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Pollution : six questions sur les Zones à faibles émissions, qui font râler des automobilistes et des élus

ZFE : trois lettres qui désignent les Zones à faibles émissions qui vont bouleverser – ou bouleversent déjà – certaines agglomérations françaises et leurs habitants. Leur but ? Réduire la pollution atmosphérique dans certains secteurs urbains. La méthode ? Interdire l’accès aux véhicules les plus polluants et les plus vieux. Le gouvernement a tenu, mardi 25 octobre, son premier comité de suivi de ces ZFE, et a notamment annoncé sa volonté de mettre en place « un contrôle sanction automatisé » par le biais de radars à partir du deuxième semestre de 2024. Pour y voir plus clair, franceinfo revient sur le sujet en six questions.

D’où viennent ces ZFE ?

Les ZFE sont prévues par la loi. Tout commune peut en créer une. Mais leur instauration est devenue obligatoire dans les secteurs urbains où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées, depuis la loi d’orientation des mobilités adoptée en 2019. La loi climat et résilience adoptée en juillet 2021 prévoit que toutes les agglomérations de plus de 150 000 se dotent d’une ZFE d’ici à 2025.

A quoi servent-elles ?

L’objectif principal de ces zones est de réduire la pollution de l’air. Les restrictions de circulation imposées aux véhicules les plus polluants visent à accélérer « le renouvellement du parc vers des véhicules moins polluants », explique le site officiel Vie publique. Elles ont également pour but d’encourager le report vers d’autres moyens de transport, plus respectueux de l’environnement.

Mi-octobre, la justice a condamné l’Etat à payer deux astreintes de 10 millions d’euros, car, malgré certaines améliorations, les seuils limites de pollution de l’air au dioxyde d’azote sont toujours dépassés dans plusieurs zones de France, notamment dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille. « Plus de 40 000 décès dans notre pays sont directement reliés à cette médiocre qualité de l’air. Un des leviers, ce sont les Zones à faible émission », a fait valoir Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, à l’Assemblée nationale, au lendemain de cette condamnation.

Où se trouvent-elles ?

Pour l’instant, les ZFE existent dans onze agglomérations. Les premières ont émergé à Lyon, à Grenoble ainsi que dans l’agglomération parisienne. La ZFE du Grand Paris est la plus grande de France, englobant les 77 communes entourées par l’A86. La liste des ZFE existantes est complétée par Aix-Marseille, Nice, Toulon, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Rouen et Reims. D’ici à 2025, 45 agglomérations d’au moins 150 000 habitants seront concernées.

Quels sont les véhicules interdits dans les ZFE ?

Ce dispositif distingue les véhicules en fonction, notamment, de leur âge, selon un calendrier national progressif. A partir du 1er janvier 2023, les véhicules Crit’Air 5 (véhicules diesel produits avant 2001) ne pourront plus circuler dans ces zones. Au 1er janvier 2024, ce sera au tour des Crit’Air 4 (diesel avant 2006), puis des Crit’Air 3 (diesel avant 2011 et essence avant 2006) le 1er janvier 2025. L’interdiction des Crit’Air 2 (tous les véhicules diesel, et les véhicules à essence produits avant 2011), devra être prise au plus tard en 2027, pour une application éventuelle en 2028.

Mais les règles sont variables selon les agglomérations, et certaines sont plus strictes que la norme nationale. Les périmètres se limitent parfois à l’hypercentre, mais englobent parfois la majorité de l’agglomération. Le rythme d’application n’est pas uniforme, tout comme les aides financières. Enfin, les deux-roues ne sont pas systématiquement visés.

La ZFE du Grand Paris s’applique ainsi aux véhicules catégorisés Crit’Air 5, 4 et non-classés (c’est-à-dire les véhicules diesel fabriqués avant 2006, et les véhicules à essence antérieurs à 1997), et restreint leur circulation du lundi au vendredi, de 8 heures à 20 heures. Les agglomérations de Lyon et Rouen bannissent depuis le 1er septembre les voitures Crit’Air 5, tout comme Marseille, qui prévoit d’effectuer des premiers contrôles début 2023. Reims interdit aussi son centre-ville aux Crit’Air 5, et bannira les Crit’Air 4 à partir du 1er janvier 2023.

