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Covid-19 : la validation des nouveaux vaccins a-t-elle été trop rapide, comme l’estime un épidémiologiste ?

Des vaccins qui posent question. Le feu vert récemment donné aux nouveaux vaccins bivalents, qui ciblent la souche originelle du coronavirus mais aussi son variant Omicron, interroge une partie des scientifiques. Sur Twitter, le médecin épidémiologiste Antoine Flahault a déclaré que les régulateurs sanitaires avaient « court-circuité les étapes usuelles de l’homologation d’un vaccin » en acceptant un nombre réduit de testsFranceinfo revient sur les conditions de validation de ces vaccins qui seront disponibles à partir du 3 octobre en France.

Les autorités de santé se sont montrées plus souples sur leurs critères

Le 1er septembre dernier, l’Agence européenne du médicament (EMA) a donné un avis favorable à l’utilisation de deux vaccins bivalents : les vaccins de Moderna et de Pfizer BioNTech qui ciblent la souche originale et le variant Omicron BA.1. Ils ont été rejoints le 12 septembre par un troisième vaccin, celui de Pfizer BioNTech qui cible la souche originale et les variants Omicron BA.4 et BA.5. En France, la Haute autorité de santé (HAS) a intégré ces nouveaux vaccins dans ses recommandations le 20 septembre, « dans un contexte épidémique marqué par la circulation majoritaire du sous-variant BA.5 », précise le collège d’experts.

Dans le détail, il apparaît toutefois que ces décisions reposent sur moins de tests que pour les précédents sérums. Le dernier vaccin a d’ailleurs été autorisé alors qu’il est toujours en phase d’essais cliniques sur des humains explique la HAS dans sa recommandation. L’autorité assume le fait que cette procédure soit « basée sur des données plus limitées que lors d’une évaluation initiale » et explique que cela « permet d’assurer la mise à disposition très rapide des vaccins les plus adaptés au contexte épidémiologique et à la souche circulante ». 

La HAS invoque par ailleurs « le recul important acquis depuis le début de la crise sanitaire concernant les vaccins à ARNm » ajouté à « l’expérience engrangée au sujet des vaccins adaptés aux souches circulantes »  – des connaissances qui, toujours selon la HAS, « justifient et autorisent le recours » à ces données moins complètes.

Ces trois vaccins ont bien été testés (ou sont en cours de test) sur des humains

Les sérums adaptés au premier sous-variant d’Omicron (BA.1) ont bien fait l’objet de tests sur des humains lors d’essais cliniques. L’EMA précise dans un document de suivi (en anglais) que ces expériences ont concerné diverses tranches d’âge et remontent au mois de mars 2021 pour les plus anciennes, dans le cas du vaccin de Pfizer/BioNTech. Les résultats de ces études ont été examinés par l’EMA et la HAS. Cette dernière assure que « l’efficacité clinique attendue pour ces nouveaux vaccins bivalents est au moins équivalente voire supérieure à celle des vaccins originaux »  – même si l’autorité publique souligne que cette « probable supériorité » n’a pas encore pu être « démontrée en vie réelle ».

Quand au troisième vaccin, qui cible les variants Omicron BA.4 et BA.5, son développement « repose essentiellement sur une étude préclinique chez les souris, et deux études cliniques (sur des humains) », précise la HAS. Au niveau européen, l’EMA justifie son autorisation express par la grande similarité entre les vaccins bivalents. « Extrapoler les résultats d’un vaccin à un autre est une approche scientifiquement établie et documentée, qui se fonde sur des concepts d’immunologie largement acceptés« , a expliqué Marco Cavaleri, le responsable de la stratégie vaccinale de l’EMA, cité par l’AFP

Un risque pour la « confiance du public » selon Antoine Flahault

Le médecin épidémiologiste, qui ne remet pas ouvertement en cause l’efficacité clinique de ces vaccins, s’inquiète surtout des récupérations politiques de ces autorisations. « Les antivax s’en donnent à cœur joie, ils ne pouvaient pas rêver meilleur pain bénit », a-t-il par exemple déclaré sur Twitter. Le scientifique craint un scénario en particulier : si ces vaccins bivalents s’avèrent moins efficaces que prévu, cela provoquerait « une chute brutale de la confiance du public » dans la politique vaccinale selon lui.

En guise de précaution, Antoine Flahault recommande de varier les instruments de lutte contre l’épidémie de Covid-19, en proposant par exemple une quatrième dose monovalente (le type de vaccin proposé jusqu’à présent), en relançant la vaccination des plus jeunes ou en instaurant à nouveau le port du masque dans les espaces clos.

Alors qu’une huitième vague épidémique semble se profiler (13 768 hospitalisations en l’espace d’une semaine, soit une augmentation de 7%), le débat sur les mesures sanitaires reste ouvert. Pour Sandrine Sarrazin, chercheuse de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la mise à jour des vaccins promet un gain d’efficacité. « On s’adapte aux variants qui circulent actuellement, a-t-elle expliqué au magazine Notre Temps. Les personnes vaccinées avec ce bivalent vont donc fabriquer des anticorps un peu mieux affutés. » Prudente, la HAS précise qu’elle pourra revoir ses recommendations « notamment au regard des résultats complets des essais en cours, des essais à venir et des données de pharmacovigilance européenne ».


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