Conserver la plénitude des accords et la richesse des timbres de l’orchestration de Verdi avec un effectif réduit était un véritable défi. Un arrangement est réussi quand il sonne aussi bien que la version originale », explique Philippe Perrin, Président et cofondateur de Lacroch’.

Le travail demande 800 heures sur un mois autour de quatre arrangeurs (un pour chaque acte). Car qui dit version remaniée ne dit pas faire jouer la même partition à moins de musiciens, mais bien de trouver des techniques pour « simuler » les instruments manquants. Le résultat est rendu et il convainc. En premier lieu, les musiciens de l’orchestre.

D’autres opéras en cours de réécriture

« Les répétitions nous ont permis de constater avec bonheur que le résultat sonore de notre arrangement était très satisfaisant. Nous tenons à saluer les musiciens pour leur travail admirable; en effet, de tels arrangements les obligent à sortir de leur zone de confort habituel. Les parties étant plus fournies, cela demande plus d’engagement de leur part », poursuit Philippe Perrin.

L’accueil du public, généralement exigeant, est également bon. L’opéra a été joué pour la première fois le 25 mai dernier devant 400 personnes et très peu de spectateurs se sont rendus compte de la réécriture. Les représentations suivantes font le plein.

Ces « réécritures » ou versions remaniées ont-elles un avenir? L’incertitude sanitaire actuelle laisse penser que oui. D’ailleurs, Lacroch’ travaille déjà sur de nouveaux arrangements d’opéras comme Cosi fan tutte de Mozart qui sera joué en août prochain au Festival La Grange aux pianos dans une version pour 9 musiciens ou encore Hansel & Gretel de Humperdinck dans une version pour 9 musiciens qui sera jouée en octobre prochain à l’Opéra de Saint-Etienne.

De quoi pérenniser des revenus pour l’entreprise? Ce travail est facturé en fonction de différents éléments: le nombre d’instruments à réécrire, le temps nécessaire et le délai. Dans le cas de l’opéra de Verdi, l’enveloppe était par exemple de 10.000 euros, mais selon les œuvres et les volontés d’arrangement, ça peut être deux fois plus…

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business


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