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REPORTAGE. « S’il meurt, moi, je fais quoi ? » : en Seine-Saint-Denis,le 115 est saturé face auix demandes d’hébergement d’urgence

À chaque appel pris en charge par le Samu social, le mot « saturation » arrive rapidement dans la conversation. « Madame, s’il meurt, moi, je fais quoi ?« , implore une femme à l’autre bout du fil. « On essaye de faire au mieux pour avoir de la place pour tout le monde, c’est juste qu’on a très peu de place« , tente d’expliquer Aïssatou. « Nous sommes saturés« , finit-elle par admettre. Le 115 du 93 reçoit entre 1 500 et 2 000 appels par jour. Les écoutants peuvent décrocher, au maximum, 500 appels seulement. Quand Aïssatou a pris son service à 15h, il y en avait déjà 350 en attente.

>>En Seine-Saint-Denis, le nombre de personnes sans-abri atteint un nouveau record

A 20h08, ce père de famille finit par entendre l’opératrice. Il est à la rue avec ses trois enfants. « Vraiment, je suis coincé« , lâche-t-il dans un souffle. La journée, les petits sont à l’école mais il n’a aucune solution pour la nuit. « Vraiment, c’est une catastrophe« , confie-t-il. À lui seul, cet homme a déjà cumulé vingt « DMP ». Trois lettres pour « demandes non pourvues ». Aïssatou tente de trouver une solution, mais sur son écran, le même message s’inscrit inlassamblement : absence de place disponible. Sur son ordinateur, il y a également un décompte. Rien pour la journée qui vient de s’écouler : 1 506 appels abandonnés. « C’est simple, c’est limite on leur ment. Enfin, on leur donne un espoir. Nous aussi on a espoir, mais pas longtemps : on sait que par la suite, en fait on n’a pas de place« , regrette Aïssatou.  

Cette situation s’explique d’abord par le manque de nuitées d’hôtel et comme le souligne Valérie Publiant, la directrice du service d’accueil et d’orientation des appels en Seine-Saint-Denis, par un changement de politique de l’Etat.

« Depuis 2021, le gouvernement a souhaité sortir de ce qu’il appelle la gestion au thermomètre. Et donc, on n’a plus recours à la mise en place de structures temporaires hivernales. »

Valérie Publiant à franceinfo

Ces places temporaires étaient essentielles. « Elles ouvraient en novembre et fermaient au milieu de l’année suivante en général, et cela nous permettait d’augmenter notre capacité d’accueil pendant plus de six mois« , précise-t-elle.

La détresse se constate également dans la rue. Comme à Saint-Ouen, avec ici la détresse d’un homme qui dort près d’un local à poubelles depuis un mois. « Tous les jours, depuis le matin jusqu’au soir, il n’y a pas de 115« , lance-t-il impuissant. Faute de place d’hébergement, il reste les maraudes et le café chaud de l’association Abri, dont Alexandre Thomas fait partie. « Les personnes baissent les bras et ça devient aussi compliqué pour les travailleurs sociaux qui sont en maraude et ceux des accueils de jour. Ça devient difficile aussi d’insuffler de l’espoir parce que nous-mêmes on sait qu’ils obtiendront souvent très peu de solutions« . Et même quand il y a des solutions d’hébergement, elles sont de plus en plus souvent pour de courtes durées.

Le Samu social 93 est totalement saturé

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