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Résultats des élections régionales : pourquoi LREM n’arrive (toujours) pas à s’implanter localement

« J’étais séché, K.-O. debout. » Découragé par l’abstention record et sonné par les mauvais résultats de son parti, ce parlementaire LREM enchaîne les superlatifs pour décrire son état pendant l’entre-deux-tours. La majorité présidentielle a échoué, lors du second tour des élections régionales et départementales dimanche 27 juin, à décrocher une région, comme le montre notre carte des résultats. « Ces résultats sont une déception pour la majorité présidentielle », a admis le patron du parti, Stanislas Guerini, sur BFMTV.

Les candidats macronistes étaient arrivés troisièmes, quatrièmes voire cinquièmes lors du premier tour. Comme un mauvais remake des élections municipales de 2020, où le mouvement d’Emmanuel Macron s’était effacé derrière les partis traditionnels et les Verts. « Les retours sur le terrain étaient bons, les gens sont contents du président, on ne s’attendait pas du tout à une telle dégringolade », soupire une source interne chez LREM. 

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Comment expliquer ce mauvais score et son corollaire, l’absence d’implantation locale de LREM ? Officiellement, « la raison est assez simple, dixit LREM. Nous n’existions pas il y a cinq ans et c’est notre deuxième élection locale ». « Le projet du président, c’était de refonder le débat démocratique, de dépasser le vieux clivage droite-gauche, explique la ministre en charge du Logement et tête de liste dans le Val-de-Marne, Emmanuelle Wargon. Nous l’avons fait à l’échelle nationale mais implanter cette offre politique nouvelle à l’échelle locale prend plus de temps ». 

Pour Marie Guévenoux, députée de l’Essonne, en charge des élections à LREM, la jeunesse du mouvement a des conséquences très concrètes.

« On est nettement plus défavorisés que les autres. On part avec un handicap supplémentaire, on peut à peine parler d’implantation… »

Marie Guévenoux, députée LREM

à franceinfo

« La jeunesse du mouvement est incontestablement un élément très important, l’ancrage local, cela prend beaucoup de temps. Il faut gagner en notoriété », abonde le politiste Rémi Lefebvre. Effectivement, le mouvement d’Emmanuel Macron, qui n’existe que depuis 2016, a attiré de nombreux inconnus mal identifiés par les électeurs. Ce fait a été amplifié par l’échec de LREM aux municipales, selon un élu. « On paye les municipales, assure un député de la majorité. Si on avait des élus importants, probablement que l’on aurait pu avoir des têtes de gondole, mais là on n’en a toujours pas. »

Mais les mauvais scores du parti présidentiel aux élections locales sont-ils uniquement dus à la récente création du mouvement d’Emmanuel Macron ? « Okay, on est jeune, mais maintenant on est au stade de l’adolescence ! On n’arrive visiblement pas à transformer l’essai », admet un élu de la majorité. « Le fait qu’on soit jeune, c’est une chose mais c’est un tout, le fait qu’on soit au pouvoir ou que l’on ait du mal à identifier une ligne politique claire en est une autre », souligne un député de premier plan. 

Pour cet élu, la LREM n’a pas de positionnement politique identifié. « Qu’est-ce qu’un élu local En marche ! ? C’est compliqué à définir, assure-t-il. Il y a un besoin de définir une ligne politique, de revenir au socle idéologique qui avait fondé En marche ! »

« En marche ! est plus un boulet pour le président qu’autre chose. »

Un élu LREM

à franceinfo

L’organisation de LREM et son fonctionnement expliquent aussi ces mauvais résultats, selon les experts et certains cadres. « LREM n’est pas un parti traditionnel, Emmanuel Macron était très méfiant à l’égard des élus locaux et LREM s’est constitué contre les notables, rappelle Rémi Lefebvre. L’idée, c’était de ne pas structurer territorialement le mouvement. Il y a des référents départementaux qui sont nommés au niveau national, et le mouvement ne met pas beaucoup d’argent dans ses cadres locaux. »

« Le parti est très centralisé, très personnalisé. Il ne s’est pas donné les moyens d’être ancré localement. »

Rémi Lefebvre, politologue

à franceinfo

Côté militants, même si on se rassure en se comparant aux partis concurrents, la mobilisation n’est pas toujours constante. « Le rang des militants ne grossit pas, ils se mobilisent au niveau des élections mais pas entre ces échéances. Est-ce qu’on a la flamme de 2017 ? Certainement pas », admet un élu LREM. Officiellement, le mouvement compte 400 000 adhérents mais il suffit de s’inscrire sur internet pour être comptabilisé comme adhérent. Impossible de savoir combien d’entre eux sont réellement actifs sur le terrain. « On n’a pas des militants, on a des cliqueurs », avait d’ailleurs raillé dans l’entre-deux-tours sur Public Sénat le patron des sénateurs LREM, François Patriat. 

Quelles conséquences pour 2022 ? Les échecs du parti présidentiel pèseront-ils dans la réélection d’Emmanuel Macron ? « Oui, probablement, ce n’est pas neutre, assure un parlementaire. Parce que les élus, les maires, sont des relais d’opinion. » « C’est un vrai problème, rebondit un député de premier plan. Aujourd’hui, on n’a pas d’élus fortement visibles qui, sur le territoire, peuvent avoir du poids pour 2022″. Faux, rétorque Marie Guévenoux. « Si notre ancrage est plus modeste que les autres partis, il existe et permet d’accueillir une dynamique présidentielle », veut croire cette cadre de LREM. 

Surtout, les deux élections n’ont rien à voir. « Emmanuel Macron pense qu’il va gagner la présidentielle par le haut sans construire une implantation locale, chose que faisaient les partis traditionnels, et il n’a pas tort de le penser », analyse Rémi Lefebvre. Ce dernier rappelle que la popularité du président est bonne et que ses soutiens se moquent de ses échecs aux élections locales. 

« Les journalistes vont dire que le parti est hors sol mais l’électeur d’En marche ! s’en fout que son parti soit implanté localement. »

Rémi Lefebvre, politologue

à franceinfo

Si on pousse l’analyse plus loin, certains « Marcheurs » voient même dans l’attitude des électeurs LREM une certaine cohérence. « Nos électeurs, on leur a tellement dit que l’on est dans le dépassement (des clivages politiques), qu’ils ont voté pour les sortants, estimant que ces derniers avaient fait le boulot », remarque une source interne au parti. « Regardez, des Franciliens ont voté Pécresse mais cela ne les empêchera pas de voter Macron en 2022 », complète Marie Guévenoux. Et puis LREM pourra toujours s’appuyer sur ses partis satellites pour la présidentielle. « Macron a l’appui du MoDem et d’Agir qui ont plus d’élus locaux. Finalement, ils ont sous-traité à ces partis les relais locaux », conclut Rémi Lefebvre. 


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