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Mort de Pelé : pourquoi le Brésilien peut être considéré comme le plus grand joueur de l’histoire du football

Roi il était, Roi il restera. Pelé, disparu jeudi à l’âge de 82 ans, a plusieurs arguments pour prétendre au titre honorifique de plus grand joueur de l’histoire du football.

Bien sûr il est toujours hasardeux de comparer les époques. Bien sûr le football des années 60-70 n’a plus grand-chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Mais le sport appelle les classements, même à travers les âges. C’est dans sa nature même. On a toujours voulu savoir qui était le plus grand, quel que soit la discipline. En foot, les avis peuvent diverger et certains avanceront les noms de Di Stefano, Cruyff, Maradona ou Messi (encore plus depuis le sacre de l’Argentine au Mondial 2022) pour prétendre à la couronne. Et les arguments seront sans doute valables. Mais, de « Roi », ll n’y en a eu qu’un. Voici pourquoi.

Parce que Pelé a mondialisé le football

Stanley Matthews, Alfredo Di Stefano ou Ferenc Puskas n’ont pas eu cette chance. La télévision n’existait pas, ou à peine, au moment de leurs exploits. Pelé est apparu au moment où le tube cathodique débarquait en masse dans les foyers. Dès lors, tous les écrans de la planète ont pu diffuser des gestes jamais vus auparavant, des gestes d’un jeune joueur brésilien révélé lors d’une Coupe du monde en Suède. Cette année-là, en 1958, Pelé a 17 ans et illumine toutes les petites lucarnes. Il ne les quittera plus, popularisant et symbolisant le foot. « Comme Michael Jordan pour le basket, il a propulsé le football sur la scène médiatique planétaire », analyse Alain Giresse.

En 1970, c’est la double lame. Pour le Mondial au Mexique, la télé devient couleur et c’est en multichrome que le monde assiste à l’avènement du Dieu au pays des Aztèques. « Pelé est arrivé au bon moment », observe Paul Dietschy, historien du sport et spécialiste du foot. « Comme Mohamed Ali en boxe, il a représenté ces athlètes noirs qui ont profité de l’exposition médiatique de la télé pour irradier partout dans le monde. »

« C’était une rock star », se souvient Éric Roy, consultant pour franceinfo: sport. « Quand il débarquait en Europe, c’était comme le messie. À l’époque, le foot était évidemment moins retransmis, et donc moins banalisé, qu’aujourd’hui et il y avait une part de fantasme dans ces apparitions ».

Parce qu’il a gagné trois Coupes du monde

C’est l’argument le plus facile, le plus imparable. Cristiano Ronaldo, Johan Cruyff ou Michel Platini n’ont jamais remporté le trophée, Diego Maradona et Lionel Messi l’ont soulevé une seule fois. Si le fait de déterminer le plus grand joueur doit se faire à l’aune de la plus grande compétition, alors Pelé n’a pas d’équivalent. De 1958, année de sa révélation, à 1962, où il est déjà au sommet de son art mais blessé par les agressions répétées sur le terrain, pour finir en apothéose en 1970 et la consécration au Mexique, le Brésilien aura traversé plus d’une décennie sur le toit du monde. Aucun rival ne peut s’aligner. 

Diego Maradona et Pelé lors d'une opération promotionnelle à Paris, le 9 juin 2016. (FLORIAN DAVID / HUBLOT)

Diego Maradona et Pelé lors d'une opération promotionnelle à Paris, le 9 juin 2016. (FLORIAN DAVID / HUBLOT)

Parce qu’il a inventé des gestes passés à la postérité

Certes, il y a ces 1283 buts en carrière. Le nombre, si contesté soit-il, parle de lui-même. Mais le football ce n’est pas que des chiffres. L’imaginaire sera toujours plus fort que des statistiques. À ce titre, le génie de Pelé a forgé dans le temps des actions qui dépassent toutes les énumérations. On peut battre des records, pas des images. Et ce n’est pas un hasard si les deux actions les plus créatives du Brésilien se sont soldées par un échec. Sur ces deux inventions sorties de nulle part, lors de la Coupe du monde 1970, Pelé n’a pas marqué de but mais il a marqué les esprits à jamais. 

