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Mort de Benoît XVI : comment on enterre un pape

Un cercueil en bois tout simple, posé à même le sol au milieu de l’esplanade devant la basilique Saint-Pierre de Rome. Dessus, un livre des Évangiles ouvert, aux pages balayées par une brise légère. Qui a été présent aux funérailles du pape Jean Paul II, le 8 avril 2005, garde de façon indélébile en mémoire cette image saisissante. Celui qui présidait alors la cérémonie, en tant que doyen du collège des cardinaux avant de devenir Benoît XVI, sera célébré dans le même dépouillement ce jeudi 5 janvier 2023 au matin, au cœur du Vatican

Paul VI, enterré le 12 août 1978, avait décidé d’alléger le cérémonial, en commençant par lui-même. Cela n’empêche pas, évidemment, de donner toute l’amplitude que requièrent la gravité et la solennité du moment, célébré devant une foule immense (60 000 fidèles sont attendus), l’ensemble des cardinaux et des évêques, des grands de ce monde, les représentants des États (183 au total) qui sont en relations diplomatiques avec le Vatican – c’est le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, Gérald Darmanin, qui représentera la France – et plusieurs millions de téléspectateurs dans le monde. Avant Paul VI, les funérailles des papes avaient lieu à l’intérieur de la majestueuse basilique Saint-Pierre, et le cercueil était placé dans un catafalque spectaculaire. Autre époque…

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Un cercueil en bois de cyprès

Celui de Benoît XVI, comme celui de ses trois autres prédécesseurs, est en cyprès, bois qui résiste à l’eau. Le pape émérite, après que son corps fut exposé dans la basilique, comme le veut la tradition, pour que viennent se recueillir les fidèles – y est placé la veille de la cérémonie, ce 4 janvier en fin d’après-midi. Précision, puisque les images impressionnantes de la dépouille de Benoît XVI ont fait le tour du monde, le corps du pape n’a pas été embaumé. « Jusqu’à Léon XIII, mort en 1903, explique le professeur Giovanni Maria Vian, historien et directeur de L’Osservatore Romano durant onze ans, le pape en effet était embaumé, en suivant une procédure qui aujourd’hui nous semble épouvantable et qui avait cours dans l’ancienne Égypte : on enlevait ses viscères, et on les déposait dans des vases conservés dans l’église des Saint-Vincent et Anastase qui fait face à la fontaine de Trevi. » Cette pratique a été abolie par le pape Pie V.

Dans le cercueil, le corps du pape est revêtu du pallium, à savoir l’étoffe blanche marquée de cinq croix noires, a précisé le Vatican (il y eut un doute sur le fait que, le pape étant émérite, il soit enterré avec ce symbole du pouvoir épiscopal effectif). Sont ajoutées des pièces de monnaie et des médailles frappées durant le pontificat de Benoît XVI (2005-2013), et un texte reprenant succinctement les temps forts de son règne, que l’on appelle le « rogito », et qui est placé dans un cylindre métallique. Pas de férule papale (le bâton liturgique surmonté d’une crosse), en revanche. « Aucun pape n’est enterré avec », souligne le Vatican.

Les « funérailles du pontife romain » sont l’objet du chapitre V dans la première partie de la constitution apostolique Universi Dominici gregis, signée par Jean Paul II. Avant que le cercueil ne soit refermé, un procès-verbal authentique est rédigé par le notaire du chapitre de la basilique ou par le chanoine archiviste, prévoit le texte. Puis, « un délégué du cardinal Camerlingue [le dignitaire qui d’ordinaire assure la vacance du pouvoir entre deux papes, fonction longtemps occupée jusqu’à une période récente par le Français Jean-Louis Tauran, NDLR] et un délégué du préfet de la Maison pontificale rédigent séparément les documents qui font foi de ce que l’inhumation a eu lieu ; le premier en présence des membres de la Chambre apostolique, le second en présence du préfet de la Maison pontificale ». Le cercueil est scellé « selon un rite spécial », et attend dans la basilique durant la nuit qui le sépare des obsèques proprement dites.

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120 cardinaux, 400 évêques, 4 000 prêtres pour concélébrer

Il sera sorti sur le parvis (les télévisions ne pourront commencer à filmer qu’à ce moment-là), ce jeudi matin, un peu avant 9 heures, pour que les fidèles aient le temps de réciter le chapelet, suivant l’usage précédant toute célébration pontificale. La tradition, qui puise ses racines dans la Rome ancienne, veut qu’un délai de neuf jours sépare « le décès du pontife romain » de son enterrement – on appelle cela « les novendiales » – afin que les cardinaux célèbrent, souligne la constitution apostolique, « les services funèbres pour le repos de son âme, selon les normes de l’Ordo exsequiarum romani pontificis, auxquelles ils se conformeront fidèlement, ainsi qu’à celles de l’Ordo rituum conclavis ». Pour Benoît XVI, ce temps a été raccourci, selon Giovanni Maria Vian, de façon à ce « qu’il soit enterré […] avant la fête de l’Épiphanie qui est fixée de manière immuable le 6 janvier en Italie et au Vatican ».

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Ces obsèques, de toute façon, présentent plusieurs particularités, puisque ce pape avait renoncé à sa charge pontificale, voilà dix ans. C’est le pape François qui présidera cette cérémonie, et prononcera l’homélie, parole évidemment très attendue : un pape enterrant un autre pape, c’est une première dans l’histoire moderne de la papauté, mais pas dans l’ensemble de son déroulement, puisque, comme le souligne le professeur Vian, au moment du grand schisme d’Occident au début du XVe siècle cohabitaient trois papes.

À LIRE AUSSIMgr Sarah : « Il ne faut pas transformer les évêques en boucs émissaires » Le pape François ayant des difficultés à se déplacer, c’est – comme le veut l’usage – le doyen du collège des cardinaux, en l’occurrence l’Italien Giovanni Battista Re, âgé de 88 ans, qui célébrera. Avec à ses côtés… plus de 120 cardinaux, 400 évêques et 4 000 prêtres (le livret est d’ores et déjà disponible sur Vatican news, la plateforme numérique de l’État pontifical, en italien). À l’issue de la cérémonie, et en l’absence des médias, le cercueil – entouré d’un ruban fermé par les sceaux de trois organismes pontificaux – est transporté jusqu’aux grottes vaticanes, la crypte située sous la basilique – au-dessus des ruines des tombes des premiers chrétiens, et de celle de Saint-Pierre – et où sont enterrés les autres papes. Puis, selon les informations données par le bureau de presse du Vatican, « le cercueil en cyprès est placé dans un cercueil en zinc qui est soudé et scellé, et qui est à son tour placé dans une boîte en bois qui est ensuite enterrée ». Et c’est alors que le pape Benoît XVI pourra reposer en paix. Pour l’éternité.


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