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Mbappé-Messi : et c’est le Qatar qui gagne à la fin

Dimanche après-midi, à 16 heures, lors du coup d’envoi de la finale Argentine-France, on voudrait bien être dans la tête de Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG. À quoi va-t-il penser chaque fois que son joueur Lionel Messi sera en position de marquer ? Même question dès que Mbappé débordera ou se mettra à slalomer. L’enthousiasme sera-t-il chez lui tout aussi marqué ? En tout cas, quel que soit le résultat, Al-Khelaïfi sera un des grands gagnants, car le joueur emblématique de l’équipe victorieuse sera une des figures de proue de son club parisien. Il ne pouvait donc pas rêver meilleure finale pour une Coupe du monde organisée par son pays, le Qatar.

Si l’équipe nationale a vite disparu de la compétition après trois défaites, l’autre softpower de l’émirat fait carton plein avec l’affiche de dimanche qui sanctionne le succès de la stratégie qatarie. Fait troublant quand on songe que ces deux succès diplomatiques du Qatar sont liés à un même rendez-vous avec Nicolas Sarkozy en 2010.

Passage de relais ?

Gageons qu’avant le début de la compétition le président du PSG avait rêvé d’une combinatoire de trois finales possibles avec ses trois stars : Brésil-Argentine (Neymar contre Messi), Brésil-France (Neymar contre Mbappé) et France-Argentine (Messi contre Mbappé). La première hypothèse aurait enflammé l’Amérique du Sud où la rivalité entre les deux pays est presque séculaire. La deuxième aurait proposé une revanche de la finale de 1998, et soyons certains qu’on aurait ressorti les anciens accrochages au PSG – le pénaltygate notamment – entre le Bondynois et Neymar.

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L’affiche de dimanche, après la victoire des Français contre le Maroc en demi-finale, ajoute un autre piment : l’affrontement entre deux générations, un éventuel passage de relais entre les deux joueurs pour la suprématie mondiale et la récompense du prochain Ballon d’or qui sera très certainement attribué à l’un des deux, selon le résultat. Comme pour mieux illustrer cette rivalité, les deux joueurs sont à présent à égalité, et en tête, au nombre de buts marqués dans cette compétition, cinq au total, Messi devançant Mbappé d’une unité pour le nombre de passes décisives.

Réparer une anomalie

Si l’Argentine l’emporte, ce sera certainement grâce à Messi qui a fait du Qatar sa terre de mission avant sa retraite internationale, son chant du cygne, son dernier tour de piste, lui, qui n’a jamais remporté de Coupe du monde, à la différence de son glorieux aîné, Maradona. Des bruits commencent à circuler que la Fifa préférerait voir triompher l’Argentine pour que le trophée soit enfin soulevé par un des meilleurs joueurs de l’histoire du football. Mbappé est encore jeune et il en a déjà soulevé un. L’Histoire peut donc peser lourd dans cette finale qui serait en somme l’occasion de réparer une anomalie.

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Certains soulignent déjà l’arbitrage « maison » dont a bénéficié l’Albiceleste en quarts et en demi. La Pulga n’a pas écrasé la compétition de son génie – 4 de ses 5 buts ont été marqués sur pénalty – mais il a démontré qu’il était revenu à son meilleur niveau dans une équipe entièrement dévouée à sa cause. C’est évidemment la dernière occasion pour Messi et il faut craindre onze joueurs argentins animés d’une détermination inouïe – l’Argentin en temps ordinaire n’a déjà guère besoin de motivation pour se transformer en guerrier. L’investissement émotionnel et symbolique de l’Argentine dans ce sport a de très profondes racines et renvoie à l’échec géopolitique d’un pays qui avait tout pour réussir et qui se retrouve au fond de la classe, réduit à régner sur un rectangle vert où il continue d’être très bon. Meilleur buteur, meilleur passeur, meilleur joueur : dimanche sera peut-être le triomphe de la Puce qui va tout rafler.

L’égal de Pelé

En face, son coéquipier au PSG Mbappé qui s’entend mieux avec lui qu’avec Neymar. Jusque-là, Mbappé a rempli son contrat sans non plus éclabousser la compétition de son talent hormis contre la Pologne. On a davantage souligné les performances de Giroud et de Griezmann, ce qui sera peut-être pour lui une excellente motivation pour se dépasser en finale. L’Histoire aussi est en marche pour celui qui fêtera son 24e anniversaire mardi. Il peut devenir avec Pelé le plus jeune joueur à gagner deux Coupes du monde. Faire entrer la France dans le club très fermé des pays qui l’ont remportée à deux reprises, après l’Italie et le Brésil.

Plus de onze années séparent les deux joueurs. La durée d’une carrière. Autrement dit, un gouffre. L’un vit son crépuscule qu’il illumine de très beaux restes dont se contenteraient tous les autres joueurs. L’autre est en passe d’atteindre son zénith. Chaque équipe a son plan anti-Messi ou anti-Mbappé. Cette focalisation confirme le star-system que le football a porté à incandescence. Soyons certains que les deux joueurs se serreront la main avec le respect mutuel qui caractérise leur relation.

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S’il fallait se mouiller, nous mettrions une pièce sur Messi qui, davantage que son cadet, a l’expérience des très grands rendez-vous et qui ne s’est presque jamais raté dans de telles circonstances. N’oublions pas non plus que l’Argentine – et Messi – a encore en travers de la gorge la finale de 2014 où elle avait été meilleure que l’Allemagne qui l’avait finalement emportée de peu. Mais quel que soit le résultat, espérons que le réalisateur fera un plan long en tribunes sur le visage de Nasser al-Khelaifi, qui sera l’autre roi de la soirée.


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