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Affaire Berdah-Booba : la querelle entre l’agente d’influenceurs et le rappeur résumée en six actes

« On ne peut pas être considéré dans la presse comme un lanceur d’alerte quand on est un harceleur. » Magali Berdah n’a pas mâché ses mots, mercredi 14 septembre, lors d’une conférence de presse relayée par de nombreux médias, dont Le Parisien. Sans jamais le nommer, l’agente d’influenceurs de téléréalité a visé Booba. Elle a porté plainte contre le rappeur et contre X en mai pour cyberharcèlement. Une enquête est en cours. L’autoproclamé « duc de Boulogne » s’est quant à lui lancé depuis plusieurs mois dans la dénonciation d’arnaques dans le milieu des influenceurs. Des faits qui font également l’objet d’une enquêteFranceinfo remonte le fil du conflit à distance qui oppose les deux personnalités. 

Acte 1 : l’influenceur Marc Blata accuse Booba de porter une fausse montre

La polémique débute en décembre 2021 lorsque l’ex-candidat de téléréalité Marc Blata prend Booba pour cible. Installé à Dubaï depuis 2019, il lance la rumeur selon laquelle le rappeur français aurait porté lors d’un shooting une fausse montre de la maison d’horlogerie de luxe Richard Mille. La mèche est allumée. Piqué au vif, Booba réplique, visant l’influenceur et son business de cryptomonnaies et de trading. C’est en partie grâce à ces activités que Marc Blata, et son épouse Nadé, également influenceuse, s’assurent un train de vie confortable sous les palmiers de Dubaï.

Sur son compte Twitter, le rappeur interpelle d’autres influenceurs comme Dylan Thiry ou Maeva Ghennam, qui ont gagné de l’argent grâce à des partenariats avec des sites de « drop-shipping ». Ce système consiste à vendre plus cher des produits, souvent de piètre qualité, achetés sur des sites comme Alibaba ou AliExpress. 

Acte 2 : Magali Berdah porte plainte contre le rappeur pour harcèlement 

De fil en aiguille, Booba (Elie Yaffa de son vrai nom) remonte jusqu’à l’une des « papesses » de ce petit monde virtuel : Magali Berdah. A la tête de Shauna Events, une entreprise créée en 2016, l’agente fait l’intermédiaire entre des marques et des égéries de téléréalité, moyennant un pourcentage sur leurs bonnes affaires. La quadragénaire se dit victime d’une cabale de la part du rappeur et de ses fans sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle pousse la porte d’un commissariat pour porter plainte le 25 mai, la chroniqueuse de « Touche pas à mon poste » mentionne l’un des tweets de Booba qui a mis le feu aux poudres quelques jours plus tôt, selon elle.

Dans cette plainte, que le magazine « Complément d’enquête » a pu consulter, la businesswoman dit avoir reçu « plusieurs centaines de messages et de menaces de mort », dont certains à « caractère antisémite ». Des internautes vont jusqu’à parler de « lapidation » et de « décapitation comme Samuel Paty », cet enseignant assassiné par un terroriste en octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son numéro et son adresse sont divulgués en ligne. Le parquet ouvre dans la foulée une enquête pour « menace de mort, harcèlement par un moyen de communication électronique, injure publique à raison de l’origine et du sexe », confiée au pôle national de lutte contre la haine en ligne.

Acte 3 : le « duc de Boulogne » lance le hashtag #influvoleurs

Fort de ses millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, le rappeur s’improvise lanceur d’alerte sur les arnaques en vogue dans l’univers des influenceurs et influenceuses d’Instagram et consorts. Le 27 juin, il lance le hashtag « #influvoleurs » et ouvre une boîte mail du même nom. Il recueille ainsi des dizaines de témoignages. Selon ces messages, que « Complément d’enquête » a également pu consulter, ces acheteurs affirment, factures à l’appui, avoir commandé des articles avec des codes promotionnels d’influenceurs travaillant pour Shauna Events et n’avoir jamais reçu de colis ni revu leur argent, malgré plusieurs mails de relance. Si toutefois le produit leur était livré, il s’agissait d’une contrefaçon produite en Asie.

