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Coupe du monde 2022 : les autres sélections présentes au Qatar en font-elles plus que les Bleus pour défendre les droits humains ?

« Quelque chose sera mis en place, vous serez mis au courant en temps et en heure. » Les joueurs de l’équipe de France n’ont pas tardé à lever le voile après les déclarations cryptiques de leur capitaine, Hugo Lloris, lundi. Ils vont « soutenir les ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains », par l’intermédiaire d’un fonds, ont-ils annoncé dans une lettre ouverte, mardi 15 novembre, à la veille de leur départ pour le Qatar. « Notre passion ne doit pas être la cause du malheur de certains », écrivent-ils dans ce texte commun, affirmant leur volonté de « rappeler [leur] attachement au respect des droits humains et [leur] refus de toute forme de discrimination ».

>> Coupe du monde 2022 : comment la FFF a détourné le regard sur le terrain des droits humains au Qatar

Cette initiative survient après une série de déclarations plus timorées au sujet de l’organisation du Mondial au Qatar, critiqué pour son bilan climatique, les conditions de travail des ouvriers dans le pays et le non-respect de certains droits humains dans le pays. Le sélectionneur Didier Deschamps a plusieurs fois refusé de s’exprimer sur le sujet, renvoyant ses joueurs à leur liberté de parole. Le président de la FFF, Noël Le Graët, a été critiqué par la ministre des Sports après une réaction jugée trop légère après les révélations de « Complément d’enquête » sur le traitement des employés de l’hôtel des Bleus. Enfin, lundi, Hugo Lloris a annoncé qu’il ne porterait pas au Qatar le brassard de capitaine aux couleurs arc-en-ciel, symbole de défense des droits des personnes LGBTQI+, au nom du « respect » de la « culture » du pays hôte. Un brassard qui sera porté par d’autres leaders des sélections. Franceinfo vous résume comment d’autres équipes abordent la situation au Qatar.

Plusieurs nations porteront un brassard contre les discriminations

Les capitaines de plusieurs sélections devraient porter au Qatar un brassard orné d’un cœur multicolore. Si ce symbole ne reprend pas les couleurs du drapeau arc-en-ciel symbolisant la fierté des personnes LGBTQI+, il est notamment destiné à soutenir les droits de ces dernières, et plus largement des victimes de toutes discriminations.

Lancé en 2020 aux Pays-Bas, après une proposition d’un groupe de travail de l’UEFA lié au Mondial 2022, le brassard a été porté en septembre par les capitaines de neuf sélections, dont sept qualifiées pour le tournoi. Si Hugo Lloris a annoncé qu’il ne le porterait pas au Qatar, ses homologues des équipes d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique, du Danemark, des Pays-Bas, du pays de Galles et de la Suisse devraient le faire.

De leur côté, les Etats-Unis ont choisi d’orner leur centre d’entraînement et leur salle de presse au Qatar d’une version multicolore de leur badge. « Notre groupe croit à l’inclusivité », a expliqué le gardien Sean Johnson.

« Quand nos sommes sur la scène mondiale, et dans un lieu comme le Qatar, il est important d’attirer l’attention sur ces questions », juge le sélectionneur américain  Gregg Berhalter. Il estime que le pays hôte a fait « des tonnes de progrès », mais qu’il reste « du travail ».

L'équipe nationale d'Allemagne embarque pour le Qatar à bord d'un avion portant le message "la diversité gagne", à Francfort, le 14 novembre 2022. (BORIS ROESSLER / DPA / AFP)

L'équipe nationale d'Allemagne embarque pour le Qatar à bord d'un avion portant le message "la diversité gagne", à Francfort, le 14 novembre 2022. (BORIS ROESSLER / DPA / AFP)

L’Angleterre et l’Allemagne sont par ailleurs arrivées au Qatar dans des avions à la décoration très symbolique. L’appareil des Anglais était baptisé « Rainbow » (« arc-en-ciel ») et orné d’un personnage avec des chaussures multicolores, tandis que celui des Allemands portait le slogan « Diversity Wins » (« La diversité gagne »). Toutefois, dans les deux cas, ce sont les compagnies (Virgin Atlantic et Lufthansa) qui ont choisi d’envoyer ces messages.

L’Australie a appelé à des réformes

Premiers adversaires des Bleus, les Australiens les ont devancés en s’exprimant sur les droits humains au Qatar dans une vidéo (en anglais) mise en ligne le 26 octobre. Une dizaine de joueurs des « Socceroos » y lisent un message, filmés en noir et blanc, dans lequel ils expliquent avoir échangé depuis deux ans avec des travailleurs migrants et des organisations. « Nous avons appris que la décision d’organiser la Coupe du monde au Qatar a eu pour résultat la souffrance d’un nombre incalculable de travailleurs », explique l’un d’eux. 

