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Budget : comment Marine Le Pen et le RN ont réussi un « bon coup » stratégique en votant la motion de censure de la Nupes

Coup de théâtre au Palais-Bourbon. Marine Le Pen a gardé une petite surprise pour la fin de sa prise de parole, lundi 24 octobre, lors de l‘examen des motions de censure déposées par la Nupes et le Rassemblement national, en réaction à l’utilisation du 49.3 sur le budget. « Le groupe que j’ai l’honneur de présider votera également la motion de censure présentée en des termes acceptables de l’autre côté de l’hémicycle », a lancé la présidente du groupe RN à l’Assemblée. A la tribune, l’ex-candidate à la présidentielle a fustigé « l’arrogance » de l’exécutif, avant d’assurer ne pas craindre « les menaces de dissolution ».

La présidente du groupe RN a donc changé d’avis. Il y a une semaine, elle expliquait sur BFMTV que les députés RN ne voteraient pas la motion de l’alliance des partis de gauche. Selon les informations de France Télévisions, le revirement stratégique a été arrêté lundi en tout début d’après-midi, lors de la réunion de groupe du parti. « En une semaine, ce qu’il s’est passé, c’est qu’il y a eu le dépôt de leur motion, que j’ai lue », a ensuite expliqué Marine Le Pen aux journalistes, en assurant qu’il ne s’agissait pas d’un virage à 180 degrés. « La rédaction de leur motion de censure n’est pas idéologique et se base sur les mêmes fondements que nous. »

Pour le politologue Bruno Cautrès, ce revirement est un « bon coup » stratégique de la part de la leader d’extrême droite. « Cela marginalise terriblement la droite. Cela envoie un message aux électeurs de la droite dure, en disant : ‘Quand LR a eu l’occasion de faire tomber le gouvernement, ils ne l’ont pas fait' », analyse le chercheur au CNRS et au Cevipof. La présidente du groupe RN ne s’y trompe pas. « Cela a le mérite de démontrer que le groupe LR est plus proche de la majorité que de l’opposition », a elle-même affirmé Marine Le Pen devant les journalistes.

Grâce aux voix du RN, venues s’ajouter aux votes de la Nupes, la motion de censure de la gauche a recueilli 239 suffrages. Loin, certes, des 289 voix (la majorité absolue) nécessaires à son adoption. Mais dans ces conditions, les 62 députés LR auraient pu changer la donne et faire tomber le gouvernement en s’associant aux autres partis d’opposition. Ce qu’ils se sont bien gardés de faire. « Les Republicains sont la bouée de sauvetage du gouvernement. Cela clarifie les choses », lance le député RN Sébastien Chenu. Réponse du patron des députés LR, Olivier Marleix, flairant le piège politique : « On les laisse dans leur union du désordre. Nous avons une colonne vertébrale, nous ! On n’est pas là pour participer à des enfantillages de ce genre. »

Pour le Rassemblement national, ce choix de voter la motion de censure de la gauche permet aussi de poursuivre sa stratégie de recherche de respectabilité. « Nous avions dit que nous ne nous interdisions rien. Nous sommes des gens ouverts », assume Sébastien Chenu. « Cela démontre que nous ne sommes pas sectaires, que notre seule boussole est l’intérêt de la France et des Français », a également insisté Marine Le Pen, n’hésitant pas à dénoncer en retour « le sectarisme » de la Nupes. « Marine Le Pen envoie aussi un message aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, ceux qui veulent en finir avec Emmanuel Macron. Si elle est encore au second tour dans cinq ans, elle pourra rappeler ce vote », estime Bruno Cautrès.

De leur côté, les députés de la Nupes ont choisi de ne pas voter en retour la motion du RN, « porteuse d’un projet d’extrême droite mortifère », selon les mots d’André Chassaigne, chef de file des députés communistes. Mais ils ne rejettent pas pour autant les voix venus de l’extrême droite. « Je pense que notre motion de censure mérite d’être votée largement », assure la députée LFI Raquel Garrido. « On ne trie pas les voix, même si on voit bien que c’est un coup politicien, que ça n’a rien d’honnête. C’est un mauvais coup de com' », ajoute le député LFI Louis Boyard.

Cette alliance inédite sur une motion de censure peut-elle annoncer un changement pour la suite de la législature ? « Si un jour on doit voter une motion de censure, c’est celle que nous aurons choisi de déposer. Et on ne s’interdit pas de le faire », a prévenu dimanche sur Radio J Olivier Marleix.

Si une telle motion du groupe LR venait à être déposée, une coalition des oppositions deviendrait une menace beaucoup plus concrète pour la survie du gouvernement. « J’entends madame Le Pen se rallier à la motion de censure de la Nupes. Est-ce à dire qu’une alliance peut se passer de valeurs communes, de convictions partagées et d’ambitions convergentes ? », s’est demandée la Première ministre, Elisabeth Borne, dans l’hémicycle. Pour Marine Le Pen, l’opposition à la politique du gouvernement est désormais une valeur commune suffisante.


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