A la Une

Phobies, peur panique, crise d’angoisse… On vous explique ce que sont les troubles anxieux, au cœur de la série « Désordres » de Florence Foresti

Après le dernier album de Stromae, dans lequel le chanteur s’épanche sur sa dépression, c’est au tour de Florence Foresti d’aborder publiquement sa santé mentale. Et plus particulièrement les maux dont elle souffre depuis son enfance : les troubles anxieux. Ils sont au cœur de la série Désordres, en référence aux désordres anxieux, traduction littérale d' »anxiety disorders ».

Comme l’humoriste, en 2022, un Français sur dix présente un syndrome anxieux (parmi lesquels on compte les troubles anxieux), selon les chiffres du ministère de la Santé publiés au mois de juin. Ces troubles peuvent prendre différentes formes : les phobies, le trouble panique et l’anxiété généralisée. Le 10 octobre est la journée mondiale des troubles mentaux.

> > Santé mentale : quatre choses à retenir du rapport de l’OMS qui alerte sur la souffrance de millions de personnes dans le monde

« C’est comme quand on a très peur de quelque chose de très dangereux », explique à franceinfo Antoine Pelissolo, psychiatre et auteur d’Anxiété et troubles anxieux (Planète santé, 2015). Il prend pour exemple certaines situations qui génèrent de la peur, comme les cauchemars, les accidents, les risques d’agressions, « où on perd le contrôle de soi ». « C’est exactement ce qu’il se passe chez les personnes atteintes de troubles anxieux sévères, sauf que ça se déclenche sans raison ou de manière totalement disproportionnée » , poursuit-il.

Si ces troubles sont courants, ils sont souvent mal compris. Car l’anxiété est une émotion commune à tous les êtres humains. Mais chez certaines personnes, cette émotion peut déclencher des crises, une accélération du rythme cardiaque ou encore une peur panique de sortir de chez soi. « L’anxiété est une réponse fondamentale pour notre survie », souligne Anna Beyeler, chercheuse en neurosciences à l’Inserm. « C’est un comportement sélectionné par notre évolution pour que l’être humain puisse éviter les dangers. »

C’est pourquoi il faut distinguer la peur, de l’anxiété. « La peur est la réponse physiologique (fréquence cardiaque et respiration, qui augmentent tous les niveaux d’alerte) et comportementale à un danger qui est présent. Alors que l’anxiété est l’anticipation d’un danger » comme en présence de traces d’un prédateur, bien que celui-ci ne soit pas présent, poursuit la chercheuse. « La maladie anxieuse, c’est quand cette anxiété devient chronique et forte en l’absence de signes de danger », souligne Anna Beyeler.

Le critère le plus important, c’est le caractère inadapté de l’émotion au contexte.

Nicolas Neveux, psychiatre

à franceinfo

« Par exemple, si vous êtes anxieux parce que vous êtes retenu en otage en Ukraine par l’armée russe, c’est normal, l’anxiété, même intense, n’est pas pathologique », abonde Nicolas Neveux, psychiatre et auteur de plusieurs articles de vulgarisation sur le sujet sur le site e-psychiatrie. Idem pour les personnes qui angoissent avant un examen, une opération chirurgicale. « En revanche, si vous faites une crise d’angoisse disproportionnée par rapport au facteur déclenchant, dans votre salon, sans raison apparente, cela devient pathologique », ajoute le médecin. Et qu’un accompagnement thérapeutique ou médical se justifie. « J’avais envie de montrer ce que c’est de vivre avec la peur de mourir tout le temps, relate Florence Foresti au quotidien 20 minutes. Dans la série, ses angoisses prennent vie, puisqu’elles sont incarnées par un comédien, crédité « la mort » au générique. « Je me suis dit que ça pouvait être bien de le montrer avec un personnage qui vous colle aux basques, qui intervient à n’importe quel moment de votre vie. »

Les troubles anxieux sont également difficiles à assumer, en raison des préjugés portés par leur entourage. « Le problème, c’est que ces troubles sont banalisés, explique Antoine Pelissolo. Comme on a tous vécu des moments d’anxiété, on a tendance à dire que ce n’est pas grave, ou alors qu’on ne fait pas assez d’efforts, qu’on ne se bouge pas. » 

Or, enjoindre une personne « à se bouger » et arrêter d’avoir peur, « c’est comme demander à une personne atteinte de la maladie de Parkinson d’arrêter de trembler. Vous aurez beau le faire, ça lui sera impossible. Il y a quelque chose qui est déréglé au niveau cérébral, ils ne peuvent pas arrêter », abonde Anna Beyeler.

Plusieurs recherches ont constaté que chez les patients anxieux, deux régions du cerveau sont particulièrement impliquées : l’amygdale et le cortex insulaire. « Mais ce ne sont pas les seules régions qui le sont, car elles sont intégrées dans des circuits complexes, précise-t-elle. On ne sait pas encore comment ça fonctionne, ni pourquoi. C’est l’objet de mon travail : essayer d’identifier pourquoi ces régions sont suractivées. » 

Pour venir à bout de ces troubles, plusieurs solutions existent, médicamenteuses ou psychothérapeutiques. Reconnues scientifiquement, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) permettent au patient de confronter ses angoisses, les déconstruire, tout en étant accompagné par un professionnel formé à ces thérapies.

« C’est très difficile à faire », précise Stéphane Rusinek, docteur en psychologie à l’université de Lille Nord-de-France et ancien président de l’Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC). « Il y a beaucoup de choses à gérer, notamment les pensées et des réactions physiologiques parfois très violentes. Si une personne a une phobie des chiens, il ne faut surtout pas prendre sa main, la mettre sur le chien et lui dire : ‘Tiens, tu vois que c’est facile’. Parce que c’est tout sauf facile. »

D’autres thérapies peuvent également soulager certains symptômes. La relaxation, la sophrologie ou encore l’hypnose sont souvent citées. Toutefois, ces dernières peuvent « soulager sur le moment, mais pas forcément traiter dans le fond », nuance Antoine Pelissolo. Les « TCC sont des méthodes complexes qui apprennent à se confronter à des angoisses, mais en étant accompagné avec un thérapeute qui doit être formé, insiste-t-il. La TCC peut intégrer de la méditation, mais cela s’inscrit dans une thérapie plus globale »

Outre ces thérapies, les professionnels préconisent également de consulter un médecin psychiatre ou généraliste. « Ce sont les seuls habilités à poser un diagnostic, rappelle Nicolas Neveux. L’anxiété est un symptôme recensé dans de nombreuses maladies » et peut ainsi cacher une pathologie. « Quand il est question de santé mentale, les gens pensent qu’il n’y a pas besoin de diagnostic, alors que c’est vital. Quand bien même, on parle d’un trouble panique, il faut faire les choses dans le bon ordre », insiste le spécialiste.


Continuer à lire sur le site France Info