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Espace : Neptune, exoplanètes, plus près du Big Bang… Où va nous emmener le télescope James Webb en 2023 ?

Il doit notamment pointer ses instruments vers les deux planètes « voisines » de la Terre, et sonder plus profondément l’Univers pour se rapprocher encore davantage du Big Bang.

Un an seulement après son lancement, le télescope James Webb (JWST) possède déjà un joli tableau de chasse. Offrant des images d’une précision inédite, il ne cesse de mettre des étoiles dans les yeux des spécialistes. Il est opérationnel sur quatre thèmes d’observation majeurs : l’univers très (très) lointain, l’évolution des galaxies, la vie et la mort des étoiles, les planètes et les exoplanètes. En 2023, vers quelles contrées le télescope le plus puissant jamais envoyé dans l’espace va-t-il désormais nous emmener ? Franceinfo présente quelques objets célestes sur lesquels il doit se pencher.

A la découverte d’Uranus et Neptune

A une distance relativement proche, James Webb va continuer à observer l’environnement de la Terre. Il avait déjà scruté Jupiter, la plus grande planète de notre système solaire, ainsi que ses lunes et ses anneaux. Le télescope va désormais s’intéresser à d’autres planètes « voisines », Uranus et Neptune, rapporte à franceinfo Thierry Fouchet, du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique de Paris. Le JWST a déjà brièvement examiné Neptune, livrant en septembre une rare image de l’astre avec ses anneaux (une version annotée, avec les noms des lunes, est visible sur le site de l’Agence spatiale européenne*).

La planète Neptune capturée par l'instrument NIRCam du téléscope spatial James Webb, le 12 juillet 2022. (NASA / ESA / CSA / STSCI)

La planète Neptune capturée par l'instrument NIRCam du téléscope spatial James Webb, le 12 juillet 2022. (NASA / ESA / CSA / STSCI)

Située trente fois plus loin du soleil que la Terre, la huitième et ultime planète de notre système solaire (Pluton a été « rétrogradée » au statut de planète naine en 2006, comme le rappelle France Inter) reçoit rarement de la visite. La dernière image claire de Neptune remonte au passage dans ses environs de la sonde Voyager 2, en 1989. Même chose pour Uranus, l’avant-dernière planète de la liste.

La planète Uranus (gauche) prise en photo par la sonde Voyager 2, en 1986, et la planète Neptune capturée par la même sonde en 1989. (NASA / JPL-CALTECH)

La planète Uranus (gauche) prise en photo par la sonde Voyager 2, en 1986, et la planète Neptune capturée par la même sonde en 1989. (NASA / JPL-CALTECH)

Voilà pourquoi les scientifiques ne connaissent que « de façon parcellaire » ces deux lointaines voisines de la Terre, glisse Thierry Fouchet. Pour chacune d’elles, l’objectif est d’étudier leur atmosphère, mais aussi de réaliser des cartes de leur température et de leur composition chimique. Des cartes thermiques* ont déjà été produites, mais l’astrophysicien assure que celles à venir, établies grâce aux mesures du JWST, seront nettement plus fiables.

En exploration dans les systèmes d’exoplanètes

Sortons de notre voisinage direct pour aller voir des exoplanètes, ces astres situés hors du système solaire. La première a été découverte par des Français en 1995, et le cap des 5 000 connues a été passé en 2022. Après une première session en septembre, James Webb continuera en 2023 à observer Trappist-1, qui rassemble sept exoplanètes autour d’une étoile naine située à « seulement » 39 années-lumière de la Terre. Ce système planétaire intéresse les scientifiques car « c’est le plus proche physiquement de la Terre, avec des planètes qui lui ressemblent et qui sont alignées », souligne Philippe Delorme, chercheur à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG).

Autre objectif selon Anthony Boccaletti, astrophysicien à l’Observatoire de Paris : l’étoile HR 8799 et ses exoplanètes, également scrutées fin 2022, le seront à nouveau en 2023. Ce système se trouve à 135 années-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. Il compte quatre planètes géantes, dont les masses oscillent entre 7 à 10 fois celle de Jupiter. Surtout, « le système est jeune, il contient encore de la poussière », souligne l’astrophysicien.

« Le système d’exoplanètes HR 8799 a de la poussière de seconde génération. Elle est produite par des collisions d’objets. Cela signifie que des planètes rocheuses, que nous ne sommes pas encore capables de voir, se sont formées. »

Anthony Boccaletti, astrophysicien

à franceinfo

A la recherche des « planètes errantes » 

Des exoplanètes encore plus « exotiques » sont au programme des observations : des « planètes errantes », c’est-à-dire solitaires, détachées de toute étoile. « Nous n’en connaissons pas beaucoup. En général, elles sont plutôt de la masse Jupiter », souligne auprès de franceinfo l’astrophysicien Olivier Berné, attirant l’attention sur le mystère qui entoure leur formation.

