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REPORTAGE. « On va avoir de nouveau de la liberté, du respect » : à São Paulo, l’explosion de joie des partisans de Lula, élu président du Brésil

Ils n’ont pas attendu la proclamation des résultats pour faire la fête sur la plus grande artère du Brésil. La soirée commence à peine, dimanche 30 octobre, mais de nombreux électeurs de Lula vêtus de rouge – la couleur de leur candidat – se massent déjà sur l’avenue Paulista, à Sao Paulo. Des drapeaux brésiliens flottent dans les airs, dans l’attente du résultat définitif. Les visages sont confiants, à l’heure où plus de 90% des votes ont été dépouillés. Le décompte, suivi minute par minute, donne Lula en tête, de très peu, pour retrouver le pouvoir.

Sur l’avenue, des sympathisants du leader de gauche font le signe « L » de la main, symbole de « Lula ». Ils ne cessent de chanter « Il est l’heure que Jair s’en aille ! » ou « Dehors, dehors Bolsonaro ! », euphoriques d’entrevoir la fin de quatre années d’extrême droite. « Lula président ! », scande une foule de plus en plus grande sous de premiers feux d’artifice. Il est un peu moins de 20 heures, heure locale, quand l’annonce est désormais officielle : Luiz Inácio Lula da Silva est élu président avec 50,9% des voix, contre 49,1% pour l’actuel locataire du palais de l’Aurore à Brasilia. Le retour au pouvoir de Lula fait exploser de joie ses sympathisants. 

« C’est une victoire historique pour le pays ! On a réussi à faire partir Bolsonaro », savoure Fabiano Ventura, casquette rouge sur la tête et cape représentant Lula sur le dos. « Je me sens très heureux, j’ai pleuré, j’ai prié… Je me suis mis à genoux », décrit-il, saluant la victoire « de l’amour sur la haine ». Le militant, qui affiche son soutien à Lula de la tête aux pieds, assure que sa tenue lui a valu quelques menaces dimanche. Electeur du leader de la gauche depuis ses 16 ans, il est convaincu que le nouveau dirigeant du Brésil, qui récupère « un Etat en faillite », « va y arriver ». 

Fabiano Ventura célèbre la victoire de Lula sur l'avenue Paulista à Sao Paulo (Brésil), le 30 octobre 2022.  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Fabiano Ventura célèbre la victoire de Lula sur l'avenue Paulista à Sao Paulo (Brésil), le 30 octobre 2022.  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Près de lui, Alex Carlos da Silva et son mari, Fabio Pates Silveira, confient, émus, se sentir « libres » après la victoire de la gauche face à l’extrême droite. « On va avoir de nouveau de la liberté, du respect, ça va tout changer ! », s’enthousiasme Alex. Selon lui, les années Bolsonaro ont été celles d’un regain de violence, d’une « persécution » des minorités. Le président brésilien a tenu des propos ouvertement homophobes au cours de son mandat. Alors, en ce dimanche soir de victoire, « on va faire la fête », sourit ce trentenaire. 

Alex Carlos da Silva et son mari, Fabio Pates Silveira, le 30 octobre 2022 sur l'avenue Paulista à São Paulo (Brésil).  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Alex Carlos da Silva et son mari, Fabio Pates Silveira, le 30 octobre 2022 sur l'avenue Paulista à São Paulo (Brésil).  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

De nombreux Brésiliens célèbrent la victoire de leur candidat bière à la main sur l’avenue Paulista, continuant de brandir des drapeaux brésiliens. Une manière de se réapproprier les couleurs nationales, devenues ces dernières années un symbole du camp adverse. A quelques mètres de là, une jeune Brésilienne aux lèvres et paupières teintées de rouge, Samantha Mainine, trinque au Lambrusco. Elle est venue avec son ami Lorenzo Prudente, qui confie n’avoir « pas été aussi heureux depuis longtemps ». « Le bolsonarisme est un cancer », lâche ce jeune homme transgenre, qui raconte avoir subi discriminations et menaces ces dernières années. Samantha, elle, se sent « totalement soulagée » par l’issue de l’élection, même si « à partir de maintenant, on a beaucoup de choses à reconstruire ». A ses yeux, la tâche de Lula s’annonce immense.

Des sympathisants de Lula font flotter dans les airs un drapeau brésilien, le 30 octobre 2022, sur l'avenue Paulista à Sao Paulo (Brésil).  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Des sympathisants de Lula font flotter dans les airs un drapeau brésilien, le 30 octobre 2022, sur l'avenue Paulista à Sao Paulo (Brésil).  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Alice Rocha Gonçalves, jeune psychologue venue avec sa mère sur la « Paulista », est elle aussi « soulagée » grâce à « ce moment d’espoir », mais « il va falloir beaucoup lutter ». Lutter contre le retour de la faim au Brésil, pour l’éducation et la santé, et pour « que les gens arrêtent d’être dégoûtés des politiques publiques ». « Cela va être le travail de la gauche », avertit la Brésilienne de 25 ans. 

Au fil de la soirée, des feux d’artifice ne cessent d’être tirés pour marquer la victoire de la gauche. Daphne Carvalho, vêtue comme tant d’autres d’un tee-shirt rouge, est venue en famille pour l’occasion, « très heureuse » de la fin des années Bolsonaro. « C’est un grand moment d’euphorie, mais j’ai peur de la manière dont Bolsonaro et ses partisans peuvent réagir », s’inquiète cette retraitée de l’éducation, qui estime qu’elle « pourrait se faire attaquer ce soir par des gens n’acceptant pas la défaite ». Les prochains mois s’annoncent « difficiles », car d’après elle, le président sortant pourrait tenter de « saboter des choses » tant qu’il est au pouvoir, jusqu’au 1er janvier. Mais « pour l’instant, c’est un soulagement ».

Des militants écoutent le discours de Lula sur l'avenue Paulista, à Sao Paulo (Brésil), le 30 octobre 2022.  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Des militants écoutent le discours de Lula sur l'avenue Paulista, à Sao Paulo (Brésil), le 30 octobre 2022.  (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

La foule de militants, un temps plus dispersée au cours de la soirée, reprend davantage forme quand son président apparaît sur le trilho, sorte de char d’où Lula tient son discours de victoire, peu après 23 heures. Nouvelle explosion de joie quand le public entend la voix rauque de son leader, « le guerrier du peuple brésilien », comme elle le scande.

De nombreux téléphones se lèvent pour immortaliser l’instant. « Ce n’est pas ma victoire, la victoire du Parti des travailleurs. C’est une victoire de tous les hommes et les femmes qui aiment la démocratie », clame avec ferveur Lula, évoquant ensuite « la victoire du peuple brésilien ». Et aussi, sur un ton plus personnel, « la plus belle de [ses] victoires ». « C’est comme une résurrection », lance-t-il à une foule conquise. Certains dansent, sautent de joie. D’autres se prennent en selfie ou se serrent dans les bras. « On a vécu quatre années horribles », souffle Marcelo Bonfim. Lula, ce soir, « a dit ce qu’il fallait dire ».


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