A la Une

« Cette année de réouverture on vit tout dans un bonheur inouï » : Olivier Py donne le coup d’envoi de son avant-dernier Festival d’Avignon

Dans la cour d’honneur du Palais des papes, ce dimanche, les visiteurs ont réapparu en même temps que le soleil et, tout occupé à enjamber les flaques d’eau, aucun d’eux ne prête attention à la petite troupe assise en cercle sur la scène autour d’Isabelle Huppert et du metteur en scène portugais Tiago Rodrigues : ceux-ci mettent la dernière touche à La Cerisaie, qui ouvrira le Festival d’Avignon lundi soir. Dans le cloître qui jouxte la Cour, Olivier Py reçoit. Le directeur du festival entame son avant-dernier festival avec « euphorie ». Interview.

Franceinfo Culture A quelques heures de l’ouverture du Festival d’Avignon, comment se sent son directeur ? 

Olivier Py Dans une folle impatience évidemment, avec un peu le trac comme chaque année. Mais c’est une année qui est différente des autres car on a été privé de festival l’année dernière. Donc on est dans une sorte d’euphorie à voir renaître ces lieux, à voir arriver le public, à écouter les artistes travailler. On n’avait pas mesuré à quel point ce moment serait exceptionnel : ce n’est pas une chose commune qu’un rideau se lève et qu’une représentation ait lieu, c’est un véritable miracle. Donc cette année on vit tout, on va tout vivre dans un bonheur inouï.  

Nous venons de traverser la Cour d’honneur dont l’aménagement a été complétement repensé, il n’y aura pas de jauge dans cette grande salle mythique à ciel ouvert ?

La Préfecture nous a autorisés à avoir des jauges à 100%, donc il n’y a aucune restriction de jauge dans l’ensemble du festival. Mais la Cour d’honneur dépasse 1000 places et donc il faudra un passeport sanitaire, c’est-à-dire un justificatif de vaccination ou de PCR. Pour cela les PCR vont se faire dans toute la ville, il y  aura des tentes partout, cela va rassurer le public j’en suis certain. Ce sera d’ailleurs un festival plus grand que d’habitude, il y a 20 000 places supplémentairesà la vente par rapport aux autres années, et il y a 35 levers de rideau supplémentaires.

Quel est votre rêve de théâtre pour cette 75e édition ?

Mon rêve c’est le succès des spectacles évidemment, la rencontre avec le public, c’est aussi qu’on découvre des artistes et qu’on retrouve avec joie ceux qui sont déjà venus. Et c’est surtout que l’idée du théâtre populaire soir démontrée, prouvée, qu’elle soit incontestable ; moi j’y crois, il n’y a que ceux qui ne sont pas venus au festival qui n’y croient pas.

« Se souvenir de l’avenir » est la thématique de cette année, c’est important d’imaginer le monde d’après ?

C’est une thématique qu’on a imaginée l’année dernière, peu de temps après l’annulation, quand on était dans un moment de grand abattement, et on s’est dit : on va se souvenir qu’il y a un avenir, et c’est devenu le thème de cette édition. J’espère que les trompettes de Maurice Jarre qui vont raisonner dans tous les lieux vont faire raisonner aussi la fin de la pandémie et l’approche d’un avenir qu’il faut rêver meilleur. Mais après tout, il nous appartient, il appartient à la jeunesse, de faire que les apocalypses n’aient pas lieu.  

Il nous appartient de faire que les apocalypses n’aient pas lieu.

Olivier Py

On abordera au travers des spectacles l’écologie, le féminisme, on développera des utopies, des dystopies… Est-ce la mission première du festival d’être un lanceur d’alertes ?

Evidemment,  pourquoi pas ? C’est le rôle du festival de mener de grands combats, mais c’est d’abord son rôle du festival d’émouvoir, de présenter des œuvres d’art. Et si ces œuvres d’art, par ailleurs, font grandir notre conscience, alors elles n’en sont que plus belles. Le festival n’est certainement pas qu’une grande liste de spectacles, ce n’est pas du tout un marché du spectacle. C’est au fond une grande rencontre avec une communauté d’esprit qui se découvre ou qui se retrouve, certainement pour penser au monde de demain. C’est une chose que l’on peut demander au théâtre de nous donner des éléments d’espérance.  

C’est une chose que l’on peut demander au théâtre de nous donner des éléments d’espérance

Olivier Py

C’est vous cette année qui proposez le feuilleton théâtral : un Hamlet de Shakespeare à plusieurs niveaux de lectures, un « Hamlet » à 360° ?

Ah oui ça me convient très bien un Hamlet à 360°, en 10 épisodes, joués chaque jour à midi au jardin Ceccano, gratuitement et en entrée libre ; un épisode de ce grand feuilleton qui est une exégèse d’Hamlet, une lecture personnelle d’Hamlet, et par ailleurs, tous les deux jours nous jouerons une sorte de contraction de ce feuilleton, qui durera deux heures, et qui s’appellera Hamlet à l’impératif, et là on jouera toute la pièce et certains de ses commentaires.

Roselyne Bachelot va annoncer lundi le nom de votre successeur mais c’est vous qui allez programmer le prochain festival…

Oui évidemment car quelqu’un qui sera nommé dans quelques heures ne pourrait assumer aussi tardivement la prochaine édition, donc on m’a demandé de prolonger mon mandat d’un an. Je vais partir, ce qui est très bien car il faut partir un jour ! Je le fais de très bonne grâce et je passerai mon année à essayer de donner toute les clés à mon (ou ma) successeur.

Vous prévoyez une édition particulière en 2022 ?

Pour moi elle sera très particulière puisque ce sera ma dernière, je quitterai le festival avec une immense tristesse mais sans amertume, c’est la vie… j’espère qu’il y aura une personne qui reprendra à son compte, car ça ressemble parfois à un sacerdoce, l’amour du public, l’amour du théâtre populaire, l’amour de la décentralisation.

Et l’après ?

Je ne sais pas du tout ce que je ferai après, je ne sais pas ce qu’est la vie après le festival. Le festival a été toute ma vie. Déjà en partie avant que ne sois nommé directeur parce que j’y venais tous les ans, et bien sûr depuis ces dix dernières années toute ma vie. Je n’ai aucune idée de ce que peux être la vie d’après, je suis disponible.          


Continuer à lire sur le site France Info