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Guerre en Ukraine : cinq choses à savoir sur le général Sergueï Sourovikine, nouveau chef de l’offensive russe

Bombardements sur plusieurs villes, déploiement des forces biélorusses, frappes sur des infrastructures énergétiques… La Russie a lancé une contre-attaque sur le sol ukrainien, lundi 10 octobre. Les nombreuses frappes de missiles, notamment, sont une réponse à une série de revers ces dernières semaines sur les fronts est et sud du pays, où les forces ukrainiennes ont repris depuis la fin septembre près de 2 500 km2 et 96 localités, selon le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Autre camouflet pour la Russie : l’explosion, samedi 8 octobre, d’une partie du pont de Crimée, reliant la péninsule ukrainienne annexée en 2014 au territoire russe.

Pour inverser la vapeur, Vladimir Poutine mise justement depuis samedi sur une nouvelle figure à la tête de ses troupes : Sergueï Sourovikine, promu chef de « l’opération militaire spéciale » russe. Avant cela, ce commandant était déjà à la tête du groupement des forces sud en Ukraine. Qui est ce général aguerri de 55 ans, au crâne lisse et au regard froid, qui doit permettre à l’armée russe de reprendre la main ? Franceinfo liste cinq choses à savoir sur la vie du commandant russe.

Il a servi au Tadjikistan et en Tchétchénie

L’Ukraine n’est pas le premier terrain de conflit de Sergueï Sourovikine. Après la dislocation de l’URSS, il a participé à la guerre civile au Tadjikistan (1992-1997), puis à la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2009), opposant l’armée russe aux indépendantistes. Le média russe indépendant Novaïa Gazeta (en russe) décrit « une carrière militaire ordinaire pour un officier russe », précisant qu’il a « passé toute sa carrière en tant que soldat d’infanterie »

Le commandant s’est forgé une réputation sulfureuse dès son passage en Tchétchénie. Un rapport de la Jamestown Foundation, un institut de recherche et d’analyse américain, raconte qu’au cours de cette guerre, Sergueï Sourovikine « aurait annoncé qu’il tuerait trois Tchétchènes pour chacun de ses soldats tués. En 2004, Sourovikine (…) a été accusé d’avoir agressé physiquement des officiers subordonnés ».

Il a été brièvement emprisonné après une tentative de putsch

En 1991, Sergueï Sourovikine a participé, selon Novaiä Gazeta, au coup d’Etat visant à renverser Mikhaïl Gorbatchev, alors secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique. Sourovikine, capitaine à l’époque, a ordonné aux hommes de son unité d’attaquer les barricades des manifestants pro-démocratie. Trois civils ont été tués, ce qui a valu sept mois de prison au putschiste, qui sera finalement libéré pour avoir « simplement suivi un ordre », selon Boris Eltsine, premier président de la Fédération de Russie. Le chef d’Etat le promeut même au rang de major pour « s’être brillamment acquitté de son devoir militaire ». Sergueï Sourovikine est également reconnu coupable de vol et de vente d’armes en 1995, mais voit sa condamnation annulée pour « circonstances à décharge ».

Il a dirigé les troupes russes en Syrie 

En 2017, Sergueï Sourovikine a dirigé les forces russes en Syrie, qui soutenaient le régime de Bachar Al-Assad. Trois ans plus tard, il est soupçonné d’avoir participé aux bombardements sur des civils de la ville d’Idleb et des environs. Dans un rapport de 2020, l’ONG Human Rights Watch le pointe du doigt avec neuf autres hauts responsables russes et syriens dans les attaques illégales visant des hôpitaux, écoles et camps de personnes déplacées. 

Anton Gerashchenko, un conseiller du ministère des Affaires étrangères ukrainien, souligne de son côté que le nouveau commandant en chef russe « a commis des crimes militaires en Tchétchénie, en Syrie, coordonné des opérations sur le Donbass ». « Il est coupable de milliers de morts parmi les civils. Sourovikine doit être poursuivi comme criminel de guerre. Ses proches doivent faire l’objet de sanctions sévères », insiste-t-il. 

Son engagement en Syrie lui a pourtant valu d’obtenir en 2017 le titre de héros de la Fédération de Russie « pour le courage et l’héroïsme dont il a fait preuve dans l’accomplissement de son devoir militaire », d’après le ministère de la Défense russe (en russe)

Il a été nommé patron de l’armée de l’air

Toujours en 2017, Sergueï Sourovikine est nommé commandant en chef des forces aérospatiales russes. Le journal des forces armées russes Krasnaïa Zvezda annonce sa nomination en louant le personnage, affirmant son « succès maximal dans la lutte contre le terrorisme international » en Syrie. « Sergueï Sourovikine est le premier commandant de l’armée terrestre des forces aériennes russes de l’histoire », précise Novaïa Gazeta.

Il est considéré comme brutal et corrompu

Le commandant russe est réputé être un homme brutal et corrompu, selon de nombreux observateurs. Les services de renseignement britanniques soulignent dans un rapport que « depuis plus de 30 ans, la carrière de Sourovikine a été marquée par des allégations de corruption et de brutalité », rapporte The Guardian (en anglais). Oliver Caroll, journaliste britannique pour The Economist, raconte de son côté qu’un haut responsable ukrainien a décrit le nouveau commandant en chef russe comme « un homme cruel avec un casier judiciaire », ajoutant que « Sourovikine est un boucher »

« Il est hautement symbolique que Sergueï Sourovikine, le seul officier qui a ordonné de tirer sur des révolutionnaires en août 1991 et qui a effectivement tué trois personnes, soit maintenant en charge de cet ultime effort pour restaurer l’Union soviétique », analyse sur Twitter Greg Yudin, directeur de la philosophie politique à l’Ecole des sciences sociales et économiques de Moscou.

La nomination de Sergueï Sourovikine « reflète probablement un effort de la communauté de sécurité nationale russe pour améliorer le déroulement de l’opération », estime pour sa part le ministère de la Défense britannique, qui tempère toutefois : « Il devra probablement affronter un ministère de la Défense russe de plus en plus divisé, qui dispose de peu de ressources pour atteindre les objectifs politiques qu’il s’est fixés en Ukraine. »

Dimitri Minic, spécialiste de l’armée russe au centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (Ifri), cité dans Le Figaro (article abonnés), juge quant à lui que, compte tenu de son CV, cette promotion de Sergueï Sourovikine est « un signal fort envoyé aux critiques du Kremlin, dont les actions sont jugées trop timorées. La brutalité et les violations des règles et de la morale qu’a montrées Sourovikine plaisent aux nationalistes jusqu’au-boutistes. » 


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