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Présidence des Républicains : Bruno Retailleau, le souverainiste qui veut rompre avec « la droite du passé »

Le sénateur de Vendée reste dans la course pour devenir le nouveau patron de LR face à Eric Ciotti, favori du scrutin, dont le premier tour commence samedi.

« Je suis le candidat de la rupture. La rupture avec le passé, qui est pour moi souvent un passif. » Bruno Retailleau compte dégainer ce slogan jusqu’aux dernières heures de la campagne. C’est devenu la marque de fabrique de sa candidature à la présidence des Républicains. Le premier tour de l’élection débute samedi 3 décembre à 18  heures. Les résultats seront proclamés dimanche soir. 

Face à ses deux rivaux, le grand favori Eric Ciotti et le challenger Aurélien Pradié, le sénateur de Vendée espère au moins provoquer un second tour, qui se tiendrait la semaine suivante. Et, pourquoi pas, créer la surprise.

Malgré les vents contraires, le président du groupe LR à la Chambre haute reste intimement convaincu qu’il est le seul à pouvoir encore relever une droite en danger de mort et ainsi faire oublier les douloureux 4,78% de Valérie Pécresse à la présidentielle.  » Sur les sujets régaliens comme la sécurité, je suis d’accord qu’il n’y pas beaucoup de différences avec les propositions d’Eric Ciotti. Mais en revanche, il est seul aujourd’hui à parler de projet de civilisation et à défendre l’identité française », avance auprès de franceinfo le sénateur LR du Nord, Marc-Philippe Daubresse, qui soutient la candidature de Bruno Retailleau.

« L’heure est venue, celle d’une rupture franche avec la double impasse qui nous amène là où nous sommes aujourd’hui : l’entre-soi des décisions et l’entre-deux des convictions »

Bruno Retailleau, candidat à la présidence de LR et sénateur de Vendée

à franceinfo

Souverainiste assumé, Bruno Retailleau n’est pas issu de la droite classique et il a décidé d’en faire une force. Encarté à l’UMP puis aux Républicains depuis 2012, le Choletais de 62 ans a fait ses premiers pas en politique dans l’ombre de Philippe de Villiers. L’ancien candidat à la présidentielle le repère à l’âge de 16 ans . Ce dernier participe en tant que cavalier bénévole au spectacle du Puy-du-Fou créé par son futur mentor, comme le raconte Le Point . Une parfaite entente va naître entre les deux hommes. Sans hésiter, le baron vendéen lui confie alors la mise en scène de la Cinéscénie, le show nocturne du site, puis la présidence du Grand Parcours du Puy-du-Fou, la société qui gère le célèbre parc d’attractions.

A 28 ans, le protégé du patron du Mouvement pour la France (MPF) est logiquement propulsé conseiller départemental de Vendée et fait son entrée cinq ans plus tard à l’Assemblée nationale. Mais la relation fusionnelle qu’entretient l’élève avec son maître subit un soudain coup d’arrêt en 2009. La raison ? Le souhait de François Fillon, alors Premier ministre de Nicolas Sarkozy de nommer Bruno Retailleau au poste de secrétaire d’Etat à l’Economie numérique. Philippe de Villiers s’y oppose fermement. « Il a prétexté que cette nomination allait parasiter sa campagne pour les élections européennes, alors qu’en fait il a surtout senti que Bruno lui échappait », raconte à franceinfo un ténor des Républicains.

Devenu entre-temps président du conseil départemental de Vendée et sénateur, Bruno Retailleau n’entre pas au gouvernement, mais décide de prendre son envol. Il devient un fidèle de François Fillon, notamment lors de sa candidature à la présidentielle en 2017. Il se rapproche également du président du Sénat, Gérard Larcher, avec lequel il a l’habitude de participer à des parties de chasse dans les Yvelines, comme le rapporte L’Opinion (article pour les abonnés). Le soutien apporté par le deuxième personnage de l’Etat à la candidature Retailleau cet été était donc attendu, tout comme celui d’une grande majorité de sénateurs LR.

Tout en s’éloignant de Philippe de Villiers, Bruno Retailleau s’impose malgré tout comme une figure de la droite dure. Sur les questions sociétales, ce père de trois enfants est l’un des principaux opposants en 2012 au « mariage pour tous », qu’il considère à l’époque comme « le cheval de Troie » pour ensuite voter en faveur de la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui) . Sur l’immigration, il enchaîne aussi les propositions choc. Au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, commis en 2020 par un citoyen russe d’origine tchétchène qui avait bénéficié du statut de réfugié accordé à ses parents alors qu’il était mineur, il propose d’organiser un référendum pour sonder les Français sur le regroupement familial. 

Dans son programme pour la présidence du parti, l’ancien président du conseil régional des Pays de la Loire reste sur la même longueur d’ondes. Dénonçant dans ses tracts de campagne « l’ensauvagement et l’immigration de masse », il réclame de « courtes peines de prison dès les premiers délits ». Contre « l’assistanat et le ‘quoi qu’il en coûte' », il souhaite mettre en place « une allocation sociale unique plafonnée à 75% du smic », « la fin des 35 heures par le référendum d’entreprise » ou encore « la débureaucratisation de l’Etat »

« Contre le wokisme et l’islamo-gauchisme nous voulons défendre nos modes de vie et lutter contre le communautarisme. »

Bruno Retailleau, sénateur et candidat à la présidence des LR

dans son programme

Sa ligne politique s’oppose à celle prônée aujourd’hui par Nicolas Sarkozy, qui souhaite un rapprochement des Républicains avec Emmanuel Macron. Pour appuyer sa volonté de « rupture avec cette droite du passé », le sénateur a cosigné (avec François-Xavier Bellamy et Julien Aubert) en octobre une tribune dans L’Express . Il y égratigne les bilans des deux derniers présidents issus de son camp, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Pour le candidat vendéen, la droite a manqué de « courage » sous les mandats du premier, tandis que rien n’a « vraiment été assumé jusqu’au bout » lors du quinquennat du second.

Ses soutiens considèrent la rupture avec le camp sarkozyste comme un habile coup politique. Les militants restés au parti attendaient, selon eux, qu’un candidat dénonce le double jeu de l’ancien chef de l’Etat avec le pouvoir macroniste.

En outre, il se différencie ainsi d’Eric Ciotti. « Retailleau est un souverainiste, alors que Ciotti est un sarkozyste. La différence, c’est que le premier a voté non au traité de Lisbonne et qu’il a compris que pour réguler l’immigration, il faut s’abstraire des jurisprudences contraignantes de l’Union européenne », confie à franceinfo un ancien parlementaire qui le soutient. Un autre de ses proches abonde : « Cela ne sert à rien de dire comme Eric Ciotti qu’on veut renvoyer les gens massivement chez eux si après vous avez la Cour européenne des droits de l’homme qui vous dit que ce n’est pas possible. »

Alors qu’approche un moment décisif pour la suite de sa carrière, Bruno Retailleau cherche toujours à incarner la candidature de la rupture. « La marque Les Républicains est morte », a-t-il martelé fin octobre dans un entretien accordé au JDD. Il souhaite s’il est élu, « construire un parti populaire et patriote capable de rassembler tous les électeurs de droite » en « le rendant à ses militants ». Quant à la question de la présidentielle de 2027, le chef des sénateurs LR préfère la trancher après les élections européennes de 2024 . De quoi se démarquer là encore d’Eric Ciotti, qui souhaite voir Laurent Wauquiez déclarer sa candidature dans la course à l’Elysée dès l’année prochaine.


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