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On vous explique pourquoi la sortie du patron de TotalEnergies sur son salaire à sept chiffres ne passe pas

Patrick Pouyanné aurait-il dû y réfléchir à deux fois avant de s’exprimer sur sa rémunération de grand patron ? La sortie du PDG de TotalEnergies, mardi 18 octobre, n’a pas manqué de faire réagir et de susciter une polémique, alors que des employés du groupe pétrolier se mobilisent depuis plusieurs semaines pour obtenir des augmentations de salaires. Explications.

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Un tweet de Patrick Pouyanné allume la mèche 

En plein conflit social face à des salariés de TotalEnergies qui réclament une hausse de leurs salaires, Patrick Pouyanné a écrit mardi sur Twitter qu’il était « fatigué » de l’accusation selon laquelle il s’est « augmenté de 52% ». Pour étayer son propos, le PDG du groupe pétrolier a publié « la vraie évolution de [sa] rémunération ».

En s’appuyant sur des chiffres tirés d’un rapport annuel de TotalEnergies (en PDF), le dirigeant affirme que sa rémunération est « constante », à environ à 6 millions d’euros par an, « depuis 2017 ». Si son salaire annuel a effectivement augmenté de 51,7% en 2021, c’est parce qu’il a fortement baissé en 2020, de la volonté même du PDG, qui a « volontairement amputé son salaire » cette année-là en pleine crise du Covid-19, précise-t-il. 

Un salaire révélé dans un contexte social tendu

Le tweet du PDG de TotalEnergies a provoqué un tollé, pour plusieurs raisons. A l’échelle du salaire des Français, parmi lesquels beaucoup gagnent moins de 2 000 euros par mois, les chiffres avancés par Patrick Pouyanné sont évidemment faramineux. « C’est hors-sol », a réagi Laurent Berger, mercredi sur LCI. « On ne peut pas contester quand on regarde la courbe, qu’effectivement il ne s’est pas augmenté de 52%. Mais on parle d’un salaire de 6 millions d’euros », a poursuivi le secrétaire général de la CFDT, qui s’est par ailleurs désolidarisé des grèves chez TotalEnergies. « Cela ne peut être que mal reçu dans un moment où il y a un problème de pouvoir de vivre exprimé par une partie de la population. »

Le 16 octobre, près de 30 000 personnes ont battu le pavé à Paris, « contre la vie chère et l’inaction climatique », à l’appel de la gauche. Mardi 18 octobre, des manifestations ont eu lieu partout en France pour demander une hausse des salaires lors d’une journée de mobilisation interprofessionnelle soutenue par les principales forces syndicales du pays. L’inflation et la flambée des prix de l’énergie placent le pouvoir d’achat au centre des préoccupations de beaucoup de Français. 

Dans ce contexte, les propos de Patrick Pouyanné sur son salaire ont pu décontenancer. Une faute de communication ? Tout le monde semble en convenir, y compris au sein du gouvernement. « Libre à lui de communiquer comme il l’entend sur l’évolution de son salaire. Moi, je dis que dans le contexte actuel, on doit tous être extrêmement attentifs au message qu’on envoie aux uns et aux autres », a estimé mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres. 

Des réactions en chaîne à gauche

Le tweet de Patrick Pouyanné n’a pas non plus manqué de faire réagir à gauche. La France insoumise (LFI), Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste (PC) et le Parti socialiste (PS)… De nombreux représentants de gauche se sont exprimés, non sans sarcasmes. « Nous versons tous une larme pour vous, Patrick », a par exemple tweeté le secrétaire national du PC, Fabien Roussel. « Il va falloir redescendre sur terre », a pour sa part réagi le patron du PS, Olivier Faure. 

« Tout mon soutien à vous qui, en 2020, avez dû survivre avec 3 918 263 euros. Soit 2 545 smic », s’est ironiquement ému le député LFI François Ruffin. Encore plus acerbe, Sandrine Rousseau, députée EELV, a dressé le constat suivant : « Ça rapporte bien dites donc d’être écocidaire et profiteur de guerre ». Des références à peine voilées au projet très controversé d’oléoduc en Ouganda et au fait que le groupe pétrolier n’a pas quitté la Russie, contrairement à d’autres entreprises, depuis le début du conflit en Ukraine. 

Un salaire « élevé », mais dans la moyenne de ceux des patrons du CAC40

Si Patrick Pouyanné reconnaît, dans un autre tweet, que son salaire est « certes élevé », il rappelle qu’il est fixé par le conseil d’administration de l’entreprise et souligne qu’il est « comparable à [ses] pairs du CAC40 et bien moins élevé que celui des autres majors européens et américains ».

En France, le site spécialisé ZoneBourse a établi en avril dernier un classement des patrons les mieux payés du CAC40. Parmi ces 40 personnalités, Patrick Pouyanné arrive en neuvième position, juste derrière Alexandre Bompard (Carrefour) et devant Olivier Roussat (Bouygues). Le dirigeant de TotalEnergies se situe dans la moyenne haute des PDG les mieux rémunérés. Des revenus annuels qui vont, dans ce classement, de un à près de 10 millions d’euros (bonus compris). A titre de comparaison, un salarié dans le secteur privé gagnait en moyenne en 2020 en France 2 518 euros net (3 300 euros brut) par mois en équivalent temps-plein, selon l’Insee.

Par ailleurs, Patrick Pouyanné ne figure pas au classement des 500 personnes les plus riches du monde, quotidiennement actualisé par le média spécialisé Bloomberg (en anglais) ou dans celui du magazine américain Forbes. En 2022, ce sont deux PDG américains, Elon Musk (Tesla) et Jeff Bezos (Amazon), et un dirigeant français, Bernard Arnault (LVMH), qui occupent les trois premières places, avec des fortunes estimées à plusieurs milliards de dollars.


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