« Nous ne savons pas si les ‘planètes errantes’ se forment autour d’une étoile et sont ensuite éjectées, ou si elles se forment spontanément dans le milieu interstellaire. Les observer et les caractériser doit permettre de mieux répondre à ces questions. »

Olivier Berné, responsable de projet scientifique sur le télescope James Webb

à franceinfo

Certaines des « planètes errantes » qui seront scrutées se trouvent dans la nébuleuse d’Orion (à 1 350 années-lumière de la Terre), et donc dans notre galaxie, la Voie lactée. « A l’échelle de James Webb, c’est assez proche », remarque Olivier Berné. Cette proximité relative contraste néanmoins avec la spécialité du JWST : observer l’univers lointain.

Dans les méandres des lentilles gravitationnelles

Sur la première image du télescope publiée en juillet, le champ profond de James Webb montre une infime partie du ciel. On y aperçoit, au centre, un amas supermassif de galaxies, de couleur blanche. Les objets de couleur rouge et orange, qui apparaissent en double, sous forme de crêpe ou de filament, sont des galaxies très anciennes. L’amas de galaxies blanches est si lourd et si dense qu’il agit comme une loupe, faisant apparaître derrière lui des objets très éloignés. Un effet appelé « lentille gravitationnelle ».

La première image du télescope James Webb, dévoilée le 11 juillet 2022, montre un amas de galaxies. (NASA / AFP)

La première image du télescope James Webb, dévoilée le 11 juillet 2022, montre un amas de galaxies. (NASA / AFP)

En 2023, les travaux de JWST permettront d’examiner « des amas de galaxies provoquant de larges lentilles gravitationnelles », affirme Rogier Windhorst. Ce chercheur à la Nasa est l’auteur principal du projet Pearls du télescope, qui étudie l’époque à laquelle les premières galaxies se sont formées et les premières lumières sont apparues dans l’Univers.

« Nous espérons bien voir des étoiles individuelles datant du premier milliard d’années [après le Big Bang], directement avec le télescope James Webb. »

Rogier Windhorst, chercheur à la Nasa sur le télescope James Webb

à franceinfo

Il mentionne également des observations à venir de « disques d’accrétion » (des disques de gaz et parfois de poussières, en orbite autour d’un objet céleste) dans des quasars, les objets les plus lumineux de l’univers. « Les quasars sont des galaxies dans lesquelles il y a un trou noir supermassif, qui est très actif et qui émet une lumière mille fois plus forte que toute la galaxie réunie », expliquait en 2020 l’astrophysicienne Françoise Combes, médaillée d’or du CNRS pour ses travaux dans ce domaine. 

Vers de nouveaux records et des surprises ?

Enfin, l’astrophysicien Olivier Berné affirme sans frémir que des « records d’observation des galaxies les plus lointaines vont probablement exploser » en 2023. Des scientifiques ont déjà annoncé, mi-décembre, en avoir battu un avec deux galaxies détectées à seulement 320 et 350 millions d’années après le Big Bang (contre 400 millions d’années auparavant). Grâce à James Webb, les chercheurs espèrent remonter — peut-être pas dès 2023 — jusqu’à 100 millions d’années après cet événement survenu il y a plus de 13 milliards d’années.

Une image capturée par la caméra infrarouge du télescope James Webb, dévoilée par la Nasa le 17 novembre 2022, montre l'une des deux galaxies les plus éloignées observées à ce jour, près de l'amas de galaxies Abell 2744. (ESA, NASA, CSA, STSCI / AFP)

Une image capturée par la caméra infrarouge du télescope James Webb, dévoilée par la Nasa le 17 novembre 2022, montre l'une des deux galaxies les plus éloignées observées à ce jour, près de l'amas de galaxies Abell 2744. (ESA, NASA, CSA, STSCI / AFP)

Outre les records, les spécialistes sollicités par franceinfo espèrent la survenue « de résultats un peu moins attendus ». « On a déjà eu une surprise avec la première découverte de dioxyde de soufre sur une exoplanète [WASP-39 B]« , rappelle Olivier Berné, en référence à une annonce faite le 22 novembre par la Nasa*.

Mais à quoi ressemblerait une « grosse surprise » ? Pour l’astrophysicien, il pourrait par exemple s’agir de la découverte d’une « molécule inconnue ». En effet, grâce à la spectroscopie (l’étude des rayonnements émis, absorbés ou diffusés par une substance), les scientifiques peuvent identifier des molécules malgré les longues distances, grâce à leur signature lumineuse. S’il invite à la prudence, Olivier Berné se veut optimiste : « Il se peut que l’on détecte dans l’espace une molécule que nous ne connaissons pas, que nous n’avons pas encore synthétisée en laboratoire sur Terre. »

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.


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