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Mort de Morgan Keane : « Ce qu’on attend de ce procès, c’est une suspension à vie du permis de chasser », revendique une de ses amis

Près de deux ans après la mort de Morgan Keane, tué par balle à l’âge de 25 ans, le chasseur auteur du tir est jugé à Cahors (Lot), jeudi 17 novembre. L’homme, qui avait expliqué avoir confondu le jeune homme avec un sanglier est poursuivi pour homicide involontaire, de même que le directeur de battue. « Ce qu’on attend de ce procès, c’est une suspension à vie du permis de chasser » du tireur, déclare sur franceinfo Léa Jaillard, une amie de Morgan Keane. La co-fondatrice du collectif Un jour un chasseur qui milite pour une évolution de la législation sur la chasse, attend que les « responsabilités collectives » soient mises en lumière.

franceinfo : L’enquête a établi que le chasseur avait tiré à une distance de plus de 80 mètres et qu’il ne voyait pas précisément sa cible. Qu’attendez-vous de ce procès ?

Léa Jaillard : Les règles de sécurité n’étaient manifestement pas respectées ou en tout cas pas suffisantes. Ce qu’on attend de ce procès, c’est une suspension à vie du permis de chasser. Pour nous, c’est la mesure clé, parce que c’est une sanction qui n’est jamais prononcée par des chasseurs et on considère qu’on n’a pas le droit à l’erreur à partir du moment où on a dans les mains une arme dont la portée est à plus de 3 km et qui est mortelle.

Le chasseur est jugé pour « homicide involontaire », l’organisateur de la battue aussi. S’agit-il d’une responsabilité collective, selon vous ?

Oui, dans ce qu’il s’est passé ce jour-là et dans ce qu’il se passe en général en fait dans les actions de chasse. C’est ce qu’on essaie de montrer et de défendre depuis deux ans. Bien sûr, il y a une responsabilité individuelle, c’est le chasseur qui a tiré, mais il y a aussi une responsabilité du directeur de battue et des collègues de battue qui étaient là et qui avaient leur responsabilité dans le positionnement et dans le fonctionnement de la partie de chasse.

Pour nous, ça va bien plus loin parce que tous ces incidents, ces accidents qui ont été banalisés pendant des années sont aussi le fait que l’État n’a jamais pris de mesures contre ça.

Léa Jaillard

à franceinfo

Pour nous, si des gens qui ont le pouvoir de prendre des mesures ou d’écrire des lois pour que ces accidents cessent ne le font pas, ils sont aussi complices et responsables de ces morts.

La fédération de chasse du Lot appelle à ne pas faire le procès de la chasse et s’est constituée partie civile. Qu’en pensez-vous ?

C’est ce qu’ils font tout le temps. Ils accusent le chasseur responsable et ils se portent partie civile dans ces procès pour montrer qu’ils ont aussi été touchés par le drame et que ça leur a porté préjudice. Ça les déresponsabilise complètement. Nous, ce qu’on veut montrer, c’est que les responsabilités sont partagées. Il y a un problème dans le système de la chasse en tant que tel et il faut le réformer en profondeur. Ce n’est pas un individu de temps en temps qui est responsable.

Pourquoi votre collectif Un jour un chasseur recense-t-il les chiffres des accidents de chasse, alors qu’il y a déjà des chiffres officiels ?

On s’est rendu compte après la mort de Morgan qu’il y avait beaucoup de gens qui parlaient, qu’on n’avait jamais entendu et on s’est demandé où ils étaient, comment ça se faisait qu’on ne savait pas que ces gens-là existaient, qu’on n’avait pas conscience de l’ampleur du problème. C’est comme ça qu’on a eu l’idée de recueillir des témoignages.

Les victimes n’osent pas porter plainte, tout simplement, ou elles le font mais les gendarmes leur disent que ça ne servira à rien parce que ce n’est pas vraiment un délit, ou encore les plaintes sont classées sans suite, c’est très très fréquent.

Léa Jaillard

à franceinfo

On n’a pas recensé le nombre exact de témoignages que l’on reçoit mais en moyenne, en saison de chasse, on en reçoit entre 30 et 40 par semaine sur tous nos réseaux.

Vous militez pour l’interdiction de la chasse les mercredis et les dimanches. Certains chasseurs, qui travaillent en semaine, ne pourraient plus chasser. Comprenez-vous que cela leur pose problème ?

Non. On leur répond qu’on est 98% de la population à aussi ne pas travailler le dimanche et à vouloir aller se promener dans la nature. Le calcul est vite fait. Nous, on ne peut pas partager l’espace avec des gens qui sont armés et dangereux et dont les armes vont à plus de 3 km. Ce n’est pas possible, on n’est pas en sécurité.

Le gouvernement réfléchit à instaurer un délit d’alcoolémie pour les chasseurs à partir de la prochaine saison. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Oui mais ça reste une mesure de bon sens et ça montre à quel point il y a des failles jusqu’à maintenant quand on pense que ça, ce n’est pas encore appliqué. C’est très bien mais ce n’est pas suffisant pour nous.


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