A Nice, la ZFE est officiellement née le 31 janvier dans le centre et sur la promenade des Anglais, mais ne concerne pour l’instant que les poids lourds polluants. Son extension progressive aux voitures est prévue à partir du 1er janvier 2023. Toulouse a également commencé par bannir les camions, fourgons et fourgonnettes les plus polluants du cœur de l’agglomération. Les voitures et deux-roues certifiés Crit’Air 4, 5 et non-classés seront interdits à partir du 1er janvier 2023.

Strasbourg, qui disposait déjà d’une « mini ZFE » appliquée aux poids lourds dans l’hypercentre, a interdit les véhicules Crit’Air 5 et les non-classés sur tout le territoire de l’agglomération le 1er janvier. Cette première année y est considérée comme pédagogique : il n’y aura pas de verbalisation avant le 1er janvier 2023, mais des contrôles visant à expliquer la mesure.

Quelles sont les sanctions prévues ?

C’est l’objet des précisions apportées par le gouvernement cette semaine. Aucune sanction automatique n’a été prise jusqu’à présent. Mais le gouvernement compte serrer la vis. « Il faut faire le maximum pour que le contrôle sanction automatisé soit développé le plus rapidement possible », a déclaré le ministre des Transports Clément Beaune mardi, tout en appelant à ne pas attendre cette automatisation pour sanctionner.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ne ferme pas la porte au recours à des portiques ou des caméras. Pour l’instant, rien n’est tranché, le ministre déclarant que les « caractéristiques techniques des projets retenus seront présentées lorsqu’ils seront connus ».

Les contrevenants s’exposent à une contravention de troisième classe, soit une amende forfaitaire de 68 euros, précise le ministère de la Transition écologique.

Pourquoi ces zones sont-elles critiquées ?

Pour leurs détracteurs, la mise en place de ces zones va exclure des centres-villes certaines catégories de la population, notamment les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens d’acheter des voitures récentes. Une mise en garde fondée, puisque 38% des ménages les plus précaires ont une voiture Crit’Air 4 ou 5, selon l’enquête « Mobilité des personnes » réalisée par l’Insee en 2018 et 2019.

« Ce sont également les habitants des communes rurales et périurbaines qui possèdent le plus fréquemment des véhicules les plus polluants », relèvent dans leur synthèse les députés qui ont mené une « mission flash » sur « les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des Zones à faibles émissions ». « Vous allez vous retrouver avec un bazar colossal partout en France », estime la porte-parole de la Ligue de défense des conducteurs, Alexandra Legendre, interrogée mercredi sur BFMTV.

Certains élus concernés se plaignent d’être isolés. « Avec les Zones à faibles émissions, l’Etat s’est débarrassé du problème sur le dos des élus locaux », a estimé sur franceinfo Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, également vice-président de l’association France Urbaine.

« Nous demandons la réimplication de l’Etat, notamment pour accompagner les personnes les plus modestes. »

Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse

sur franceinfo

Le gouvernement assure avoir conscience du problème, et met avant ses solutions. L’exécutif a prévu des aides pour que les ZFE « ne soient pas des zones d’exclusion sociale », a assuré Clément Beaune, lundi sur franceinfo. Le ministre délégué chargé des Transports a rappelé que les Français les plus modestes bénéficieraient d’une hausse de 6 000 à 7 000 euros du bonus versé pour l’achat d’un véhicule électrique, qu’il voit comme « un encouragement important ». Le développement d’un prêt à taux zéro garanti à l’état pour se procurer un véhicule électrique, « c‘est aussi pour accompagner la mise en place » des ZFE, a-t-il fait valoir.

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Rien ne dit que ces aides individuelles suffiront. Cité par France Inter, Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble, réclame à l’Etat davantage de moyens pour développer les transports en commun comme des « RER métropolitains », des « voies de covoiturages pour ne pas être tout seul dans son véhicule » et des infrastructures pour le vélo.

Pour certains observateurs, le chemin qui mène aux ZFE s’apparente à une autoroute politiquement inflammable. « Le mouvement des ‘gilets jaunes’ est devant nous, a estimé Mathieu Flonneau, historien des mobilités, sur Public Sénat. On n’est pas à l’abri du grand refus chez les transporteurs routiers, chez les usagers ou les taxis, pour qui l’automobile est un objet de travail. »


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