Assisté de ses avocats, Booba dépose deux plaintes, fin juillet, pour « pratiques commerciales trompeuses » et « escroquerie en bande organisée ». L’une vise Shauna Events et l’autre Marc Oceane Singainy Tevanin, alias Marc Blata, pour ses activités de trading et de cryptomonnaie (NFT – jetons non fongibles). Selon ces plaintes consultées par « Complément d’enquête », « il apparaît un système d’escroquerie complexe et organisé, centralisé par la société Shauna Events », un « système alimenté par la passivité des réseaux sociaux et particulièrement Instagram et Snapchat, utilisés par les influenceurs pour promouvoir les arnaques ».

Acte 4 : la justice ordonne la suppression du compte Instagram du rappeur

Avec ses avocats, Magali Berdah obtient la fermeture du compte Instagram de Booba (@OKLM), ainsi que de son compte Twitter (@booba) temporairement. Le rappeur ouvre rapidement un nouveau compte Instagram (@elieyaffaofficiel) et fait appel au juge des référés pour demander l’annulation de la décision de justice. Le tribunal correctionnel de Marseille doit donner son délibéré dans cette affaire le 3 octobre.

« Mon client n’est en rien responsable de ces faits et de ces agissements. Et madame Berdah, qui prend parfois quelques libertés avec la rigueur, n’a jamais osé prétendre l’inverse et nul n’a jamais attribué à Booba le moindre propos antisémite », réagit l’avocat de l’artiste, Patrick Klugman, dans un communiqué.

Acte 5 : une enquête est ouverte sur les pratiques de Shauna Events

Le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) ouvre une enquête le 6 septembre après la plainte déposée par Booba pour « pratiques commerciales trompeuses ». Les investigations, confiées au commissariat d’Antibes, où est immatriculée la société Shauna Events, ne concernent pas les faits d' »escroquerie en bande organisée » dénoncés par le rappeur. « On se réjouit de voir que les éléments dénoncés vont donner lieu à une enquête », confie alors l’un des avocats de Booba, Ivan Terel. L’autre plainte du rappeur, qui vise Marc Blata, est transmise au parquet de Pontoise, territorialement compétent. 

Acte 6: « Je ne me tairai pas », lance Magali Berdah en conférence de presse 

Deux jours après la diffusion sur France 2 du magazine « Complément d’enquête » sur les « arnaques » et le « business » des influenceurs, Magali Berdah tient une conférence de presse à Paris au sujet du harcèlement dont elle accuse Booba. « Ce qui se passe est très grave, ça se fait aux yeux de tous », lance-t-elle, sans nommer le rappeur. « Je ne peux pas accepter que (…) le combat pour protéger nos enfants, nos familles, des dérives d’internet (…) soit confié à une personne qui attise la haine sur les réseaux à ce point-là », ajoute-t-elle, les larmes aux yeux. « Chacun prendra ses responsabilités. En ce qui me concerne, je reste debout et je ne me tairai pas », insiste la patronne de la société Shauna Events.

Présent à son côté, son avocat Antonin Gravelin-Rodriguez liste les « plus de 100 000 messages » qui auraient visé sa cliente ou ses proches, dont certains à caractère antisémite. Le conseil évoque la dizaine de plaintes ou compléments de plaintes déposée entre mai et août, et qui seront, selon lui, encore complétés prochainement, pour des faits de « harcèlement ». Il mentionne aussi « cinq plaintes » pour d’autres infractions, dont une tentative d’extorsion ou une agression subie par la fille de sa cliente. Une conférence de presse dont Booba n’a pas manqué une miette et que le rappeur a raillé sur les réseaux sociaux.


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