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Climat : on vous explique pourquoi la nouvelle étude sur la disparition des glaciers est inquiétante (même si tout n’est pas perdu)

La moitié des glaciers de la planète est condamnée à disparaître à l’horizon 2100, selon une nouvelle étude publiée jeudi dans la revue « Science ». Mais l’autre moitié peut être sauvée si nous diminuons notre consommation de charbon, de pétrole et de gaz.

La moitié des glaciers du monde est condamnée par le réchauffement climatique. C’est la principale conclusion d’une nouvelle étude, publiée jeudi 5 janvier dans la revue Science, par une équipe de glaciologues internationaux. Mais ces travaux, qui constatent une disparition plus importante que prévu, démontrent également que l’autre moitié peut être sauvée si l’être humain réduit sa consommation d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) et la déforestation, principaux moteurs du réchauffement de notre climat. Franceinfo vous détaille cette étude.

>> Regardez le sujet de France 2 « Réchauffement climatique : au moins la moitié des glaciers disparaîtra d’ici 2100 »

49% des glaciers condamnés, notamment dans les Pyrénées et les Alpes

Les scientifiques ont travaillé avec deux scénarios. L’un où l’homme parviendrait à limiter le réchauffement à 1,5°C en 2100, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, et l’autre où la température globale grimperait de 4°C. Actuellement, les engagements des Etats – qui ne sont pas tenus pour le moment – nous conduisent vers un réchauffement de 2,7°C.

Dans le premier scénario, 49% des glaciers, en particulier les plus petits et les plus bas en altitude, fondront d’ici à la fin du siècle. Dans le second, c’est 83% de ces étendues de glace qui disparaîtront. Et dans une trajectoire de +2,7°C ? « Nous obtenons des valeurs intermédiaires, avec 65% des glaciers disparus », explique à France Télévisions l’un des auteurs de l’étude, Etienne Berthier.

En France, il reste des glaciers dans deux massifs, les Alpes et les Pyrénées. Mais plus pour très longtemps. « Dans les Pyrénées, l’affaire est entendue. Ils vont disparaître d’ici dix à vingt ans », prévient le glaciologue du CNRS, qui travaille à Toulouse. Dans les Alpes, « ils vont persister plus longtemps, mais en 2100, nos projections indiquent qu’il resterait au mieux une quinzaine de pourcents de leur masse », poursuit-il. Dans le scénario +4°C, « c’est la disparition quasi complète ».

L’année 2022, la plus chaude jamais enregistrée en France, est une bonne illustration du problème. « Si les glaciers reculent aujourd’hui, c’est principalement à cause de l’augmentation des températures estivales », détaille Etienne Berthier. La succession de canicules observées en 2022 « a été une catastrophe, avec des pertes trois à quatre fois plus fortes que les années précédentes, déjà déficitaires ». Les hivers trop doux, comme le précédent et les premières semaines de l’actuel, ne font qu’aggraver le phénomène. « C’est le moment où le glacier devrait se régénérer et se préparer à résister à l’été prochain. Sa résistance va dépendre de l’épaisseur de la couche de neige », décrit le glaciologue. Si cette couche de neige est trop mince, le glacier est « mis à nu » très tôt dans la saison. Sa glace, « plus sale et sombre » que la neige, absorbe davantage de chaleur et entraîne une fonte plus rapide.

Une perte aux conséquences importantes pour l’humain et les écosystèmes 

La disparition des glaciers n’est pas qu’une question de paysage. « Ce sont nos châteaux d’eau, une de nos plus grandes réserves d’eau douce », observe la glaciologue Heïdi Sevestre, qui n’a pas participé à l’étude, mais salue un « tour de force » scientifique. Elle liste les conséquences en cascade de leur disparition en prenant l’exemple des Alpes : moins d’eau potable, moins de débit dans les rivières, avec de graves répercussions pour la production d’électricité (barrages et centrales nucléaires). « Il pourrait y avoir jusqu’à 40% de débit en moins pour le Rhône [comme l’explique ce sujet de France Inter]. Il y a six centrales nucléaires qui, pendant l’été, ont besoin de son eau pour se refroidir« , souligne-t-elle. 

Quant à l’agriculture, « s’il n’y a pas de pluie en été et pas de glaciers qui fondent pour soutenir le débit des rivières, cela va être très compliqué », prévient Heïdi Sevestre. Cette native d’Annecy (Haute-Savoie) rappelle enfin le rôle que jouent les glaciers dans certains domaines skiables, où ils permettent de prolonger la saison.

« Les glaciers stockent l’eau sous forme de neige et la restituent en période de sécheresse et de canicule. Quand ils auront disparu, nous allons perdre cette capacité à rendre l’eau disponible quand nous en avons besoin », résume Etienne Berthier. Enfin, la fonte des glaciers contribue à la montée des eaux, même si ce phénomène est principalement alimenté par la fonte des calottes polaires (Groenland et Antarctique) et la dilation de l’eau due à l’augmentation de la température. Selon les deux scénarios considérés, la fonte des glaciers contribuerait à hauteur de 9 cm et 15,4 cm en 2100 d’un total allant, selon les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, de 28 cm à 1 m.

L’autre moitié peut être préservée si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre

Tout n’est cependant pas perdu : la moitié des glaciers, les plus grands et les plus en altitude, comme ceux des régions polaires ou de l’Himalaya, peut encore être sauvée. « C’est pour ceux-là qu’il y a un vrai enjeu à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre et de contenir la hausse des températures de 1,5 à 2°C », martèle Etienne Berthier.

« Nous n’avons pas le luxe de baisser les bras, il faut être dans l’action », estime de son côté Heïdi Sevestre, en listant les différents leviers : vote et action collective, éducation, réduction de son empreinte carbone… « Chaque fraction de degré compte, chaque tonne de charbon, de pétrole et de gaz naturel que l’on brûle nous amène dans la mauvaise direction », appuie-t-elle, en rappelant que « l’avenir de l’humanité » est lié à « l’avenir des glaces ».


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