A la Une

Football : Blaise Matuidi, la révérence d’un infatigable soldat de l’ombre

Champion du monde 2018, l’ex-milieu de terrain Blaise Matuidi a mis un terme à une carrière longue de dix-huit ans, vendredi.

« Jamais je n’aurais imaginé ça, je voulais juste être professionnel ! ». C’est par ces mots que le néo-retraité Blaise Matuidi a démarré sa vidéo d’adieu, publiée sur ses réseaux sociaux vendredi 23 décembre. Ça, c’est une Coupe du monde remportée, 84 sélections avec les Bleus et une vingtaine de trophées glanés entre Paris et la Juventus. Rien que ça. Du genre « faux-modeste », Matuidi ? Le gamin de Toulouse, fils de réfugiés angolais, sait surtout d’où il vient.

« Ça n’a jamais été facile dans la vie, on ne m’a rien donné », poursuit le désormais ex-joueur. La simple lecture de sa trajectoire sportive témoigne pourtant, à première vue, d’un destin linéaire. De Troyes à Saint-Etienne, de Paris à la Juventus avec la victoire au Mondial 2018 comme « apothéose » alors que sa carrière entamait son crépuscule, l’itinéraire est idyllique. Mais pour se frayer un chemin, « Blaisou » a dû « cravacher ». « Je n’avais pas forcément des qualités techniques au-dessus de la moyenne, alors il fallait montrer mentalement, dans l’effort ou le sacrifice », a détaillé Matuidi dans ladite vidéo, produite par Bros Stories.

Lancé en Ligue 2 à Troyes, le milieu de terrain a été pouponné par Jean-Marc Furlan. « Il a immédiatement fait l’affaire, narrait en 2018 l’ex-technicien d’Auxerre à Ouest France. Il était impressionnant dans sa capacité à harceler l’adversaire, à lire et à impacter le jeu, à se projeter et à se montrer endurant. Il avait déjà tout du grand joueur. » Ce « coffre », fruit de capacités physiques hors normes malgré son mètre soixante-quinze, a été l’attribut principal de sa réussite. 

Transféré à Saint-Etienne à vingt ans après trois saisons dans l’Aube, Matuidi s’aguerrit au sein d’un collectif mi-figue, mi-raisin. Côté pile, ce titulaire incontournable y récupère le brassard dès sa deuxième saison. « Un capitaine discret, qui ne parlait pas beaucoup, témoignait son coéquipier d’alors Sylvain Monsoreau, en 2012 pour 20 Minutes. C’est aussi le type de joueur avec qui on peut aller à la guerre. » Une mentalité bienvenue, lors d’années moroses qui voient l’ASSE flirter avec la relégation en Ligue 2.

Ces qualités lui valent les convoitises de grandes écuries et des débuts internationaux chez des Bleus traumatisés par le Mondial en Afrique du sud. Au terme d’une quatrième année de haut vol dans le Forez, Matuidi rejoint le PSG en 2011. Débarqué sur la pointe des pieds, il n’incarne alors pas la démesure « bling-bling » voulue par les nouveaux investisseurs qataris. « Beaucoup de gens étaient opposés à sa venue », témoignera plus tard Antoine Kombouaré, alors sur le banc parisien.

Blaise Matuidi, Thiago Motta et Zlatan Ibrahimovic à l'entraînement du PSG, le 27 décembre 2015. (KARIM JAAFAR / AFP)

Blaise Matuidi, Thiago Motta et Zlatan Ibrahimovic à l'entraînement du PSG, le 27 décembre 2015. (KARIM JAAFAR / AFP)

En deux temps trois mouvements, Matuidi s’impose pourtant dans la capitale. Homme de base de Carlo Ancelotti puis Laurent Blanc, il forme un trident particulièrement redouté avec Marco Verratti et Thiago Motta. « C’était presque un mur, impossible de faire sa place dans un trio comme celui-là ! », avouera d’ailleurs, sans rancune, Yohan Cabaye en 2021. L’ex-Lillois n’est pas le seul à échouer à Paris, d’autant que Matuidi ajoute une nouvelle corde à son arc. Autrefois peu enclin à se projeter, il se lâche : dès sa deuxième saison à Paris, il marque huit fois, soit autant que sur ses passages à Troyes et Saint-Etienne. 

Ces performances lui ouvrent en grand les portes de la sélection. Mature pour le haut niveau, Matuidi est un des hommes de base de Didier Deschamps. Ce dernier lui octroie même le brassard en 2013 contre l’Uruguay. « C’est un leader par rapport au rôle qu’il a sur le terrain, et son style de jeu », justifie DD. Indéboulonnable chez les Bleus, il est l’une des figures de proue des épopées du Mondial 2014 et de l’Euro 2016. Sa notoriété n’en finit plus de croître au fil de ses capes, et l’ex-Stéphanois devient une icône publie saluée par le rappeur Niska dans son tube « Matuidi Charo« . 

Le meilleur reste pourtant à venir pour Matuidi, transféré chez une Juventus tout juste finaliste de Ligue des champions à l’été 2017. Le récupérateur a mûri, et aborde le Mondial 2018 dans un rôle de faux ailier gauche inédit. Le Turinois s’éclate à gauche et est titulaire indiscutable. « Je fais de mon mieux, parfois ça marche, parfois moins », admet-il aux prémices de la finale. La postérité retient pourtant que l’ailier Matuidi emmène les Bleus sur le toit du monde.

Blaise Matuidi et Didier Deschamps lors de la finale du Mondial, le 15 juillet 2018 à Moscou. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Blaise Matuidi et Didier Deschamps lors de la finale du Mondial, le 15 juillet 2018 à Moscou. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

A-t-il attendu de savoir si d’autres lui emboîteraient le pas, quatre ans et demi plus tard, pour siffler la fin de sa propre partie ? Libre de tout contrat après trois ans réussis à Turin et une dernière danse à Miami, Matuidi n’avait, de toute façon, plus grand-chose à prouver. « Vu mon âge, je serai pas forcément en mesure de donner le meilleur de moi-même », a-t-il justement admis, sans doute conscient des limites physiques qui accompagnent ses trente-cinq printemps, dont la moitié sur des prés professionnels. Curieux clin d’œil du destin, celui qui aura toujours œuvré à l’ombre est allé chercher quelques instants la lumière pour sonner le glas de sa carrière, le premier de cette équipe de France, championne du monde en 2018, à raccrocher.


Continuer à lire sur le site France Info