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Mutilations dentaires : ce qu’il faut savoir sur le procès des docteurs Guedj père et fils avant le verdict

Ce jeudi, le tribunal correctionnel de Marseille a rendu son délibéré dans le procès des dentistes marseillais. Lionel Guedj est condamné à huit ans de prison, Carnot le père à 5 ans. Ils dormiront ce soir en prison.

Le verdict est tombé ce jeudi à 14 heures. Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné Lionel Guedj le principal accusé à huit ans de prison pour avoir dévitalisé les dents de plus de 300 patients et s’être enrichi sur le dos de la sécurité sociale et des mutuelles. Le ministère public avait requis la peine maximale de 10 ans de réclusion.

Son père, Carnot écope de cinq de prison. Avec mandat de dépôt immédiat, ils passeront ce soir leur première nuit en prison.

La justice leur reproche de s’être enrichis au détriment de la santé de leurs patients et au préjudice de la sécurité sociale. Jean-Claude Guedj et Lionel, le fils, ont comparu du 28 février au 5 avril dernier. 

Voici ce qu’il faut savoir sur l’issue de ce procès hors norme.

  • 5 et 8 ans de prison ferme 

La condamnation à 5 et 8 ans de prison des dentistes marseillais a été accueillie par les applaudissements de la centaine de plaignants présents dans la salle pour le délibéré.

Les condamnés, qui se tenaient le bras, sont restés impassibles derrière leurs masques chirurgicaux avant d’être placés dans le box de la salle d’audience.

La présidente a expliqué que ces peines se justifient par « le nombre de victimes », le nombre d’années
pendant lesquelles se sont déroulés les faits (six ans), « le très grave préjudice » à la Sécurité sociale et les « très fortes sommes engagées pour réparer » ces patients.

  • Qui sont les docteurs Guedj ?

Lionel Guedj, 42 ans, et son père Carnot, 70 ans sont tous deux chirurgiens-dentistes. Dans leur cabinet installé dans les quartiers nord de Marseille, ils auraient escroqué la Sécurité sociale et plusieurs mutuelles en effectuant des soins inutiles sur des patients, jusqu’à les mutiler. 

Entre 2006 et 2012, Lionel Guedj aurait dévitalisé 3.900 dents saines sur 327 patients, sans aucune justification thérapeutique dans le but de poser des bridges rémunérateurs.

La Sécurité sociale affirme que le praticien aurait posé 28 fois plus de prothèses que la moyenne des dentistes français.

En 2010, il est ainsi devenu le chirurgien-dentiste le mieux rémunéré de l’hexagone, gagnant jusqu’à 2,9 millions d’euros avec les honoraires.

  • Que leur reproche la justice ? 

327 patients auraient subi les pratiques peu scrupuleuses de ce dentiste dicté par l’appât du gain. La plupart de ces victimes sont pauvres et résident dans les quartiers nord de la cité phocéenne.

Elles étaient venues dans le cabinet médical de Saint-Antoine pour de simples caries, elles sont ressorties avec une ou plusieurs dents dévitalisées.

Au cours du procès qui s’est tenu du 28 février au 5 avril, les victimes sont venues témoigner à la barre. Elles ont décrit le calvaire qu’elles ont vécu et les conséquences des opérations de ces anciens professionnels de santé.

Elles sont revenues sur leurs douleurs insupportables, les abcès, les kystes, leur bouche noire et les prothèses qui ne tiennent pas.

Certaines victimes affirment que les Guedj ont brisé leur vie, qu’elles ont aujourd’hui perdu toutes leurs dents, devant vivre uniquement avec des implants. Plusieurs parlent de « honte » et de « culpabilité » de s’être fait avoir. D’autres ont le sentiment même « d’être violée » par ces deux hommes.

  • Quel est le montant du préjudice subi ? 

Le préjudice s’élèverait à près de 1,7 million d’euros pour la Sécurité sociale.

Concernant les victimes, le montant de certains actes de réparation se chiffre à plusieurs milliers d’euros.

Une enquête a établi que Lionel Guedj se serait bâti une fortune sur le dos des 327 patients, lui permettant d’acquérir des voitures de luxe, un yacht de 15 mètres et un patrimoine immobilier de 9,5 millions d’euros. Avant même le verdict du procès, plusieurs de ses biens lui ont déjà été confisqués par la justice.

  • Que risquent les deux dentistes ? 

A l’issue du procès devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille le 5 avril dernier, les procureurs Michel Sastre et Marion Chabot ont requis dix ans de prison ferme, soit la peine maximale au regard du Code pénal pour violences volontaires entraînant une mutilation, à l’issue des audiences des derniers mois.

L’accusation réclame également à Lionel Guedj 375.000 €, la plus grosse amende encourue pour le délit d’escroquerie reproché.

Mis en examen en 2012, placé sous contrôle judiciaire et radié par l’ordre national des chirurgiens-dentistes en 2016, il n’a à ce jour, effectué aucun jour de détention provisoire.

Son avocat, Frédéric Monneret, a plaidé l’erreur médicale et a demandé au tribunal « un juste équilibre dans la peine« .

Dans cette affaire, le père Carnot, dit Jean-Claude, ancien dentiste mutualiste, aurait aidé son fils à monter tout un système lucratif. « L’argent c’est le carburant de Lionel, et Jean-Claude Guedj ne cherche que la réussite de son fils, quel qu’en soit le prix« , avait pointé Marion Chabot.

5 ans de prison ont été requis contre lui, dont un avec un sursis probatoire pendant trois ans et une amende de 150.000 € avec l’obligation d’indemniser les victimes. Il plaide la relaxe.

Le ministère public a également requis le mandat de dépôt contre les deux prévenus et l’interdiction définitive d’exercer en tant que chirurgien-dentiste.

  • Les prévenus ont-ils exprimé des remords ?

Lors des audiences qui ont duré cinq semaines, le ministère public a affirmé avoir eu en face des prévenus « froids, inaccessibles, exempts de tout remords« , et ne pas avoir réussi « à percevoir une empathie sincère« .

Le procureur Michel Sastre a précisé dans son réquisitoire : « Jusqu’aux dernières plaidoiries des parties civiles, ils n’auront de cesse de lever les yeux au ciel. » Il dénonce « l’insolence » de ce père et fils, minimisant « leur responsabilité et l’ampleur du désastre« .

Lors de sa plaidoirie, l’avocat de Lionel Guedj a, pour sa part, décrit son client « un individu mort de trouille » et qui a « honte de ce qu’il a fait« .

Lionel Guedj avait fini par reconnaître, à l’issue des audiences, des erreurs de jeunesse. 


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