Les joueurs mentionnent dans leur message « les progrès faits » par le Qatar, mais aussi l’implémentation « inégale » des réformes annoncées par l’émirat. Ils plaident pour de nouvelle mesures : « L’établissement d’un centre de ressources pour les migrants, des réparations concrètes pour ceux dont les droits ont été niés, et la décriminalisation de toutes les relations entre personnes de même sexe. » 

Les Australiens ne prévoient pas d’autres actions lors de la compétition, a expliqué leur capitaine, Mitchell Duke, lundi : « Ce que nous avons dit dans cette vidéo a été dit, ce qui devait être entendu a été entendu, et maintenant très franchement, nous nous occupons juste de football. »

Pas de message sur le maillot du Danemark, mais…

L’équipe du Danemark, autre adversaire des Bleus, souhaitait s’entraîner au Qatar avec des maillots portant l’inscription « Human Rights for All » (« Droits humains pour tous »). Mais la Fédération internationale de football (Fifa) a rejeté cette demande, ont annoncé les Danois le 10 novembre. Les règles en vigueur interdisent aux équipes d’arborer des slogans politiques. Le patron du football danois, Jakob Jensen, estimait quant à lui que le message « n’était pas très politique, dans le sens où il pouvait recevoir le soutien de tout le monde ».

Le Danois Christian Eriksen portant un maillot noir aux logos obscurcis, choisi en vue du Mondial au Qatar, le 22 septembre 2022 à Zagreb (Croatie). (DARKO BANDIC / AP / SIPA)

Le Danois Christian Eriksen portant un maillot noir aux logos obscurcis, choisi en vue du Mondial au Qatar, le 22 septembre 2022 à Zagreb (Croatie). (DARKO BANDIC / AP / SIPA)

Les Scandinaves se plieront à l’interdiction. Les joueurs ont « décidé de [se] concentrer sur le football » sur place. Pour autant, leur tenue au Qatar n’est pas anodine : leurs nouveaux maillots arborent des logos estompés, qu’il s’agisse de celui de l’équipe nationale ou de l’équipementier danois Hummel. « Nous ne souhaitons pas être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes », a expliqué la marque, qui a également choisi d’ajouter une tunique noire, « la couleur du deuil », aux maillots rouges et blancs habituels.

Les Pays-Bas et l’Angleterre rencontreront des ouvriers

Les joueurs des Pays-Bas et de l’Angleterre n’auront pas que du football à leur programme. Ils rencontrent jeudi des travailleurs étrangers qui ont participé à l’organisation de cette Coupe du monde. « Le fait que nous soyons prêts à le faire vous en dit long sur les idées de notre fédération et de notre équipe », a commenté le sélectionneur néerlandais, Louis Van Gaal, très critique à l’égard de l’attribution du Mondial au Qatar. Ces deux entretiens ne se font cependant pas aux dépens du pays hôte, puisqu’ils ont lieu dans le cadre d’un programme organisé par le Qatar et la Fifa.

La Fédération néerlandaise de football a également annoncé (contenu en anglais) qu’elle vendrait aux enchères les maillots portés par les joueurs au Mondial, comme elle l’a déjà fait après deux rencontres en septembre. L’argent récolté sera utilisé « pour améliorer la situation des travailleurs migrants au Qatar », affirme l’organisation, bien qu’elle n’ait pas précisé de quelle manière.

Huit nations ont critiqué l’appel de la Fifa à éviter les déclarations politiques

Le président de la Fifa, Gianni Infantino, et sa secrétaire générale, Fatma Samoura, ont adressé début novembre une demande claire aux 32 équipes qualifiées pour le Qatar, dans un courrier révélé par un média britannique : « S’il vous plaît, concentrons-nous maintenant sur le football. (…) Ne laissez pas le football être entraîné dans chaque bataille idéologique ou politique. »

Un avertissement auquel ont répondu publiquement dans une lettre ouverte huit nations qualifiées (Belgique, Danemark, Angleterre, Allemagne, Pays-Bas, Portugal, Suisse et pays de Galles), ainsi que la Suède et la Norvège (non qualifiées). Ces fédérations assurent qu’elles vont « continuer de soutenir la dynamique en faveur d’un changement positif et progressif » et de « faire pression » pour deux mesures : la mise en place d’un « fonds de compensation pour les travailleurs migrants » et la création d’un « centre pour les travailleurs migrants » à Doha.


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