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La fin du changement d’heure, un projet de l’Union européenne au point mort

Le changement d’heure a la peau dure. Cette mesure inventée pendant la Première Guerre mondiale, et reprise en Europe lors des chocs pétroliers des années 1970 pour économiser de l’énergie, représente une obligation pour les Etats membres de l’Union européenne, formalisée par une directive de 2001. Dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 octobre, comme nos voisins, nous reculerons, une nouvelle fois, nos horloges d’une heure.

Pourtant, ces dernières années, l’efficacité de cette mesure a été sérieusement remise en cause et des institutions de l’UE ont proposé d’arrêter de changer d’heure deux fois par an. Mais plusieurs facteurs ont considérablement retardé l’adoption de cette réforme symbolique.

L’abandon du changement d’heure en Europe a fait l’objet d’une consultation des citoyens entre juillet et août 2018. Lors de cette vaste enquête (4,6 millions de répondants à travers les 28 Etats membres de l’époque), 84% des votants s’étaient prononcés en faveur de cette réforme rappelle la Commission européenne sur son site. Ce sondage a également montré que le changement d’heure tous les six mois était vécu comme une expérience « négative » voire « très négative » par 76% des participants. Augmentation du nombre d’accidents de la route, économie d’énergie jugées insignifiantes, conséquences sur la santé humaine : les griefs exprimés contre le changement d’heure étaient alors nombreux.

En septembre 2018, la Commission européenne a proposé une directive visant à supprimer le changement d’heure et à harmoniser les zones horaires à l’intérieur de l’UE. Ce texte a été adopté par les députés du Parlement européen en mars 2019, avant l’étape cruciale des négociations interinstitutionnelles en octobre de la même année. Mais à en juger par la feuille de route disponible sur le site du Parlement, ces tractations sont au point mort depuis trois ans. 

Parmi les raisons citées pour expliquer le retard, figurent la gestion de la pandémie de Covid-19, puis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (votée en 2016, effective depuis le 1er janvier 2021). « Il y a un problème de bande passante, a expliqué à Euronews (article en anglais) l’eurodéputé suédois Jakop Dalunde, proche du dossier. Le système politique ne peut pas tout gérer à la fois (…) et, actuellement, l’Europe est très occupée. » 

Le gigantesque plan européen de relance post-Covid-19 et l’invasion russe de l’Ukraine depuis le 24 février ont largement accaparé les instances européennes. Aucun calendrier n’a pour l’instant été fixé pour la reprise du travail sur les zones horaires au sein de l’UE.

Heure d’été ou heure d’hiver ? Tous les acteurs ne sont pas d’accord sur l’horaire qu’il faudrait adopter en cas de fin du système. Pour aiguiller les décideurs européens, plus de 70 organisations publiques de santé ont signé la Convention de Barcelone sur les politiques horaires en octobre 2021. Cette dernière propose un redécoupage de l’Europe en quatre zones, qui verrait par exemple l’Allemagne, la Suisse et l’Italie se séparer de la France et du Benelux, en se plaçant à une heure de décalage.

Cette possible modification des fuseaux horaires européens inquiète certains acteurs économiques. Les appréhensions portent majoritairement sur le commerce et le marché commun européen, qui pourraient pâtir – au moins le temps de la transition – d’un redécoupage horaire de l’UE. Ces débats mêlant changement d’heure et économie ne se limitent d’ailleurs pas à l’Europe. Aux Etats-Unis par exemple, la question divise fréquemment les sénateurs, rapporte Politico sur son site (article en anglais), et les discussions sont parfois houleuses.

Ces partenaires économiques accepteront-ils un tel bouleversement ? Le flou reste entier, et les récentes déclarations de la Commission européenne n’apportent pas plus de précisions à ce sujet. « C’est à chaque Etat membre de décider de l’heure légale qu’il souhaite adopter », a expliqué l’institution à Euronews  en soulignant au passage que ces choix doivent idéalement tenir compte des consultations nationales et du dialogue entre pays voisins. De quoi faire durer les débats encore un bon moment.


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