Il y a d’abord ce lob contre la Tchécoslovaquie, tenté de plus de 50 mètres et qui vient mourir au ras du poteau du gardien. « À cette époque, personne ne songeait à faire ça », se souvient Alain Giresse. « Aujourd’hui c’est presque devenu monnaie courante mais il fallait être Pelé, et avoir sa vision du jeu, pour ne serait-ce que penser à tenter ce geste ». Et puis, quelques jours plus tard, en demi-finale contre l’Uruguay, le numéro 10 auriverde réalise ce qu’on a depuis appelé « la feinte du siècle« , un grand pont sur le gardien sans toucher le ballon ! Là encore, ce dernier finira juste à côté du but mais qu’importe : le chemin parcouru est tellement plus beau que la destination. 

Parce qu’il était le prototype du joueur moderne

Pied droit, pied gauche, jeu de tête, dribble, vision du jeu… Pelé était le joueur complet par excellence. Il n’avait pas de point faible et la légende raconte qu’il était même un excellent gardien de but. Pour Alain Giresse, sa supériorité dans tous les domaines s’appuyait sur une particularité physique : des cuisses de taureau. « Elles lui permettaient de sauter très haut, d’encaisser les chocs et surtout d’avoir une accélération dévastatrice pour enchaîner les dribbles. »

Mais un premier pas, aussi explosif soit-il, ne sera jamais aussi efficace que s’il est combiné avec une intelligence de jeu hors normes. L’ancien milieu de terrain français l’a bien compris. « Pelé avait en lui en ordinateur qui lui permettait d’analyser sur quel pied se tenait son défenseur et qui lui dictait comment le déséquilibrer. Il avait dans le cerveau un drone avant l’heure. »

« L’harmonie gestuelle parfaite »

Christian Gourcuff

Franceinfo: sport

Éric Roy, lui, insiste sur un aspect moins connu du joueur : « C’était avant tout un véritable athlète. Il suffit de voir sa détente sèche sur le but qu’il inscrit en finale de la Coupe du monde 1970 contre l’Italie ». Et l’ancien milieu de terrain de poursuivre : « Je suis persuadé que, contrairement aux autres joueurs de son époque, il aurait eu sa place dans le football d’aujourd’hui. Il était tellement en avance physiquement… »

Christian Gourcuff, ancien entraîneur, préfère s’attacher à la dimension presque poétique du joueur de Santos. « C’était l’harmonie gestuelle parfaite. On ne pouvait pas lui trouver de défaut. »

Parce qu’il a symbolisé un mythe révolu

Le futbol samba a disparu de la surface du globe depuis longtemps mais sa magie perdure. Le Brésil des années 60-70 a sans doute été la plus belle équipe de l’histoire et Pelé représentait mieux que quiconque ce football joyeux, offensif, insouciant et génial. Une légende, engloutie certes, mais dont le souvenir est encore ardent pour beaucoup de passionnés. « Il y a forcément une forme de nostalgie », remarque Éric Roy.

Pour Christian Gourcuff, « Pelé personnifiait le Brésil et la légende du joueur brésilien artiste ». La personnalité irradiante du joueur, souvent opposée à celle sulfureuse de Maradona ou à celle trop lisse de Messi, pèse peut-être également dans la balance au moment de statuer sur le « GOAT » (« Greatest of All Time). « Pelé c’était le sourire perpétuel, mais aussi l’émotivité car il n’avait pas peur de montrer ses émotions », se rappelle Paul Dietschy. « C’était le gendre idéal du football. Son aura a largement dépassé le cadre du sport et c’est en cela qu’il restera le plus grand de tous ».


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